« Vous avez été appelés afin de recevoir en héritage la bénédiction »
publié dans couvent saint-paul le 21 juillet 2011
5ème dimanche après la Pentecôte.
« Vous avez été appelés afin de recevoir en héritage la bénédiction »
Autrement dit, au chrétien a été donné beaucoup : la bénédiction. Ici le ciel, la vie éternelle. Mais à celui auquel il a été donné beaucoup, il sera demandé beaucoup. Donc tout chrétien est tenu de produire de grands fruits de sainteté car tout chrétien a beaucoup reçu.
Par le saint Baptême, il a été tiré de sa nature pécheresse. Greffé et enraciné en Jésus-Christ, il a contracté une vie nouvelle, spécifiquement et génériquement distinct de la vie de la nature. Son âme a reçu une marque intime, une emprunte ineffaçable. Autant le ciel est au dessus de la terre, autant, l’âme chrétienne baptisée est au dessus de l’âme qui n’est pas régénérée. La vie de cette âme baptisée n’est plus une vie purement humaine, c’est une vie divine, c’est la vie communiquée du Verbe de vie fait chair. Aussi le chrétien est-il adoptive ment l’enfant de Dieu, le frère de Jésus-Christ, le membre de l’Eglise qui le nourrit de ses sacrements et qui, en le vivifiant par la grâce, dépose au plus intime de son être, le germe et la racine de la gloire : la vie éternelle. Il en est à présent, ici bas, constitué l’héritier : « Vous avez été appelés afin de recevoir en héritage la bénédiction ». Et comme dans l’ordre moral, les prérogatives sont inséparables des devoirs, l’homme ainsi déifié par la grâce est tenu de vivre une vie nouvelle, une vie divine.
Or il se trouve que l’épître de saint Pierre que nous venons de lire ainsi que l’Evangile de ce dimanche, nous donnent une merveilleuse description des vertus chrétiennes, celles vécues tout d’abord par NSJC et que l’Eglise veut voir fleurir en nos âmes.
Essayons, MBCF, d’en apprécier la description.
« Soyez unis dans la prière, compatissants, vous aimant comme des frères, miséricordieux, doux et humbles ».
O quelle belle description du chrétien, de l’agir baptismal !
« Soyez unis » : Saint Paul demandait aux chrétiens « de rester en harmonie, dans la même intelligence et la même façon de sentir », Saint Pierre, ici, « soyez unis » ne vise pas seulement la bonne entente, mais demande que nous ayons une mentalité semblable, venant d’une même foi et d’un même amour, de sorte que tous, d’origine si diverses, si disparates, nous ayons cependant des vues et des goûts identiques, des réactions analogues, même dans les domaines les plus contingents. Saint Pierre condamne ici les extrémistes, les caractères entiers, les esprits géométriques qui rendent toute vie commune difficile.
Soyez « compatissants » : la compassion, ce fut l’attitude du Maître si souvent observé par saint Pierre. C’était la marque du Christ. Il était compatissant. Il le fut à la vue de la veuve quittant la ville de Naïm. Elle était veuve. Elle venait de perdre son fils, son unique. Désolée et suivie par la foule, elle quittait la ville, le Christ vit ce spectacle, ce défilé funèbre. Et ému, touché de compassion, il fit arrêter le cortège et remit le fils vivant à la mère. Ainsi par la compassion, on peut participer aux sentiments de son prochain ; on fait siennes ses joies et ses peines parce que l’amour nous assimile à lui : « lorsqu’un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; qu’il soit à l’honneur, tous les membres s’en félicitent avec lui ». Tel fut l’exemple donné par le Christ. Et il avait dit aussi de ses disciples : « Tous, Vous êtes des frères » parce que tous vous avez même parenté spirituelle : « Ils ont Dieu pour Père ».
Et après avoir dit « soyez compatissants » Saint Pierre ajoute : soyez « fraternels » et comme une fraternité peut encore être assez virulente et rude, il ajoute « maternellement tendres », à l’imitation de Dieu. C’est l’attitude du bon samaritain. Cette parabole, Saint Pierre l’a entendue de la bouche de son Maître. Elle l’avait frappé au point de donner cette attitude en exemple au baptisé. Cette attitude suppose l’absence de quant-à-soi, de vanité et d’esprit partisans dans les rapports mutuels.
D’où la recommandation de l’humilité, une sorte d’abaissement volontaire qui, se mettant à la portée et à la disposition de tous, rend patient et doux.
« Ne rendez pas le mal pour le mal ni injure pour injure ; bien au contraire, bénissez puisque c’est à cela que vous avez été appelés pour devenir héritier de la bénédiction ». C’est du plus pur évangile. C’est du reste le récit que nous avons dans l’évangile de ce dimanche. Le Seigneur supprime la loi du Talion, il interdit aux disciples de se venger. D’où le précepte apostolique : « ne pas rendre le mal pour le mal et en particulier ne pas répondre à des injures par des injures puisque « la charité , nous dit saint Paul aux Corinthiens, ne passe pas le mal en compte » et que les insulteurs sont exclus du Royaume de Dieu. Il faut au contraire bénir ceux qui nous maudissent, c’est-à-dire appeler la grâce de Dieu (finalement le salut éternel) sur ce prochain hostile et, d’une façon plus générale, nourrir à son égard une bienveillance inaltérable que l’on manifestera aussi bien dans les propos que dans l’attitude et les services rendus.
Ce pardon est héroïque. Certes ! Il est toutefois la vocation propre des disciples du Christ. Leur marque distinctive. Et cela d’abord et avant tout parce que le pardon fut l’attitude du Christ sur la Croix. Parce qu’il fut l’attitude de saint Etienne, lapidé par les Juifs pour avoir confessé la divinité du « fils de l’homme ». Dire, souhaiter et faire du bien dans les circonstances les plus ingrates : c’est le talion de la charité qui se substitue au talion de la justice.
Mais elle a les meilleurs des fruits : la bénédiction éternelle, la possession du Royaume de Dieu. « Venez les bénis de mon Père, prendre possession du Royaume de Dieu » ;
« Si quelqu’un veut aimer la vie et voir des jours heureux qu’il préserve sa langue du mal et que ses lèvres ne professent pas le mensonge ; qu’il se détourne du mal et qu’il fasse le bien… » MBCF, on peut résumer cette phrase de saint Pierre en disant qu’il n’y a pas de béatitude et ultimement de bonheur éternel sans vertu. C’est donc l’homme qui décide de son sort par ses propres déterminations. Autant l’éloignement de Dieu est funeste. Autant la vertu recherchée procure la paix et une plénitude de biens.
Et certainement et ultimement, vous dis-je, la béatitude céleste. Ainsi, pour saint Pierre, la béatitude céleste est le fruit de la vertu, comme la possession de la perle et le trésor du champ est le fruit de la vente de tout le bien de l’homme de l’Evangile…pour acquérir la pierre précieuse. Pour acquérir la perle précieuse, je vends tout. Pour obtenir le ciel, je choisis la vertu. C’est un beau cas d’amour de charité envers soi-même. Je veux mon bien. Je pratique alors les vertus appropriées. Saint Pierre donne quelques exemples : je maîtrise ma langue et ne dis pas de mal du prochain puisque je le respecte éminemment. Je ne dis aucun mensonge puisque Jésus est vérité.
Aimant la vraie vie, la vie éternelle, les chrétiens savent qu’il n’y a de bonheur qu’avec Dieu et dans un agir vertueux. C’est, du reste, la définition que donnait déjà Aristote dans son Ethique à Nicommaque : « le bonheur c’est l’agir vertueux ».