Il y a eu des Bartolucci
publié dans flash infos le 2 septembre 2009
Sous la plume toujours très fine de Jean Madiran, on peut lire cet article sur Mgr Bartolucci, le maître de chapelle de la Sixtine pendant plus de quarante ans. On relira avec plaisir son interview que je retransmettais sur Item dans la rubrique LNDC du 25 août 2009.
Il y a eu des Bartolucci
C’est à notre bon confrère hebdomadaire Daoudalhebdo que nous devons la révélation d’une personnalité rare : Mgr Domenico Bartolucci. Il a l’âge disons… d’Emile Poulat et l’esprit aussi alerte. Il a été maître de chapelle de la Sixtine de 1956 à 1997, c’est-à- dire sous Pie XII, sous Jean XXIII, puis durant tout le règne de Paul VI, et enfin sous Jean-Paul II. Bien qu’on soit à la Sixtine à titre perpétuel, il en fut chassé en 1997 par le progressiste Piero Marini, maître des célébrations pontificales que Benoît XVI remplacera, ne pas confondre, par Mgr Guido Marini.
Peu de temps après son élection au souverain pontificat, Benoît XVI avait tenu à manifester publiquement son estime pour Mgr Bartolucci. Et maintenant, interrogé sur le point de savoir si, après le motu proprio du 07.07.07, s’est mis à célébrer la messe traditionnelle, l’ancien chapelain de Sixtine sous Paul VI répond tranquillement :
« J’ai toujours célébré cette messe, de façon ininterrompue depuis mon ordination… En fait, j’aurais même des difficultés à célébrer la messe du rite moderne, car je ne l’ai jamais dite. »
Ce ne fut point par routine, paresse ou conservatisme, comme le ricane depuis quarante ans la tromperie moderniste. Mgr Bartolucci a « bien connu » la réforme liturgique et ceux qui l’ont fabriquée :
« C’était une mode, tout le monde parlait, tout le monde “rénovait”, tout le monde pontifiait sur base d’un sentimentalisme qui prétendait tout réformer, et on faisait taire habilement les voix qui s’élevaient pour défendre la tradition bimillénaire de l’Eglise… « Que le nouveau rite ait des déficiences est désormais une évidence pour tout le monde… Lorsqu’on a fait des déchirures dans le tissu de la liturgie, ces trous restent difficiles à recoudre, et ils se voient. Nous devons contempler avec vénération notre liturgie multiséculaire, et nous souvenir qu’avec cette manie de toujours vouloir “améliorer”, nous risquons de ne faire que des dégâts. »
Voilà qui est réconfortant, rétrospectivement, pour tous ceux qui ont vécu l’immense scandale de 1969-1970 et pour tous ceux qui, subissant ses conséquences, ont remonté jusqu’à leur cause, l’affreuse cassure d’il y a quarante ans. On y vit soudain la quasi-totalité des prêtres catholiques, évêques en tête, abandonner d’un seul coup ce qui était la messe de leur ordination, et ne manifester aucun regret, aucun effroi devant sa brusque interdiction. Au contraire, on n’entendait que des applaudissements enthousiastes autour des feux de joie où disparaissait l’ancien rite. Les réfractaires, clercs ou laïcs, n’étaient même pas une minorité, ils n’étaient qu’une minuscule exception, quelles qu’aient été la valeur de leurs objections et la puissance inoubliable du terrible cri vengeur d’Alexis Curvers :
— Cette messe de votre ordination, si aisément abandonnée, c’est donc que vous ne l’aimiez pas ! C’est donc que vous ne l’aviez jamais aimée ! Et que vous nous mentiez !
Mais il y a tout de même eu des Bartolucci parmi les silencieux. A Rome même. A la Sixtine. Sans doute dans la Curie. Et peut-être dans chaque diocèse. Beaucoup d’entre eux sont morts maintenant. Leur fidélité, silencieuse et navrée, ne se découvrira que peu à peu aux yeux des historiens. Mais aussi à la Résurrection.
Jean Madiran, Présent du 1 septembre 2009