Le préfet Paul Girot de Langlade veut réagir : il ira jusqu’au bout
publié dans flash infos le 4 septembre 2009
Lu dans le monde du 4 septembre :
A 63 ans, le préfet Paul Girot de Langlade n’est plus aujourd’hui « qu’un pauvre homme », si l’on en croit son ministre de tutelle, Brice Hortefeux. Un haut fonctionnaire réfugié dans son Auvergne natale, qui encourt une sanction disciplinaire – une mise en retraite d’office ? -, les foudres de la justice, et au final, l’opprobre national, pour s’être emporté, au cœur de l’été, contre des agents de sécurité de l’aéroport d’Orly, en des termes qualifiés par ces derniers de racistes.
Ce « chrétien libéral », comme il aime à se définir, n’est pourtant pas décidé à se laisser faire. « Je suis plutôt un bon préfet, dit-il au Monde, mais aujourd’hui je suis un préfet en colère. J’ai été jeté en pâture à l’opinion publique. Le ministre, pour me faire taire, veut en plus me sanctionner, c’est le principe de la double peine. J’ai l’impression qu’il ne se sent pas très bien… »
Aidé de son conseil, Me Gilbert Collard, il compte donc attaquer en justice le ministère de l’intérieur, qu’il accuse de ne pas avoir respecté sa présomption d’innocence, et de s’être, grâce à lui, refait à bon compte une virginité politique après son passage au ministère de l’immigration. Il veut également en profiter pour régler définitivement ses comptes avec le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP). « J’ai gagné les deux premières procédures, je comprends que le MRAP m’en veuille, assure-t-il, il y a une cabale, un complot médiatique contre moi, c’est facile de se payer un préfet. J’ai vécu un lynchage, j’ai été traîné dans la boue, j’ai perdu mon boulot, si j’avais tué quelqu’un, on n’aurait même pas cité mon nom. Je ne suis pas un être raciste. Simplement, j’ai mon franc-parler… »
Un « franc-parler » peu courant dans la préfectorale, que cet ancien officier d’active promène en France depuis vingt-cinq ans. Préfet de la Corrèze, de Vaucluse, de la Savoie, de la Guadeloupe, il a laissé l’image d’un haut fonctionnaire à poigne, certes compétent, mais un peu trop prompt à dégainer ses rengaines sécuritaires. Avec une cible particulière : les gens du voyage. 17 octobre 2002, Journée des maires, dans le Vaucluse : « Je n’ai aucune tendresse particulière pour ces gens-là, ils vivent à nos crochets, ils vivent de la rapine. » 23 octobre 2002, au micro de France 2 : « Ces gens-là vivent d’escroquerie et de rapine. » 23 novembre 2006 , dans La Nouvelle République du Centre-Ouest : « Chacun sait que quand ils arrivent quelque part, il y a de la délinquance. » Le préfet Girot de Langlade a donc au moins le mérite d’une certaine cohérence. Et il assume ses propos, puisque, poursuivi en justice par le MRAP, il a indiqué, devant le tribunal correctionnel de Paris, en juillet 2007 : « Je suis dans mon job quand je dis ça. »
Relaxé à deux reprises, après une première condamnation, il avait tout de même été écarté en 2007 du corps préfectoral, sans mission réelle. Jusqu’à ce que la place Beauvau, qui n’a pas souhaité s’exprimer sur la polémique, décide de lui confier la coordination locale, à la Réunion, des Etats généraux de l’outre-mer. A priori, le casting n’est pas idéal. Mais au moins, là-bas, le sulfureux préfet n’est pas censé rencontrer ses amis les gens du voyage.
Et de fait, tout se passe bien. « J’ai fréquenté un homme courtois, prévenant, respectueux, témoigne Eric Magamootoo, président de la chambre de commerce. Ce n’était pas si facile, il a su rester calme, sans jamais avoir un comportement raciste. » Marcel Cerisola, responsable de l’atelier productions locales, garde le souvenir d’« un haut fonctionnaire très actif, même casse-pieds tant il était exigeant. (…) Je n’ai noté chez lui aucun relent de colonialisme, simplement, quand il a un truc à dire, il ne prend pas de gants ». Le préfet Girot de Langlade a bien aimé cette dernière mission. « Je leur ai fait cracher ce qu’ils avaient sur le cœur… », se souvient-il. Il a beaucoup moins apprécié son ultime voyage, celui qui lui vaut tous ses ennuis.
Arrivé à Orly-Ouest le 31 juillet, escorté par une hôtesse de l’air, il presse le pas pour attraper un avion matinal pour Clermont. C’est au portique de sécurité que tout se corse. Son appareil-photo indispose la machine, les bottes de sa femme font elles aussi sonner le système d’alarme. Le préfet s’énerve, le contretemps s’éternise et vire à la dispute.
Marie-Pier C., l’hôtesse au foulard rouge chargée d’escorter les personnalités, assiste à la scène et la décrit aux policiers : « Les demandes faites à mon passager étaient très autoritaires et directives : « Vous posez ça, vous enlevez ça », le tout sans aucune formule de politesse. M. Girot de Langlade, énervé, lève les yeux au ciel et dit d’une voix forte sans désigner qui que ce soit : « On se croirait en Afrique ici. » J’ai eu peur, car il y a eu comme un effet de meute… »
Au moins trois agents de sécurité déposent ensuite plainte, les 4, 11 et 12 août, accusant le préfet d’avoir prononcé cette phrase : « De toute façon, il n’y a que des Noirs ici. » Marie-Pier C. comme l’épouse du préfet Jacqueline Girot de Langlade assurent ne pas l’avoir entendu s’exprimer en ces termes. Une vidéo retrouvée par les enquêteurs montre bien qu’il y a eu une échauffourée. Mais c’est à peu près tout ce que l’on peut en tirer. L’hôtesse a tenu à préciser le contexte de la scène, lors de son audition : « C’est une maladresse, mais je pense qu’il visait la mauvaise organisation de la fouille plutôt que la couleur de peau des employés. (…) Les employés de contrôle font leur travail, mais n’ont aucun sens de l’accueil et de politesse, encore plus quand il s’agit d’une personnalité… »
Droit dans ses bottes, le préfet ne démord pas de sa version initiale. « J’ai dit : « Avec une gestion pareille, on se croirait en Afrique », se rappelle-t-il. Je ne regrette pas de m’être emporté, les agents de sécurité ont été agressifs à mon égard, ils méritaient qu’on les engueule. Mais on ne peut plus rien dire dans notre pays sans qu’immédiatement les associations antiracistes vous tombent dessus. » Interrogé par les policiers, il a clairement laissé entendre que les agents de sécurité avaient pu être manipulés : « Je pense que ces plaintes ont été poussées par le MRAP », a expliqué le préfet. Avant de rajouter : « Je fais partie d’un plan de communication du ministre pour se refaire une virginité antiraciste. Je souhaite être réhabilité, et je vais me battre jusqu’au bout pour cela. »
Gérard Davet
NDLR: Voilà un homme courageux qui a le sens de l’honneur et de son bon droit. J’en connais un autre qui devrait réagir, il s’appelle Mgr Willimson.