L’abbé de Tanoüarn s’exprime sur l’article 19 de l’Instruction »Universae Ecclesiae »
publié dans nouvelles de chrétienté le 25 mai 2011
mardi 24 mai 2011
Qu’en pense la Fraternité Saint Pie X ?
par l’abbé Guillaume de Tanoüarn
Le dernier numéro de Dici contient une très intéressante analyse de l’instruction Universae Ecclesiae, dont le moins que l’on puisse dire est que, sans occulter les difficultés qui se posent aux traditionalistes désireux de voir les formes de la tradition catholique retrouver leur droit dans l’Eglise, le rédacteur mesure l’importance de ce texte et la dit parfois mieux que bien des Ecclésiadéistes déclarés (non, je ne fais pas de dialectique personnelle).
Voici le passage qui m’a le plus intéressé, même si il faut lire l’ensemble du texte. C’est une nuance. Le Rédacteur n’est jamais si bon que dans les nuances :
« On notera ici une nuance, écrit-il : l’Instruction parle de « validité » ou de « légitimité », là où la lettre de Benoît XVI aux évêques du 7 juillet 2007 réclamait une « reconnaissance de la valeur et de la sainteté » du Novus Ordo Missae et la non exclusivité de la célébration traditionnelle ».
Il semble bien que le concept de « légitimité » soit appelé à remplacer les expressions plus floues, plus subjectives qu’employait la Lettre accompagnant Summorum pontificum en 2007. Le Rédacteur a raison de mesurer ainsi le chemin parcouru d’une formulation à l’autre.
Rome veut aller aussi loin que possible dans son dialogue théologique avec les traditionalistes. Pas besoin de trouver subjectivement de la valeur au nouveau rite pour être catholique ! C’est d’une valeur objective qu’il est question.
On peut dire de la même façon : pas nécessaire de reconnaître autre chose que la « sainteté » objective du rite, c’est-à-dire sa « validité ». Mgr Lefebvre m’avait fait prêter serment avant mon ordination, me demandant de reconnaître la validité du Rite rénové, faute de quoi je n’aurais pas été ordonné… Et il en a été de même pour tous les prêtres de la FSSPX, même après les sacres de 1988.
La sainteté du rite ne renvoie à aucune appréciation personnelle ; la sainteté du rite, c’est sa validité. Mais avouons que le terme de « sainteté » qui est le plus souvent subjectif, s’appliquant plutôt à des personnes qu’à des choses, était ambigu. Validité vaut mieux.
Quant au mot « valeur » qu’utilisait la Lettre aux évêques accompagnant Summorum pontificum, on peut établir à son sujet la même distinction entre valeur objective et valeur subjective.
Que signifie le mot « valeur » utilisé dans la Lettre de 2007 ? On voit ce que le pape veut dire : la messe de l’Eglise catholique vaut pour l’Eglise catholique, ou alors, si elle ne vaut pas, l’Eglise n’est plus l’Eglise. Il s’agit d’une valeur tout ce qu’il y a de plus objectif.
Le problème c’est que ce terme de valeur est horriblement subjectif : a de la valeur ce qui vaut pour moi. On peut faire la même remarque à propos du substantif pluriel : les valeurs. Les valeurs, ce sont les biens auxquels j’attribue de la valeur, même si mon voisin n’en fait pas autant.
Dans la Lettre aux évêques, qui est normative, Benoît XVI n’employait pas ce mot « valeur » au sens subjectif…
Dans la récente instruction, le mot « valeur » utilisé dans la Lettre ux évêques en 2007 est remplacé par le mot « légitimité ». On ne demande pas aux traditionalistes de reconnaître une valeur subjective au Nouvel Ordo. Ce serait les obliger à la contradiction. Non ! On leur demande simplement de reconnaître que la messe rénovée, promulguée par un Souverain pontife et célébrée partout est une messe catholique. Comment s’exprimer autrement sans détruire l’Eglise que Notre Seigneur a voulu indéfectible dans ses actes magistériels et ministériels les plus importants ?
Je sais que certains n’aiment pas le mot. Mais, assistant (sans forcément la célébrer) ne serait-ce qu’à la messe chrismale, ils pratiquent déjà la chose… Et maintenant que le mot est ainsi objectivement pesé par la Fraternité Saint Pie X, on peut se dire qu’il restera. il me semble que ce mot de légitimité, que l’on doit utiliser à propos de tous les rites catholiques depuis l’anaphore d’Adaï et Mari jusqu’à la liturgie romaine rénovée, est appelé à prendre une portée théologique contraignante.
C’est justement dans la mesure où l’on est capable de reconnaître la légitimité du rite rénové, c’est parce que l’on y assiste comme à un rite catholique, avec les marques de respect qui s’imposent, que l’on peut tout à fait s’abstenir de le célébrer. Les deux formes ordinaires et extraordinaires sont dans une rigoureuse égalité de droit, comme le pape l’a souvent répété et comme le redit l’Instruction Universae Ecclesiae. Alors ? Face à ceux qui de toute façon, sans refuser la légitimité de la forme extraordinaire, s’abstiennent de la célébrer, on peut facilement faire comprendre que le symétrique est vrai dans le rite extraordinaire.
Pour la Fraternité Saint Pie X, ce point est capital. Elle ne peut pas dire que la messe n’est pas la messe si elle est normalement célébrée dans une forme approuvée. Mais elle peut refuser de célébrer ce dont elle reconnaît la légitimité et la validité… Actuellement « des interrogations sérieuses subsistent » sur ce point de la « légitimité » d’après le Rédacteur. Il suffirait de définir clairement ce terme de « légitimité » pour reconnaître que Rome va, avec ces deux mots, « légitimité » et « validité », aux limites de ce qu’elle peut offrir sans se détruire elle-même.
Le problème est de prendre conscience que l’Eglise catholique est le plus vieil état de droit du monde. Ce que l’on refuse, même pour de très bonnes raisons, n’est pas pour autant dépourvu de droit objectif, c’est-à-dire de légitimité.
Mais qu’en pense la Fraternité Saint Pie X ?