La question centrale de la valeur magistérielle du concile Vatican II
publié dans nouvelles de chrétienté le 30 décembre 2011
La question centrale de la valeur magistérielle du concile Vatican II
SOURCE – Abbé Jean-Michel Gleize – La Porte Latine – Décembre 2011
NB: Lorsque, en 1962, j’avais initié, au niveau du district de France, des conversations théologiques pour nous « affonter » avec les autorités officielles et ne pas perdre les contacts avec l’Eglise – elles durèrent de 1962 à 1965 et s’étaient déroulées avec les monastères de Randol et de Fontgombeault, avec Dom de Lesquin, assisté du Père Fild et Dom Forgeot, assisté d’un théologien du monastère, et « appuyés » des dominicains de Toulouse, le père Bonino et le père de la Soujol, – après nos douze débats portant sur les problèmes soulevés par Vatican II, nous étions arrivés à la conclusion que tous les problèmes se résumaient au problème central du magistère. Je suis heureux de constater que c’est bien la même conclusion à la quelle arrivent d’autres confrères de la FSSPX, à l’issue de leurs entretiens avec Rome, la même conclusion, celle de la notion de Magistère. C’est pourquoi je publie avec d’autant plus de joie cette étude de M l’abbé Jean-Michel Gleize sur le magistère. Une étude particulièrement profonde. Une seule remarque : nous étions en 1995… Nous sommes aujourd’hui en 2011…16 ans de perdu…! Mais non ! Rien n’est perdu. Tout sert au bien.
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Une question cruciale : l’abbé Jean-Michel Gleize répond à Mgr Fernando Ocariz – Décembre 2011 – La question centrale de la valeur magistérielle du concile Vatican II
L’Osservatore romano du 2 décembre 2011 publie une étude de Mgr Fernando Ocariz, l’un des quatre experts qui ont représenté le Saint-Siège lors des dernières discussions doctrinales avec la Fraternité Saint-Pie X (d’octobre 2009 à avril 2011). La question centrale de la valeur magistérielle du concile Vatican II y est abordée en toute clarté (§ 1), mais d’une manière qui reste fort insuffisante (§ 2).
1 – DES PRINCIPES INCONTESTABLES
Dans la première partie de son étude, le prélat espagnol récapitule les notions fondamentales déjà rappelées par Pie XII dans Humani generis (1) : le fait qu’un acte du magistère de l’Église ne soit pas garanti par le charisme de l’infaillibilité, propre aux définitions solennelles, ne signifie pas qu’il puisse être considéré comme « faillible », au sens où il transmettrait une « doctrine provisoire » ou encore des « opinions autorisées ». Dans un sens large, c’est à dire lorsqu’il ne donne pas de définitions solennelles et infaillibles, le magistère est toujours assisté par Dieu, et cette assistance est nécessaire pour assurer la transmission indéfectible du dépôt de la foi. En ce sens, le simple magistère ordinaire bénéficie lui aussi d’un certain charisme de vérité (2). L’infaillibilité du magistère doit donc s’entendre dans un sens analogue, c’est à dire à des degrés divers (3).
Il en résulte évidemment que l’adhésion due à la vérité proposée par le magistère s’entend elle aussi de diverses. Les définitions solennelles infaillibles proposent ordinairement comme telles des vérités formellement révélées, auxquelles est dû un assentiment de foi théologale. Les autres enseignements non définitoires réclament pour la vérité proposée une adhésion intellectuelle désignée comme un assentiment religieux interne, et qui implique, outre l’assentiment vis-à-vis de la vérité proprement dite, une certaine part d’obéissance vis-à-vis de l’autorité magistérielle. Enfin, les actes magistériels peuvent contenir des éléments qui, ne faisant pas la matière d’un enseignement proprement dit, n’exigent en tant que tels aucune adhésion.
2 – UNE PROBLEMATIQUE INSUFFISANTE
Ces rappels généraux ne présenteraient aucune difficulté, si Mgr Ocariz n’en faisait l’application aux enseignements de Vatican II. Selon lui en effet, même si le dernier concile n’a voulu définir aucun dogme, le charisme de vérité et l’autorité magistérielle y furent certainement présents, au point que les refuser à l’ensemble de l’épiscopat réuni cum Petro et sub Petro pour apporter un enseignement à l’Église universelle, ce serait nier une partie de l’essence même de l’Église. De la sorte, les affirmations du Concile qui rappellent des vérités de foi requièrent évidemment l’adhésion de la foi théologale, non pas parce qu’elles ont été enseignées par ce Concile, mais parce qu’elles avaient déjà été enseignées de façon infaillible comme telles par l’Église, soit en vertu d’une décision solennelle, soit par le magistère ordinaire et universel. Le même assentiment plein et définitif est requis pour les autres doctrines rappelées par le Concile et déjà proposées par un acte définitif lors de précédentes interventions magistérielles. Les autres enseignements doctrinaux du Concile requièrent des fidèles l’assentiment religieux de la volonté et de l’intelligence.
On pourrait sans doute se féliciter de voir enfin un théologien du Saint-Siège introduire toutes ces nuances, et opposer ainsi un déni des plus formels, quoiqu’implicite, à toutes les présentations unilatérales qui ont jusqu’ici présenté le concile Vatican II dans une optique maximaliste, comme un dogme absolument intouchable, « plus important encore que celui de Nicée » (4). Cependant, aussi séduisante soit-elle dans les nuances et les distinctions qu’elle apporte, une pareille analyse véhicule dans sa racine un postulat qui est loin d’être évident. L’étude de Mgr Ocariz évite ainsi de répondre à la question cruciale, qui reste encore pendante entre la Fraternité Saint Pie X et le Saint-Siège. Plus exactement, la réponse à cette question semble si bien aller de soi aux yeux du prélat de l’Opus Dei que tout se passe comme s’il n’avait jamais été nécessaire de l’aborder. Ou comme si le débat ne devait jamais avoir lieu.
Celui-ci s’impose pourtant plus que jamais. Il est en effet loin d’être évident que le charisme de la vérité et l’autorité du magistère ont été certainement présents au dernier concile, et que l’ensemble de l’épiscopat réuni cum Petro et sub Petro y ait bénéficié des lumières du Saint-Esprit, pour enseigner l’Église universelle. Qu’on le veuille ou non, il ne va pas de soi que le dernier concile puisse s’imposer, en tout et pour tout, aux yeux des catholiques comme l’exercice d’un véritable magistère, réclamant leur adhésion aux différents niveaux indiqués. Et de fait, nous le nions, pour des raisons sérieusement fondées. Si l’on se rappelle en effet la définition traditionnelle du magistère (§ 3-5), on est bien obligé de constater que les procédés de Vatican II ne s’y conforment guère (§ 6-7). D’autant moins que cette nouveauté intégrale du 21e concile œcuménique s’explique profondément en raison de présupposés absolument inédits (§ 8-12).
3 – LA RAISON D’ÊTRE DU MAGISTERE
L’unité de l’Église et l’unité dans la foi sont inséparables, et le magistère a justement pour rôle de les sauvegarder. Le charisme de la vérité lui est nécessaire à cette fin, c’est à dire comme le moyen requis pour que se conserve le bien commun de l’Eglise, qui est le bien de l’unité dans la profession d’une même foi. C’est la raison que donne la constitution Pastor aeternus du concile Vatican I : « Tel est donc le charisme qui a été conféré divinement à Pierre et à ceux qui doivent lui succéder dans cette chaire […] de sorte que, le péril de la division ayant été écarté, toute l’Eglise se conserve une » (5). Saint Thomas explique de la même manière pourquoi le pape doit être divinement assisté lorsqu’il enseigne le dogme ; il doit l’être précisément en tant qu’il agit comme chef, pour sauvegarder l’unité de l’Eglise : « La raison en est qu’il ne doit y avoir qu’une seule foi dans toute l’Église, suivant la recommandation de l’Apôtre (1 Cor, 1/10) : » Dites bien tous la même chose, et qu’il n’y ait pas de schismes parmi vous « . Une pareille unité ne pourrait être sauvegardée si une question de foi soulevée en matière de foi ne pouvait être tranchée par celui qui préside à toute l’Église, de telle sorte que toute l’Église observe fermement sa sentence » (6). C’est donc la cause finale de l’activité du magistère qui explique son indéfectibilité dans la foi. Le magistère est assisté par Dieu dans la mesure où il doit assurer l’unité de l’Eglise, qui est l’unité de la profession commune de la foi. Cette assistance n’est donc pas absolue mais limitée : elle accompagne la transmission de la révélation, et non autre chose. Le Christ a dit à ses apôtres que l’Esprit-Saint les assisterait pour enseigner tout ce que lui-même leur a enseigné, ni plus ni moins (7).
Loin de constituer la doctrine, l’acte de magistère ne fait donc que la conserver et la déclarer (8) : le magistère se définit comme tel en dépendance objective de la révélation divine, dont il doit assurer la transmission. Lors des débats qui précédèrent l’adoption de la constitution Lumen gentium, les principaux représentants du « Coetus internationalis patrum », dont Mgr Lefebvre, avaient proposé un amendement significatif (9). Cette modification du texte donnait à entendre que, si les définitions du pontife romain sont irréformables de soi et non parce que l’Eglise leur donnerait leur consentement, l’assistance du Saint-Esprit ne permet pas non plus qu’elles puissent jamais contredire la foi commune de l’Eglise ou s’en écarter. La raison de cet amendement était de bien montrer (surtout vis-à-vis des schismatiques orientaux) que le pape n’a pas le pouvoir de définir arbitrairement toute espèce de vérité, fût-elle en dehors du dépôt de la foi Lors du premier concile du Vatican, le rapporteur chargé d’expliquer au nom du Saint-Siège la signification exacte du texte de Pastor aeternus insistait dans le même sens : l’exercice du magistère ayant pour raison d’être le bien commun de l’unité de foi, l’assistance divine est départie au pape pour qu’il puisse préserver la foi commune de l’Eglise (10). Comme on l’a justement remarqué (11), si l’on perd de vue, dans une perspective faussée, le juste rapport qui fait dépendre le magistère de la Tradition objective, le Deus revelans risque de passer au second plan, au profit de la custos et magistra. Le moyen d’éviter ce risque est de se rappeler quelle est la définition essentielle du magistère : celle d’une puissance ordonnée à son objet.
Puisque l’unité d’une puissance découle de celle de son objet, l’unité du magistère est celle de la vérité révélée (12). L’une appelle l’autre, car la doctrine révélée est au principe et au fondement des enseignements magistériels, comme l’objet spécifique d’un acte.
4 – L’UNITE DE LA VERITE ET DE LA REVELATION
Dans l’explication développée par Aristote et saint Thomas (13), l’unité, loin d’exclure la multiplicité, la suppose et la dépasse, parce qu’elle établit justement un lien qui met en relation et en ordre, les uns par rapport aux autres, différents éléments qui vont entrer en composition et qui cesseront par le fait même de constituer une multitude informe. Cette composition est précisément ce qui résorbe la multiplicité dans l’unité.
Comme l’a montré le cardinal Franzelin (14), l’unité de la vérité révélée et de la Tradition est d’abord et avant tout l’unité de la signification des différents dogmes, dans l’expression ordonnée d’une même vérité. Les dogmes sont distincts les uns des autres, mais ils composent une unité, parce qu’ils sont ordonnés les uns aux autres, dans la mesure où ils signifient tous de façon complémentaire, les uns dans la dépendance des autres, les différents aspects de la même vérité révélée. Et cela s’explique parce que cette vérité révélée par Dieu suppose le principe même de toute vérité, qui est le principe de la non-contradiction, le principe de la non-division au niveau du sens, le principe de l’unité de la vérité. Cette unité de la vérité dogmatique passe par l’unité du sens des mots qui expriment la vérité.
C’est pourquoi, dans la constitution Dei Filius, le concile Vatican I affirme que « le sens des dogmes sacrés qui doit être conservé à perpétuité est celui que notre Mère la sainte Eglise a présenté une fois pour toutes et jamais il n’est loisible de s’en écarter sous le prétexte ou au nom d’une compréhension plus poussée » (15). Et il est également dit dans le Serment antimoderniste de saint Pie X, au n° 4 : « Je reçois sincèrement la doctrine de la foi transmise des apôtres jusqu’à nous toujours dans le même sens et dans la même interprétation que lui ont donnée les Pères de l’Eglise ; pour cette raison, je rejette absolument l’invention hérétique de l’évolution des dogmes, qui passeraient d’un sens à l’autre, différent de celui que l’Eglise a d’abord professé » (16).
5 – L’UNITE DU MAGISTERE
L’objet de la foi est la vérité ontologique, c’est-à-dire la réalité même du mystère, telle qu’atteinte par le croyant moyennant des concepts et des expressions verbales (17). L’objet de la révélation est la vérité logique, c’est à dire l’énonciation conceptuelle du mystère, dont l’expression (ou le signe verbal extérieur, écrit ou vocal) est le dogme. La prédication du magistère ou la tradition est la communication de cette révélation moyennant un langage extérieur (écrit ou oral) qui exprime l’énonciation conceptuelle du mystère. La révélation et la tradition ont pour objet de fournir au fidèle les concepts et les expressions verbales moyennant lesquelles son acte de foi terminera à la réalité du mystère. Le dépôt de la foi est l’ensemble de ces expressions conceptuelles et verbales.
Ce dépôt, confié à la garde du magistère, est substantiellement immuable dans sa signification. Le magistère ne peut donc contredire la révélation, en proposant des vérités dont le sens ne serait pas voulu par Dieu. Il ne peut pas non plus se contredire lui-même, en proposant des vérités dont le sens serait contraire à celui des vérités qu’il a lui-même déjà proposées. Ceci reste vrai, même si l’expression conceptuelle ou verbale de la vérité révélée peut gagner en précision et même si le magistère peut exercer son acte pour proposer des formules dogmatiques plus explicites, ce qui autorise à parler d’un certain « progrès homogène du dogme ». Ces expressions dogmatiques finissent d’ailleurs par devenir définitives lorsqu’elles expriment de façon suffisamment explicite la vérité révélée. Ce fait est affirmé par Pie XII, à l’encontre des faux postulats de la nouvelle théologie (18). La mission qui a pour objet de déclarer le dépôt obéit aux mêmes règles que la mission qui a pour objet de le conserver, puisqu’elle n’en est qu’une conséquence.
Voilà pourquoi le magistère, défini dans la dépendance de son objet, est constant ou traditionnel : cette constance correspond exactement à l’unité même du magistère, qui se tire de son objet. L’unité du magistère est donc celle d’un enseignement qui propose toujours la même vérité divinement révélée, en lui donnant une signification inchangée, même si son expression peut gagner en précision, moyennant une formulation conceptuelle et verbale plus explicite.
6 – LE FAIT DE VATICAN II : UN NOUVEAU MAGISTERE PASTORAL.
Le discours d’ouverture du pape Jean XXIII (11 octobre 1962) (19), l’allocution du même adressée au Sacré-Collège le 23 décembre 1962 (20), et le Discours de Benoît XVI du 22 décembre 2005 (21) indiquent clairement l’intention du Concile et la signification exacte du « magistère pastoral ». Vatican II a voulu exprimer la foi de l’Eglise suivant les modes de recherche et de formulation littéraire de la pensée moderne, et redéfinir la relation de la foi de l’Eglise vis-à-vis de certains éléments essentiels de cette pensée.
Bien évidemment, le magistère de l’Eglise est toujours pastoral dans son intention, au sens où, à chaque époque de l’histoire, la prudence des pasteurs propose la vérité pour guider les âmes vers le salut éternel. Mais en même temps, l’enseignement du magistère de l’Eglise reste toujours de nature strictement doctrinale et disciplinaire dans son objet. Les déclarations de Jean XXIII affirment clairement que, à la différence de tous les conciles précédents, Vatican II a voulu être pastoral jusque dans son objet. Même si ce concile a pu prendre pour objet matériel d’étude différents points tantôt doctrinaux, tantôt disciplinaires, tantôt pastoraux, l’optique unique et spécifique selon laquelle il a voulu se pencher sur tous ces points, c’est-à-dire son objet formel, ne fut pas doctrinale mais pastorale, dans un sens foncièrement nouveau. Ce qui explique d’ailleurs la perplexité d’un grand nombre de pères conciliaires vis-à-vis d’un genre de textes inconnu jusque-là. Lorsque le magistère de l’Eglise propose l’objet de la foi en recourant au langage tiré de la philosophie naturelle à l’intelligence humaine (22), cet apport philosophique est celui d’un outil conceptuel et verbal, mis au service de la plus parfaite expression des vérités révélées. Vatican II a voulu « étudier et exposer la doctrine », non seulement « suivant les formulations littéraires », mais encore « suivant les modes de recherche de la pensée moderne ». Si l’on s’en tient à cette intention exprimée par Jean XXIII, l’on est obligé de dire que le Concile a voulu recourir à la pensée moderne non seulement comme à un outil mais encore et bien plus comme à un véritable objet formel, principe et méthode de l’étude et de l’exposition de la doctrine. Le « pastoral » prend ici tout son sens. L’intention explicite de Vatican II a été de recevoir du monde les problématiques nouvelles issues de l’époque moderne.
Nous pouvons en prendre pour preuve supplémentaire ce qu’a écrit le cardinal Ratzinger dans son livre Les principes de la théologie catholique (23), paru en français en 1982. L’épilogue de ce livre est intitulé : « L’Eglise et le monde : à propos de la question de la réception du deuxième Concile du Vatican »(24). Le préfet de la foi y affirme : « De tous les textes du 2nd concile du Vatican, la constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps (Gaudium et spes) a été incontestablement le plus difficile et aussi […] le plus riche en conséquence. Par sa forme et la direction de ses déclarations, il s’écarte dans une large mesure de la ligne de l’histoire des conciles et permet, par le fait même, plus que tous les autres textes de percevoir la physionomie spéciale du dernier concile. C’est pourquoi il a été considéré de plus en plus après le Concile comme le véritable testament de celui-ci : après un processus de fermentation de trois années, il semble que sa véritable volonté soit enfin apparue et ait trouvé sa forme. L’incertitude qui pèse encore sur la question de la vraie signification de Vatican II est en rapport avec des diagnostics de ce genre, et donc aussi en rapport avec ce document » (25). […] « Il nous faut encore une fois nous interroger sur ce que la constitution pastorale comporte précisément de neuf et de spécial. […] Un premier point caractéristique me paraît résider dans le concept du « monde » qui s’y trouve. […] La constitution comprend par « monde » un vis-à-vis de l’Eglise. Le texte doit servir à les amener tous les deux dans un rapport positif de coopération dont le but est la construction du « monde ». L’Eglise coopère avec le « monde » pour construire le « monde » – c’est ainsi qu’on pourrait caractériser la vision si déterminante du texte. […] Il semble qu’on entende par monde toutes les réalités scientifiques et techniques du temps présent, et tous les hommes qui les portent ou en ont imprégné leur mentalité » (26). Rien d’étonnant alors à ce que le cardinal Ratzinger dise encore : « Le texte de Gaudium et spes joue le rôle d’un contre-Syllabus dans la mesure où il représente une tentative pour une réconciliation officielle de l’Eglise avec le monde tel qu’il était devenu depuis 1789 » (27). Ou encore : « Vatican II avait raison de souhaiter une révision des rapports entre l’Eglise et le monde. Car il y a des valeurs qui, même si elles sont nées hors de l’Eglise, peuvent, une fois examinées et amendées, trouver leur place dans sa vision » (28). Fondé sur la méthode de recherche de la pensée moderne, le Concile donne nécessairement des enseignements qui le rendent dépendant du monde moderne.
Sans doute le monde moderne peut-il être conduit à poser d’une manière nouvelle des questions éternelles auxquelles l’Eglise apportera (en des termes peut-être plus explicites) des réponses qui découleront toujours des mêmes principes et de la même méthode. Mais Vatican II n’a pas examiné à la lumière de la foi les nouvelles questions soulevées par la modernité, et il a même au contraire refusé explicitement d’en examiner un bon nombre, dont l’importance était pourtant reconnue de tous les catholiques, comme la question du communisme. La spécificité qui fait de Vatican II un cas absolument unique est d’avoir voulu proposer la foi à la lumière et suivant le mode de la pensée moderne. Or, aucun concile ne saurait recevoir ses modes de recherche de la pensée ou de la culture du monde moderne, « tel qu’il se présentait depuis 1789 »(29). Les principes et la méthode du magistère ecclésiastique ont été suffisamment indiqués par le concile Vatican I : « La doctrine de foi que Dieu a révélée n’a pas été proposée comme une découverte philosophique à faire progresser par la réflexion de l’homme, mais comme un dépôt divin confié à l’Epouse du Christ pour qu’elle le garde fidèlement et le présente infailliblement » (30). La conséquence est indiquée par Pie XII, dans l’encyclique Humani generis : « Négliger, rejeter ou priver de leur valeur tant de biens précieux qui au cours d’un travail plusieurs fois séculaire des hommes d’un génie et d’une sainteté peu commune, sous la garde du magistère sacré et la conduite lumineuse de l’Esprit-Saint, ont conçus, exprimés et perfectionnés en vue d’une présentation de plus en plus exacte des vérités de la foi, et leur substituer des notions conjecturales et les expressions flottantes et vagues d’une philosophie nouvelle appelées à une existence éphémère, comme la fleur des champs, ce n’est pas seulement pécher par imprudence grave, mais c’est faire du dogme lui-même quelque chose comme un roseau agité par le vent ».
D’autre part, en se proposant d’exprimer la foi selon les modes de recherche de la pensée moderne, le Concile ne voulait pas s’adresser premièrement aux catholiques, mais à l’homme moderne en général. Mais en se donnant un tel auditoire, le Concile renonçait par le fait même à exposer formellement la foi, avec l’autorité d’un magistère proprement dit, parlant au nom de Dieu, puisque son interlocuteur était par définition réfractaire ou indifférent au message de l’Eglise. Vatican II ne pouvait prétendre qu’à énoncer la foi d’une façon toute matérielle, dans une démarche non point magistérielle mais apologétique, et se proposer de rendre la foi acceptable à l’homme moderne, en lui montrant que la vérité révélée ne remet pas en cause les catégories de sa pensée. Nous ne jugeons pas ici de l’efficacité apologétique d’une telle démarche (les faits parlent d’eux-mêmes). Nous soulignons simplement ici sa grande faiblesse magistérielle.
Par conséquent, il est faux d’affirmer, comme le fait Mgr Ocariz, une constance de méthode en vertu de laquelle les textes de Vatican II éclaireraient légitimement ceux du magistère antérieur à 1962. D’une part en effet, le but de Vatican II n’était pas de reprendre et de préciser ces enseignements ; et d’autre part, Vatican II a voulu exprimer la foi suivant les principes et les méthodes d’un système philosophique contraire à la foi(31), non seulement dans tel ou tel de ses contenus, mais jusqu’en ses fondements, c’est-à-dire ses doutes critériologiques. Partant, un tel système n’est pas seulement incompatible avec le catholicisme ; il s’oppose directement à la métaphysique naturelle de l’intelligence, remettant en cause sa capacité à connaître le vrai. La philosophie moderne a inversé le rapport du sujet à l’objet, et par là même le rapport de l’homme à Dieu. En assumant les modes de recherche de la modernité, la pensée conciliaire a assumé cette inversion, ainsi que le manifeste par exemple la déclaration sur la liberté religieuse : le principe et le fondement de cette déclaration n’est autre que la primauté de la dignité ontologique sur la dignité morale, c’est à dire la primauté du sujet sur l’objet. Une pareille inversion est absolument contraire au principe critériologique que supposent la révélation, la tradition et le magistère, c’est-à-dire au principe de l’objectivité la plus réaliste. Un présupposé subjectiviste ne peut servir de base à une interprétation qui se propose d’éclaircir le sens et la portée d’un magistère dont les présupposés objectifs sont radicalement inverses.
7 – LE FAIT DE VATICAN II : DES ENSEIGNEMENTS NOUVEAUX CONTRAIRES A LA TRADITION.
Au moins sur quatre points, les enseignements du concile Vatican II sont évidemment en contradiction logique avec les énoncés du magistère traditionnel antérieur, de sorte qu’il est impossible de les interpréter en conformité avec les autres enseignements déjà contenus dans les documents antérieurs du magistère ecclésiastique. Vatican II a donc rompu l’unité du magistère, dans la mesure même où il a rompu l’unité de son objet.
Ces quatre points sont les suivants. La doctrine sur la liberté religieuse, telle qu’elle s’exprime dans n° 2 de la Déclaration Dignitatis humanae contredit les enseignements de Grégoire XVI dans Mirari vos et de Pie IX dans Quanta cura ainsi que ceux du pape Léon XIII dans Immortale Dei et ceux du pape Pie XI dans Quas primas (32). La doctrine sur l’Eglise, telle qu’elle s’exprime dans le n° 8 de la constitution Lumen gentium contredit les enseignements du pape Pie XII dans Mystici corporis et Humani generis(33). La doctrine sur l’œcuménisme, telle qu’elle s’exprime dans le n° 8 de Lumen gentium et le n° 3 du décret Unitatis redintegratio contredit les enseignements du pape Pie IX dans les propositions 16 et 17 du Syllabus, ceux de Léon XIII dans Satis cognitum, et ceux du pape Pie XI dans Mortalium aninos(34). La doctrine sur la collégialité telle qu’elle s’exprime dans le n° 22 de la constitution Lumen gentium, y compris le n° 3 de la Nota praevia, contredit les enseignements du concile Vatican I sur l’unicité du sujet du pouvoir suprême dans l’Eglise, dans la constitution Pastor aeternus.
De plus (35), la réforme liturgique de 1969 a eu pour résultat la confection d’un Nouvel Ordo Missae qui « s’éloigne de manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte messe telle qu’elle a été formulée à la 20e session du concile de Trente »(36). La restauration du rite de la messe accomplie par saint Pie V avait eu pour résultat d’expliciter les aspects de la foi catholique niés par l’hérésie protestante. La réforme liturgique accomplie par Paul VI a eu pour résultat d’occulter ces mêmes aspects, au moment même où resurgissent avec une force accrue les hérésies qui avaient rendu indispensable l’explicitation de ces aspects. Le Missel de Paul VI n’est donc pas venu préciser celui de saint Pie V. Il s’en est éloigné, au sens où il a rendu obscur et ambigu ce que le Missel de saint Pie V avait rendu explicite et clarifié. Si l’on objecte que la réforme liturgique de Paul VI a voulu expliciter d’autres aspects laissés dans l’ombre jusqu’ici, nous répondons qu’une nouvelle explicitation ne peut pas remettre en cause l’explicitation déjà accomplie ; c’est pourtant ce que fait le nouveau Missel de 1969, en occultant les aspects de la foi catholique précisément niés par les hérésies protestantes.
Sur les quatre points indiqués, ainsi que dans la réforme liturgique qui s’est ensuivie, le concile Vatican II présente aux yeux du catholique perplexe des contradictions évidemment inacceptables. Pris dans son ensemble, la grande réforme de Vatican II apparaît comme un étrange amalgame, mélange subtil de vérités partielles et d’erreurs déjà condamnées(37). Infecté par les principes du libéralisme et du modernisme, cet enseignement présente de graves déficiences. Celles-ci interdisent assurément de voir en Vatican II un concile comme les autres, représentant l’expression autorisée de la Tradition objective. Cela empêche aussi de dire que le dernier Concile s’inscrit dans l’unité du magistère de toujours.
8 – UNE NOUVELLE PROBLEMATIQUE
En conformité avec le Discours de 2005, Mgr Ocariz pose le principe d’une « interprétation unitaire », d’après lequel les textes du concile Vatican II et les documents magistériels précédents doivent s’éclairer mutuellement. Le concile Vatican II doit non seulement être interprété à la lumière des documents magistériels précédents, mais certains de ces derniers sont également mieux compris à la lumière de Vatican II. L’interprétation des nouveautés enseignées par le concile Vatican II doit donc repousser, comme le dit Benoît XVI, « l’herméneutique de la discontinuité par rapport à la Tradition, tandis qu’elle doit affirmer l’herméneutique de la réforme, du renouveau dans la continuité ». Il y a là un nouveau vocabulaire qui exprime clairement une nouvelle problématique. Celle-ci inspire tout le propos de Mgr Ocariz. « Une caractéristique essentielle du magistère », écrit-il, « est sa continuité et son homogénéité dans le temps ».
Ce vocabulaire est nouveau. Les idées qu’il véhicule le sont aussi. Si on parle de « continuité » ou de « rupture », cela devrait s’entendre, au sens traditionnel, d’une continuité ou d’une rupture objective, c’est à dire par rapport à l’objet de la prédication de l’Eglise. Parler d’une continuité équivaudrait à parler de l’ensemble des vérités révélées telles que le magistère de l’Eglise les conserve et les expose, tout en leur donnant la même signification, et sans que la prédication présente puisse contredire la prédication passée. La rupture consisterait à porter atteinte au caractère immuable de la Tradition objective et serait alors synonyme de contradiction logique entre deux énoncés dont les significations respectives ne pourraient se vérifier simultanément.
Mais il faut se rendre à l’évidence et reconnaître que le mot « continuité » n’a pas du tout ce sens traditionnel dans le discours actuel des hommes d’Eglise. On y parle précisément de continuité à propos d’un sujet qui évolue au cours du temps. Il ne s’agit pas de la continuité d’un objet, celle du dogme ou de la doctrine, que le magistère de l’Eglise proposerait aujourd’hui, en lui donnant le même sens que jadis. Il s’agit de la continuité de l’unique sujet Eglise. Benoît XVI parle d’ailleurs exactement non de la continuité mais « du renouveau dans la continuité de l’unique sujet-Eglise, que le Seigneur nous a donné ; c’est un sujet qui grandit dans le temps et qui se développe, restant cependant toujours le même, l’unique sujet du Peuple de Dieu en marche ». A l’inverse, ajoute-t-il aussitôt, « l’herméneutique de la discontinuité risque de finir par une rupture entre Eglise préconciliaire et Eglise post-conciliaire ». Cela signifie que la rupture doit se situer au même niveau : c’est une rupture entre deux sujets, au sens où l’Eglise, l’unique sujet du Peuple de Dieu, ne serait plus la même avant et après le Concile.
9 – UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’UNITE DU MAGISTERE
Ce nouveau discours implique une nouvelle idée de l’unité du magistère. La continuité dont il est question est l’unité dans le temps, c’est à dire à travers le changement que mesure le temps, et c’est d’abord l’unité du sujet, non celle de l’objet. Ce sujet est l’Eglise, unique Peuple de Dieu, c’est à dire l’ensemble de tous les baptisés. Ce sujet est le point de référence qui rend compte de l’unité de la Tradition.
L’Instruction Donum veritatis du 24 mai 1990 (38), sur laquelle s’appuie Mgr Ocariz, développe en détail ce point de vue. Sous le titre « La vérité don de Dieu à son Peuple », le premier chapitre de ce document développe l’idée déjà présente dans le n° 12 de Lumen gentium, d’après laquelle la conservation et l’explication du dépôt révélé serait l’affaire du Peuple de Dieu tout entier, antérieurement à toute distinction hiérarchique. Les baptisés auraient en partage une fonction prophétique, plus fondamentale que la fonction magistérielle propre aux apôtres et à leurs successeurs. Le cardinal Ratzinger insiste sur cette idée, à ses yeux décisive, dans la Présentation qu’il donne de l’Instruction Donum veritatis : « En considérant la structure du document, on sera surpris de voir que nous n’avons pas placé le magistère au début, mais plutôt le thème de la vérité comme don de Dieu à son Peuple ; la vérité de la foi n’est pas donnée à l’individu isolé (pape ou évêque) mais par elle Dieu a voulu donner naissance à une histoire et à une communauté. La vérité réside dans le sujet communautaire du Peuple de Dieu, dans l’Eglise ». De même, Jean-Paul dit au n° 27 de l’Exhortation post-synodale Pastores gregis : « Dans l’Église, école du Dieu vivant, évêques et fidèles sont tous condisciples et ont tous besoin d’être instruits par l’Esprit. Les lieux d’où l’Esprit donne son enseignement intérieur sont vraiment nombreux. Tout d’abord le cœur de chacun, puis la vie des diverses Églises particulières, où apparaissent et se font sentir les multiples besoins des personnes et des différentes communautés ecclésiales, par des langages connus, mais aussi par des langages divers et nouveaux »(39).
Il manque ici la distinction absolument nécessaire entre le destinataire et le dépositaire-intermédiaire. Le Peuple de Dieu tout entier (et bien plus que le Peuple de Dieu, tous les hommes sans exception) sont les destinataires de la vérité qui doit les sauver. Mais seuls quelques individus isolés sont choisis parmi les autres hommes pour être les titulaires d’une fonction hiérarchique et les dépositaires de cette vérité, car c’est à eux seuls qu’elle a été confiée comme en dépôt avec la charge de la conserver, et eux seuls sont les intermédiaires établis par Dieu pour communiquer en son nom la vérité salutaire. La déclaration Mysterium Ecclesiae du 24 juin 1973 (40), sur laquelle s’appuie aussi Mgr Ocariz, dit sans doute que l’autorité du magistère est requise pour assurer l’unité sociale de l’expression de la foi (41) : à la différence de ce qui se passe dans le protestantisme ou dans le modernisme d’Alfred Loisy, condamné par saint Pie X, le magistère est ici une institution divine, et lui seul est assisté par Dieu pour conduire le Peuple, en lui indiquant l’interprétation autorisée de la Parole de Dieu. Mais il n’est pas dit que la fonction magistérielle soit requise comme celle d’un dépositaire et d’un intermédiaire, témoin privilégié ayant reçu de Dieu, en tant qu’individu isolé, la vérité de sa révélation, avec la charge de la conserver et de la transmettre. Et Donum veritatis ne vient-il pas préciser sur ce point Mysterium Ecclesiae, en disant que la vérité de foi est un don de Dieu à tout son Peuple, qu’elle n’est pas donnée à l’individu isolé (pape ou évêque), mais qu’elle réside dans le sujet communautaire du Peuple de Dieu (42) ?
Dans le « Commentaire » publié le 27 juin 1994, afin de préciser le sens de la Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis parue le 22 mai précédent, le cardinal Ratzinger exprime nettement cette nouvelle conception du magistère : « L’Ecriture ne peut devenir le fondement d’une vie que si elle est confiée à un sujet vivant – celui-là même dont elle est née. Elle a eu son origine dans le Peuple de Dieu guidé par l’Esprit-Saint et ce Peuple, ce sujet, n’a cessé de subsister. Le concile Vatican II a exprimé tout cela de la manière suivante : » L’Eglise ne tire pas de la seule Ecriture sainte sa certitude sur tous les points de la révélation » (Dei Verbum, § 9). […] Selon la vision de Vatican II, l’Ecriture, la Tradition et le magistère ne doivent pas être considérés comme trois réalités séparées, mais l’Ecriture, lue à la lumière de la Tradition et vécue dans la foi de l’Eglise, s’ouvre, dans ce contexte vital, dans sa pleine signification. Le magistère a pour tâche de confirmer cette interprétation de l’Ecriture rendue possible par l’écoute de la Tradition dans la foi »(43). Dans ce texte, le terme de « Tradition » est distingué du magistère et désigne la vie concrète du Peuple de Dieu, c’est à dire le contexte vital auquel le magistère doit puiser comme à une source.
La catéchèse dispensée par Benoît XVI en 2006 confirme encore cette idée. L’Eglise résulte à l’origine d’une expérience que les apôtres ont vécue avec le Christ(44). Prolongée dans l’espace et dans le temps, cette expérience suscite une communion, qui doit recourir au service du ministère apostolique pour garder sa cohésion spatio-temporelle(45). L’unité hiérarchique, dans le temps et dans l’espace, est une deuxième unité qui découle d’une première unité plus radicale, celle de l’expérience commune. C’est ainsi que la tradition vivante, qui est l’expérience commune continuée dans le temps, précède et suscite la tradition apostolique, qui est le ministère continué dans le temps comme un service de la communion. Les deux traditions resteront toujours synchronisées, et on ne trouvera jamais la continuité de l’expérience commune sans la continuité du ministère, car aux yeux de Benoît XVI, l’Eglise n’est pas une communauté purement charismatique. Mais il y a pourtant, dans la définition qu’il donne de l’Eglise, une antériorité logique de l’expérience commune par rapport au ministère. Cette antériorité est exactement celle qui est introduite par l’Instruction Donum veritatis : le Peuple de Dieu dépositaire de la vérité précède en ce sens le magistère hiérarchique. La Tradition est alors entendue dans un sens nouveau comme la continuité d’une présence active, celle de Jésus qui vit dans son Peuple(46). Elle est accomplie par l’Esprit-Saint et exprimée (47) grâce au service du ministère apostolique : « Cette actualisation permanente de la présence active de Jésus Seigneur dans son peuple, opérée par l’Esprit Saint et exprimée dans l’Eglise à travers le ministère apostolique et la communion fraternelle, est ce que l’on entend au sens théologique avec le terme Tradition » (48). Il s’agit précisément de « la communion des fidèles autour des pasteurs légitimes au cours de l’histoire, une communion que l’Esprit Saint alimente en assurant la liaison entre l’expérience de la foi apostolique, vécue dans la communauté originelle des disciples, et l’expérience actuelle du Christ dans son Eglise » (49).
Dans cette nouvelle optique, il n’est plus dit que le rôle du magistère est de conserver et de transmettre au nom de Dieu le dépôt des vérités révélées par le Christ aux apôtres. Il est dit que son rôle consiste à assurer la cohésion de l’expérience communautaire des origines, de façon à ce que la communion d’aujourd’hui continue la communion d’hier. Le magistère est alors au service du sujet Eglise, son rôle étant d’expliciter dans des formules autorisées les intuitions préconceptuelles du sensus fidei.
On ne saurait nier la réalité de ce sensus fidei. Il équivaut au consensus unanime et infaillible de la croyance. Mais il s’agit précisément du consensus de l’Eglise enseignée. Celui-ci découle de l’infaillibilité de l’Eglise enseignante, qui est sa cause propre. L’Eglise étant une et sainte dans sa foi, la croyance des fidèles est indéfectiblement et solidairement docile, dans le temps comme dans l’espace, à l’enseignement de la hiérarchie magistérielle. Sans doute peut-on parler d’un certain sujet de la Tradition au sens passif, qui est un sens large, et qui correspond à l’ensemble de tous les croyants, mais ce sujet est tel comme simple témoin de l’enseignement du magistère, et le consensus de l’Eglise dans la croyance possède tout au plus la valeur d’un signe faisant connaître l’infaillibilité de l’enseignement qui a proposé à croire la vérité crue unanimement. En ce sens, la profession de foi indéfectible de l’Eglise enseignée représente un lieu théologique, car c’est elle seule qui manifeste bien des vérités proposées infailliblement par la prédication orale du magistère ordinaire universel. Mais ce genre de critère reste le simple signe de l’infaillibilité de l’enseignement, et non sa cause. En faire une cause, c’est reprendre à son compte l’erreur condamnée par le concile Vatican I, en l’étendant au domaine particulier du pouvoir de magistère : « le primat de juridiction a été donné immédiatement et directement non pas à Pierre lui-même, mais à l’Eglise, pour remonter ensuite à Pierre comme à son représentant »(50). Cela implique encore qu’une proposition du magistère ne serait infaillible que dans la mesure où elle serait agréée (même antécédemment) par le Peuple, ce qui contredit formellement la sentence énoncée infailliblement par le même concile Vatican I : « De telles définitions portées par le Souverain Pontife sont irréformables de soi, et non de par le consentement de l’Eglise » (51).
10 – UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’UNITE DE LA VERITE
Dans l’optique traditionnelle, où le point de référence est celui de l’objet, l’unité du magistère est celle de la vérité révélée, puisque le magistère se définit comme l’organe de la Tradition objective. De ce fait, l’acte du magistère ne se définit pas essentiellement comme un acte présent, par opposition à un acte passé. Car si le magistère s’exerce, ce n’est pas en tant qu’il est présent ou actuel, mais c’est en tant qu’il exprime toujours la même signification de la même vérité, de façon toujours plus précise. Cette expression de la vérité, avec l’explicitation qui l’accompagne in eodem sensu, est de soi intemporelle. En ce sens, le magistère vivant ne se réduit pas au magistère présent, par opposition au magistère passé qui serait un magistère non vivant, ou posthume. Si le magistère présent est vivant, le magistère passé l’a été lui aussi. Le temps n’a aucune incidence directe et immédiate sur l’objet ni sur l’acte du magistère qui l’énonce. Pour appuyer sa critique des enseignements de Vatican II, Mgr Lefebvre évoque toujours, avec une grande précision, non pas « le magistère passé » mais « le magistère de toujours », en d’autres termes le magistère constant. Le temps concerne seulement le sujet qui exerce l’acte de magistère, et c’est en ce sens que l’on peut distinguer entre une règle éloignée (le magistère passé) et une règle prochaine (le magistère présent) de la foi.
Dans la nouvelle optique impliquée par le Discours de 2005 et élucidée dans les textes que nous avons produits, le point de référence n’est plus celui de l’objet. L’unité du magistère est celle de « l’unique sujet Eglise qui grandit dans le temps et qui se développe, restant cependant toujours le même, l’unique sujet du Peuple de Dieu en marche ». Le magistère se définit comme l’organe d’une expérience commune, vécue au fil du temps par le Peuple de Dieu. On base alors la continuité dans le sujet de l’Eglise qui demeure le même, indépendamment de l’objet. Ce n’est pas le sujet qui s’adapte à l’objet, mais c’est l’objet qui est dit continu, parce que le sujet qui le dit reste le même. Le renouveau dans la continuité dont parle Benoît XVI consiste à établir « la liaison entre l’expérience de la foi apostolique, vécue dans la communauté originelle des disciples, et l’expérience actuelle du Christ dans son Eglise » (52). De fait, ce renouveau ne consiste pas à proposer la même doctrine selon un mode plus explicite. Il consiste à changer la doctrine, avec les principes qu’elle implique, sous prétexte que ces principes (dont on dit seulement qu’ils sont « durables ») doivent trouver leur application dans une matière contingente. C’est en ce sens que Vatican II s’est proposé d’établir « une nouvelle définition de la relation entre la foi de l’Eglise et certains éléments essentiels de la pensée moderne », afin que la doctrine de la foi fût « présentée de la façon qui répondît aux exigences de notre époque », et « suivant les modes de recherche et de formulation littéraire de la pensée moderne ». Puisque c’est le même sujet Eglise qui adopte ainsi une position différente vis-à-vis du monde issu de la modernité, le renouveau serait celui d’une continuité, non d’une rupture.
Comme l’enseigne logiquement la Déclaration Mysterium Ecclesiae, si le magistère impose au Peuple de Dieu les formules dogmatiques comme autant de formes différentes aptes à traduire une expérience vécue au fil du temps et de la contingence, « il ne s’ensuit point que chacune d’entre elles eut et gardera toujours cette aptitude au même degré ». Un pareil relativisme va à l’encontre des enseignements donnés par Pie XII dans Humani generis (53). Mais il s’harmonise avec la nouvelle idée du magistère exposée par Donum veritatis. Le futur Benoît XVI a d’ailleurs justifié lui-même cette conception relativiste : « [L’enseignement magistériel] affirme – peut-être pour la première fois de façon aussi claire – qu’il existe des décisions du magistère qui ne peuvent constituer le dernier mot sur une matière en tant que telle, mais une stimulation substantielle par rapport au problème, et surtout une expression de prudence pastorale, une sorte de disposition provisoire. […] A cet égard, on peut penser aussi bien aux déclarations des papes du siècle dernier sur la liberté religieuse qu’aux décisions anti-modernistes du début de ce siècle, en particulier aux décisions de la Commission biblique de l’époque. En tant que cri d’alarme devant les adaptations hâtives et superficielles, elles demeurent pleinement justifiées. […] Mais dans les détails relatifs aux contenus, elles ont été dépassées, après avoir rempli leur devoir pastoral à un moment précis » (54). Ce relativisme se retrouve dans le Discours du 22 décembre 2005, qui raisonne comme si toute décision, du fait même qu’elle appartient à l’histoire, ne pouvait concerner qu’une matière contingente et exprimer une vérité seulement relative aux circonstances : « Dans ce processus de nouveauté dans la continuité, nous devions apprendre à comprendre plus concrètement qu’auparavant que les décisions de l’Eglise en ce qui concerne les faits contingents – par exemple, certaines formes concrètes de libéralisme ou d’interprétation libérale de la Bible – devaient nécessairement être elles-mêmes contingentes, précisément parce qu’elles se référaient à une réalité déterminée et en soi changeante ».
Dans la pensée du pape, ce relativisme ne date pas d’hier. Encore théologien, Joseph Ratzinger s’expliquait déjà suffisamment sur ce point. « Non seulement », écrivait-il en 1972, « on doit dire que l’histoire des dogmes, dans le domaine de la théologie catholique, est fondamentalement possible mais encore que tout dogme qui ne s’élabore pas comme histoire des dogmes est inconcevable »(55) ; et c’est pourquoi « la formation du concept de Tradition dans le catholicisme post-tridentin constitue le plus grand obstacle à une compréhension historique de la réalité chrétienne »(56). En effet, le concept post-tridentin de Tradition suppose que la révélation a été achevée à la mort du dernier des apôtres et que depuis elle demeure substantiellement immuable dans sa signification. Or, « l’axiome de la fin de la révélation avec la mort du dernier apôtre », explique Joseph Ratzinger, « était et est, à l’intérieur de la théologie catholique, un des principaux obstacles à la compréhension positive et historique du christianisme : l’axiome ainsi formulé n’appartient pas aux premières données de la conscience chrétienne »(57). […] « En affirmant que la révélation est close avec la mort du dernier apôtre, on conçoit objectivement la révélation comme un ensemble de doctrines que Dieu a communiquées à l’humanité. Cette communication prit fin un certain jour et les limites de cet ensemble de doctrines révélées restèrent ainsi fixées en même temps. Tout ce qui vient après serait ou la conséquence de cette doctrine ou la corruption de celle-ci » (58). Or, « non seulement cette conception s’oppose à une pleine compréhension du développement historique du christianisme mais est même en contradiction avec les données bibliques » (59).
Tout cela est parfaitement cohérent, si l’on tient que la Tradition est : « la communion des fidèles autour des pasteurs légitimes au cours de l’histoire, une communion que l’Esprit Saint alimente en assurant la liaison entre l’expérience de la foi apostolique, vécue dans la communauté originelle des disciples, et l’expérience actuelle du Christ dans son Eglise » (60), ou encore : « l’histoire de l’Esprit qui agit dans l’histoire de l’Eglise à travers la médiation des Apôtres et de leurs successeurs, en continuité fidèle avec l’expérience des origines »(61), ou si l’on postule que « La Tradition n’est pas une transmission de choses ou de paroles, une collection de choses mortes ; la Tradition est le fleuve vivant qui nous relie aux origines, le fleuve vivant dans lequel les origines sont toujours présentes. Le grand fleuve qui nous conduit aux portes de l’éternité » (62), ou si l’on décide que « la Tradition apostolique n’est pas une collection de choses, de mots, comme une boîte remplie de choses mortes ; la Tradition est le fleuve de la vie nouvelle qui vient des origines, du Christ jusqu’à nous, et qui nous fait participer à l’histoire de Dieu avec l’humanité ».
Mais si les eaux de ce grand fleuve où baigne la foi de l’Eglise ne restent jamais les mêmes, nous aurons beaucoup de mal à suivre Mgr Ocariz dans la recherche d’une « interprétation unitaire », qui satisfasse aux exigences du principe de non contradiction.
11 – LE NŒUD DU DILEMME
Dans la logique de Vatican II et du Discours de 2005, l’objet est en tant que tel relatif au sujet. Dans la logique de Vatican I, et de tout l’enseignement traditionnel de l’Eglise, le sujet est en tant que tel relatif à l’objet. Ces deux logiques sont inconciliables.
Le magistère, à quelque époque qu’il soit, doit rester l’organe du dépôt de la foi. Il se dénature dans la mesure même où il altère ce dépôt. Il est faux que des principes divinement révélés et explicités par le magistère antérieur ne s’imposeraient plus nécessairement, sous prétexte que le sujet Eglise les vit différemment à travers la contingence de l’histoire, ou que le Peuple de Dieu se trouve conduit à établir une relation nouvelle entre sa foi et le monde moderne. Des principes que l’on applique en matière contingente (comme ceux qui fondent toute la doctrine sociale de l’Eglise) ne sont pas contingents. Sans doute, l’immutabilité substantielle de la vérité révélée n’est pas absolue, car l’expression conceptuelle et verbale de cette vérité peut gagner en précision. Mais ce progrès n’entraîne aucune remise en cause du sens de la vérité, qui devient seulement plus explicite dans sa formulation. Les principes restent nécessaires, quelles que soient les différentes formes concrètes de leur application. Cette distinction entre principes et formes concrètes s’avère factice en ce qui concerne la doctrine sociale de l’Eglise, et c’est en vain que Benoît XVI y recourt dans son Discours de 2005 pour légitimer la déclaration Dignitatis humanae.
Pour en revenir à Vatican II, la question fondamentale est de savoir quel est le principe premier qui doit servir de règle ultime à l’activité du magistère. Est-ce le donné objectif de la révélation divine, telle qu’il s’exprime dans sa substance définitive à travers le magistère du Christ et des apôtres, auquel le magistère ecclésiastique ne fait que succéder ? Est-ce l’expérience communautaire du Peuple de Dieu, dépositaire (et pas seulement destinataire) du don de la Vérité en tant que porteur du sens de la foi ? Dans le premier cas, le magistère ecclésiastique est l’organe de la Tradition et il dépend comme de sa règle objective du magistère divino-apostolique ; la question est alors de savoir si les enseignements objectifs du concile Vatican II sont ceux d’un magistère constant et d’une Tradition immuable. Dans le second cas, le magistère ecclésiastique est le porte-parole fédérateur de la conscience commune du Peuple de Dieu, chargé d’établir la cohésion spatio-temporelle de l’expression du sensus fidei ; Vatican II est alors pour le sujet Eglise le moyen d’exprimer en langage conceptuel son sensus fidei, vécu et réactualisé dans le respect des contingences de l’époque moderne.
12 – HERMENEUTIQUE ET REINTERPRETATION
Aux yeux de Mgr Ocariz, les enseignements de Vatican II représentent des nouveautés, « au sens où ils explicitent des aspects nouveaux, non encore formulés par le magistère, mais qui, au plan doctrinal, ne contredisent pas les documents magistériels précédents ». La juste exégèse des textes du Concile présupposerait donc apparemment le principe de non-contradiction. Apparence trompeuse, puisque la non-contradiction n’a plus du tout le même sens que jusqu’ici.
Le magistère de l’Eglise a toujours entendu ce principe dans le sens d’une absence de contradiction logique entre deux énoncés objectifs. La contradiction logique est une opposition qui a lieu entre deux propositions dont l’une affirme et l’autre nie le même prédicat du même sujet. Le principe de non contradiction exige que si cette opposition a lieu, les deux propositions ne puissent être vraies en même temps. Ce principe est une loi de l’intelligence et il ne fait qu’exprimer l’unité de son objet. La foi se définissant comme une adhésion intellectuelle à la vérité proposée par Dieu, elle vérifie ce principe. L’unité objective de la foi correspond elle aussi à une absence de contradiction dans les énoncés dogmatiques.
L’herméneutique de Benoît XVI entend désormais ce principe dans un sens nom plus objectif mais subjectif, non plus intellectualiste mais volontariste. L’absence de contradiction est synonyme de continuité, au niveau du sujet. La contradiction est synonyme de rupture, au même niveau. Le principe de continuité n’exige pas d’abord et avant tout l’unité de la vérité. Il exige d’abord et avant tout l’unité du sujet qui se développe et grandit au cours du temps. C’est l’unité du Peuple de Dieu, tel qu’il vit dans le moment présent, dans le monde de ce temps, pour reprendre l’intitulé suggestif de la constitution pastorale Gaudium et spes. Unité qui s’exprime à travers la seule parole autorisée du magistère présent, précisément en tant que présent. Mgr Ocariz le souligne : « Une interprétation authentique des textes conciliaires ne peut être faite que par le magistère même de l’Église. C’est pourquoi le travail théologique d’interprétation des passages qui, dans les textes conciliaires, suscitent des interrogations ou semblent présenter des difficultés, doit avant tout tenir compte du sens dans lequel les interventions successives du magistère ont entendu ces passages ». Ne nous y trompons pas : ce magistère qui doit servir de règle d’interprétation est le nouveau magistère de ce temps, tel qu’issu de Vatican II. Ce n’est pas le magistère de toujours. Comme on l’a justement fait remarquer, Vatican II doit se comprendre à la lumière de Vatican II, réinterprétant dans sa propre logique de continuité subjective et vitale tous les enseignements du magistère constant.
Le magistère de l’Eglise ne s’est jamais compromis jusqu’ici dans une telle pétition de principe. Il s’est toujours voulu fidèle à sa mission de conserver le dépôt. Sa principale défense et illustration a toujours été d’en référer aux témoignages de la Tradition objective, unanime et constante. Son expression a toujours été celle de l’unité de la vérité.
13 – LE MAGISTERE ET VATICAN II
Le même mot « magistère » se dit en deux sens différents de la personne qui exerce le pouvoir de magistère (le pape ou les évêques) et de l’acte du pouvoir de magistère (une définition infaillible ou un enseignement simplement authentique). La personne est le sujet d’une puissance ou d’une fonction, qui est par définition ordonnée à son objet. Par exemple, tout homme est doué d’une intelligence spéculative, ordonnée par nature à la connaissance des principes premiers (63). Cette fonction est ou n’est pas, de manière absolue. En revanche, l’exercice du magistère est l’usage de la fonction : même si la plupart du temps cet usage est correct, il reste toujours possible que le titulaire d’une fonction en exerce l’acte de manière défectueuse, ce qui revient à ne pas accomplir cet acte, puisqu’un acte défectueux se définit comme une privation. Par exemple, l’erreur intellectuelle ou la fausseté se définit comme la privation du rapport qui aurait dû exister entre l’intellect et la réalité.
Nous admettons sans conteste que Vatican II a représenté le magistère de l’Eglise au sens où le pouvoir des évêques qui furent réunis lors de ce Concile cum Petro et sub Petro fut et demeure encore celui d’apporter un enseignement à l’Église universelle. Mais nous objectons que ce Concile a voulu satisfaire aux nécessités d’un magistère soi-disant pastoral, dont l’intention nouvelle est manifestement étrangère aux finalités du magistère divinement institué, et qu’il a contredit au moins sur les quatre points signalés les données objectives du magistère constant, clairement défini. Il appert ainsi que ce magistère fut entaché d’une grave déficience, dans son acte même. Le docteur angélique dit (64) : « Lorsqu’un artiste fait de mauvais ouvrages, ce n’est pas l’œuvre de l’art ; bien plus, c’est contre l’art ». Toute proportions gardées, lorsqu’un concile produit de mauvais enseignements, ce n’est pas l’œuvre du magistère, bien plus (ou bien pire) c’est contre le magistère, c’est-à-dire contre la Tradition.
Voilà pourquoi nul se saurait se satisfaire aujourd’hui de soi-disant « espaces de liberté théologique », au sein même de la contradiction introduite par Vatican II. Le désir profond de tout catholique fidèle aux promesses de son baptême est d’adhérer en toute soumission filiale aux enseignements du magistère de toujours. La même piété exige aussi, avec une urgence grandissante, de remédier aux graves déficiences qui paralysent l’exercice de ce magistère depuis le dernier Concile. C’est dans ce but que la Fraternité Saint Pie X souhaite encore et plus que jamais une authentique réforme, au sens où il s’agit pour l’Eglise de rester fidèle à elle-même, de demeurer ce qu’elle est dans l’unité de sa foi, et de conserver ainsi sa forme d’origine, dans la fidélité à la mission reçue du Christ. Intus reformari.
Abbé JEAN-MICHEL GLEIZE – Décembre 2011
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Notes
(1) « S’il est exact que, en général, les Pontifes laissent la liberté aux théologiens dans les matières où les docteurs du meilleur renom professent des opinions différentes, l’histoire pourtant nous apprend que bien des choses laissées d’abord à la libre discussion ne peuvent plus dans la suite souffrir aucune discussion. Et l’on ne doit pas penser que ce qui est proposé dans les lettres Encycliques n’exige pas de soi l’assentiment, sous le prétexte que les Papes n’y exerceraient pas le pouvoir suprême de leur magistère. C’est bien, en effet, du magistère ordinaire que relève cet enseignement et pour ce magistère vaut aussi la parole : « Qui vous écoute, m’écoute », et le plus souvent ce qui est proposé et imposé dans les Encycliques appartient depuis longtemps d’ailleurs à la doctrine catholique. Que si dans leurs Actes, les Souverains Pontifes portent à dessein un jugement sur une question jusqu’alors disputée, il apparaît donc à tous que, conformément à l’esprit et à la volonté de ces mêmes Pontifes, cette question ne peut plus être tenue pour une question libre entre théologiens » (DS 3884-5).
(2) Mgr Ocariz fait référence sur ce point à la constitution Dei Verbum de Vatican II (n° 8), mais saint Pie X souligne la même idée dans le Serment antimoderniste : « Enfin, je garde très fermement et je garderai jusqu’à mon dernier soupir la foi des Pères sur le charisme certain de la vérité qui est, qui a été et qui sera toujours « dans la succession de l’épiscopat depuis les apôtres », non pas pour qu’on tienne ce qu’il semble meilleur et plus adapté à la culture de chaque âge de pouvoir tenir, mais pour que « jamais on ne croie autre chose, ni qu’on ne comprenne autrement la vérité absolue et immuable prêchée depuis le commencement par les apôtres » (Motu proprio Sacrorum antistitum du 1er septembre 1910, DS 3549).
(3) Voir sur ce point Charles Journet, L’Eglise du Verbe Incarné, t. 1, 2e édition de 1955, p. 426-435. A côté d’une assistance absolue, qui est à la racine de l’infaillibilité au sens strict, propre aux définitions solennelles, existe aussi une assistance prudentielle, qui est la racine d’uen infaillibilité au sens large, propre de la prédication ordinaire et quotidienne du magistère.
(4) « Lettre de Paul VI à Mgr Lefebvre du 29 juin 1975 » dans Itinéraires. La condamnation sauvage de Mgr Lefebvre, numéro spécial hors série (décembre 1976), p. 67.
(5) DS 3071.
(6) ST, 2a2ae, question 1, article 10.
(7) Mt, 28/20 ; Jn, 14/26 ; Jn, 16/13. Cf Cardinal Jean-Baptiste Franzelin, La Tradition, thèse 5, n° 60-66, Courrier de Rome 2008, p. 67-70 et thèse 22, n° 456-479, p. 325-336.
(8) « Fideliter custodienda et infallibiliter declaranda » (DS 3020) ou « Sancte custodiendum et fideliter exponendum » (DS 3070).
(9) Cf les Acta synodalia, t. II, pars I, p. 652. Il eût fallu ajouter au texte parlant de l’infaillibilité l’incise que nous faisons apparaître en gras : « Definitiones Romani Pontificis quae propter Spiritus sancti assistentiam nunquam extra vel contra fidem communem Ecclesiae proferuntur ex sese tamen et non ex consensu Ecclesiae irreformabiles esse ».
(10) « En effet, le pape est infaillible si et seulement si, remplissant sa fonction de docteur de tous les chrétiens et représentant toute l’Eglise, il juge et définit ce que tous doivent croire ou rejeter. Et il ne saurait en l’occurrence se séparer de l’Eglise, pas plus que le fondement ne saurait se détacher de l’édifice qu’il doit soutenir. […] Cela est évident, si l’on considère la fin en vue de laquelle Dieu a accordé au pape l’infaillibilité, et qui est de conserver la vérité dans l’Eglise » (Mgr Gasser, Mansi, t. 52, col. 1213 C).
(11) Cf le livre de Jean-François Chiron, L’Infaillibilité et son objet. L’autorité du magistère infaillible de l’Eglise s’étend-elle aux vérités non-révélées ? Cerf, 1999, p. 501-503.
(12) Du fait même qu’il doit proposer la vérité révélée, qui est son objet premier, le magistère propose aussi d’autres vérités en connexion logiquement nécessaire avec le dépôt révélé, ou même des faits contingents en connexion moralement nécessaire avec la fin première de l’Eglise, qui est de conserver et d’expliciter le dépôt révélé. La connexion est si étroite que la négation de ces vérités et de ces faits mettrait en péril prochain la révélation. Ce domaine correspond à l’objet secondaire du magistère et il recouvre la proposition du révélé virtuel. On y trouve par exemple toute la doctrine de l’Eglise relative à la loi naturelle, les jugements doctrinaux que l’Eglise porte sur les écrits, la canonisation des saints (où l’on affirme le double fait de la glorification et de la vertu héroïque du saint), l’approbation des ordres religieux (où l’on affirme que telle règle de vie est apte à conduire à la perfection).
(13) Voir saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, prima pars, question 11, article 1, corpus et ad 1.
(14) Cardinal Jean-Baptiste Franzelin, La Tradition, thèse 6, n° 67-76, Courrier de Rome 2008, p. 71-76.
(15) DS 3020.
(16) DS 3541.
(17) ST, 2a2ae, q. 1, a. 2, corpus et ad 2.
(18) « Le propos de certains est d’affaiblir le plus possible la signification des dogmes et de libérer le dogme de la formulation en usage dans l’Eglise depuis si longtemps et des notions philosophiques en vigueur chez les Docteurs catholiques, pour faire retour, dans l’exposition de la doctrine catholique, à la façon de s’exprimer de la Sainte Ecriture et des Pères. […] Négliger, rejeter ou priver de leur valeur tant de biens précieux qui au cours d’un travail plusieurs fois séculaire des hommes d’un génie et d’une sainteté peu commune, sous la garde du magistère sacré et la conduite lumineuse de l’Esprit-Saint, ont conçus, exprimés et perfectionnés en vue d’une présentation de plus en plus exacte des vérités de la foi, et leur substituer des notions conjecturales et les expressions flottantes et vagues d’une philosophie nouvelle appelées à une existence éphémère, comme la fleur des champs, ce n’est pas seulement pécher par imprudence grave, mais c’est faire du dogme lui-même quelque chose comme un roseau agité par le vent. Le mépris des mots et des notions dont ont coutume de se servir les théologiens scolastiques conduit très vite à énerver la théologie qu’ils appellent spéculative et tiennent pour dénuée de toute véritable certitude, sous prétexte qu’elle s’appuie sur la raison théologique » (Pie XII, Encyclique Humani generis du 12 août 1950).
(19) DC n° 1387 du 4 novembre 1962, col. 1382-1383.
(20) DC n° 1391 du 6 janvier 1963, col. 101.
(21) DC n° 2350 du 15 janvier 2006, col. 59-63.
(22) Pie XII, Humani generis : « Cette philosophie reconnue et reçue dans l’Église défend, seule, l’authentique et juste valeur de la connaissance humaine, les principes inébranlables de la métaphysique, à savoir de raison suffisante, de causalité et de finalité, la poursuite enfin, effective, de toute vérité certaine et immuable ».
(23) Joseph Ratzinger, Les Principes de la théologie catholique. Esquisse et matériaux, Téqui, 1982.
(24) Ratzinger, ibidem, p. 423-440.
(25) Ratzinger, ibidem, p. 423.
(26) Ratzinger, ibidem, p. 424-425.
(27) Ratzinger, ibidem, p. 427.
(28) Cardinal Joseph Ratzinger, Entretiens sur la foi, Fayard, 1985, p. 38.
(29) Joseph Ratzinger, Les Principes de la théologie catholique. Esquisse et matériaux, Téqui, 1982, p. 426-427.
(30) Constitution dogmatique Dei Filius, chapitre 4, DS 3020.
(31) Le magistère antérieur à Vatican II a condamné l’intention d’incorporer la philosophie moderne à la théologie, dans la mesure où cette philosophie est imbue de rationalisme, de scepticisme ou de relativisme. Cf. par exemple le Bref Eximiam tuam à l’archevêque de Cologne, du pape Pie IX, en date du 15 juin 1857 (DS 2829), condamnant la philosophie de Gunther.
(32) Le magistère précédent (Pie IX) condamne la proposition affirmant que « la meilleure condition de la société est celle où on ne reconnaît pas au pouvoir le devoir de réprimer par des peines légales les violateurs de la loi catholique, si ce n’est dans la mesure où la tranquillité publique le demande » ; DH 2 affirme que « la personne humaine a droit à la liberté religieuse » et que « cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres ».
(33) Pie XII affirme l’identité réelle entre l’Eglise du Christ et l’Eglise catholique ; LG 8 affirme la non-séparation de deux réalités distinctes qui sont l’Eglise du Christ et l’Eglise catholique.
(34) Le magistère antérieur affirme qu’il n’y a en dehors de l’Eglise catholique dans les sectes schismatiques et hérétiques prises comme telles aucune valeur salvifique et que la Providence divine ne se sert pas de ces sectes comme de moyens de salut ; Vatican II affirme exactement le contraire.
(35) La publication du Novus ordo missae en 1969 n’a fait qu’aggraver la crise en suscitant une difficulté supplémentaire. Mais la crise de l’Eglise n’est pas d’abord et avant tout la crise de la messe ; c’est la crise du Concile. Les deux sont liés, mais il faut faire attention à l’ordre qui relie les deux en discernant bien où est la principale source du mal. La nouvelle messe (tout comme le Nouveau Code de droit canonique) empoisonne les gens plus efficacement que le Concile et c’est si on veut l’entonnoir grâce auquel on verse dans la bouteille le poison du Concile ; mais il reste que le Concile est la source de tout le poison.
(36) Cardinaux Ottaviani et Bacci, « Préface au pape Paul VI » dans Bref examen critique du Novus ordo missae, Ecône, p. 6.
(37) « Sans rejeter en bloc ce Concile, je pense qu’il est le plus grand désastre de ce siècle, et de tous les siècles passés, depuis la fondation de l’Eglise » (Mgr Lefebvre, Ils L’ont découronné, Editions Fideliter, 1986, p. XIII). Ce n’est pas une question de quantité ou de pourcentage (tel texte est bon, tel autre est mauvais ; tel passage est catholique, tel autre est moderniste ; tout est bon ; tout est mauvais). Le modernisme est une erreur unique en son genre, en ce sens qu’elle amalgame des énoncés matériellement vrais avec des énoncés qui sont le plus souvent incomplets ambigus, contradictoires et rarement faux de manière ouverte. Le résultat de cet amalgame est un ensemble d’énoncés qui est erroné dans sa cohérence interne, mais qui garde l’apparence du vrai sur chaque point partiel et isolé de l’ensemble, les bons passages étant utilisés pour cautionner les principes sous-jacents de l’erreur. Saint Pie X a définitivement diagnostiqué le cancer du modernisme en disant que cette maladie est « d’autant plus redoutable qu’elle l’est moins ouvertement »
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(38) DC 2010 du 15 juillet 1990, p. 693-701.
(39) DC 2302, col. 1022. Les n° 26-28 de ce texte vont dans ce sens.
(40) DC 1636 du 15 juillet 1973, p. 664-671 ; commentaire p. 837-839.
(41) Le n° 2 précise en effet que « le Saint-Esprit accorde sa lumière et son secours au Peuple de Dieu comme au Corps du Christ uni par la communion hiérarchique » et ajoute que si le Peuple de Dieu s’attache à la foi, cela a lieu non seulement grâce à ce sens de la foi, qui est éveillé et soutenu par l’Esprit de vérité, mais aussi « sous la conduite du magistère » ; pourvus de l’autorité du Christ, les pasteurs ont le pouvoir d’enseigner et leur rôle ne se réduit pas à sanctionner le consensus déjà exprimé des simples fidèles ; ils peuvent « prévenir et requérir ce consensus dans l’interprétation et l’explication de la Parole de Dieu écrite ou transmise ».
(42) Cf. la Présentation du cardinal Ratzinger à l’Instruction Donum veritatis : « Le document traite du problème de la mission ecclésiale du théologien non pas à partir du dualisme magistère-théologie, mais dans le contexte de la relation triangulaire : Peuple de Dieu, en tant que porteur du sens de la foi et lieu commun à tous de l’ensemble de la foi ; magistère ; théologie. Le développement du dogme des 150 dernières années est une démonstration très claire de cette relation complexe : les dogmes de 1854, 1870 et 1950 furent possibles parce que le sens de la foi les ayant repris, magistère et théologie furent conduits par lui et ont lentement cherché à l’atteindre » (L’Osservatore romano, édition hebdomadaire en langue française du 10 juillet 1990, p. 9). Le quatrième chapitre de l’Instruction Donum veritatis présente d’ailleurs les rapports qui existent entre le magistère et les théologiens comme des rapports non de dirigeant à dirigés, mais de collaboration (§ 22). Cette idée d’une collaboration est l’idée nouvelle d’une dépendance réciproque, dans la dépendance commune vis-à-vis du Peuple. Ce n’est plus l’idée traditionnelle de la dépendance du théologien, Eglise enseignée, à l’égard du magistère, Eglise enseignante.
(43) DC 2097 du 3 juillet 1994, p. 613.
(44) « L’aventure des Apôtres commence ainsi, comme une rencontre de personnes qui s’ouvrent l’une à l’autre. Une connaissance directe du Maître commence ainsi pour les disciples. Ils voient où il demeure et commencent à le connaître. En effet, ils ne devront pas être les annonciateurs d’une idée, mais les témoins d’une personne. Avant d’être envoyés évangéliser, ils devront « demeurer » avec Jésus (cf. Mc 3/14), établissant avec lui une relation personnelle. Sur cette base, l’évangélisation ne sera autre qu’une annonce de ce qu’ils ont vécu et une invitation à entrer dans le mystère de la communion avec le Christ » – Benoît XVI, « Les apôtres, témoins et envoyés du Christ », Allocution du 22 mars 2006, dans L’Osservatore romano n° 13 du 28 mars 2006, p. 12.
(45) « A travers le ministère apostolique, l’Eglise, communauté rassemblée par le Fils de Dieu qui s’est incarné, vit au cours du temps en édifiant et en nourrissant la communion dans le Christ et dans l’Esprit, à laquelle tous sont appelés et dans laquelle ils peuvent faire l’expérience du salut donné par le Père. En effet, les Douze eurent soin de se constituer des successeurs, afin que la mission qui leur était confiée soit poursuivie après leur mort. Tout au long des siècles, l’Eglise, organiquement structurée sous la direction de ses Pasteurs légitimes, a ainsi continué à vivre dans le monde comme un mystère de communion, dans lequel se reflète dans une certaine mesure la communion trinitaire elle-même, le mystère de Dieu lui-même. » Benoît XVI, « Le don de la communion », Allocution du 29 mars 2006, dans L’Osservatore romano n° 14 du 4 avril 2006, p. 12.
(46) Cette idée se retrouve dans une étude de Joseph Ratzinger, écrite en 1965, et publiée au chapitre 2 de La Parole de Dieu, Ecriture Sainte, Tradition, Magistère, Parole et Silence, 2007, notamment aux p. 68-70. L’Encyclique Deus Caritas est reprend le même thème en son n°1 (DC n° 2352, col. 166) : « A l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive. ». De prime abord, une pareille description fait plutôt référence à un acte affectif qu’à un acte intellectuel. Or, l’union au Christ se fait d’abord par la foi et celle-ci est un acte formellement intellectuel. L’intelligence est faite non pour rencontrer des personnes mais pour connaître la réalité moyennant des concepts et à travers des formules. La faculté qui se met directement en rapport avec la réalité telle qu’elle existe concrètement, et donc avec une personne, c’est la volonté. Et la volonté qui va à la rencontre de Dieu, c’est la charité. Les expressions utilisées par Benoît XVI suggèrent une confusion entre la foi et la charité. La « rencontre avec une Personne » relève de l’amitié et non de la connaissance. L’expérience surnaturelle (par analogie avec l’expérience naturelle) qui nous met en relation (ou en ouverture) avec Dieu et qui suscite une connaissance par connaturalité existe bel et bien ; mais elle a lieu avec les actes des dons du Saint-Esprit, dont le motif formel est d’ordre affectif, puisque ces dons reposent sur la charité. On ne saurait nier que la foi doive s’enrichir de ces dons, mais pour être unis dans la vie spirituelle concrète, foi et dons doivent rester formellement distincts dans leur définition, aux yeux du magistère et de la théologie. Et tout pécheur n’étant pas infidèle pour autant, la foi peut même se rencontrer concrètement dans l’Eglise sans la charité ni les dons.
(47) Mysterium Ecclesiae (citant au passage la condamnation de la proposition n° 6 dans Lamentabili)affirme en ce sens que le rôle du magistère ne se borne pas à sanctionner le consensus déjà exprimé des simples fidèles. Mais il y a une différence entre dire que le magistère ecclésiastique transmet et impose à croire aux fidèles la vérité dont il est le dépositaire, en tant que successeur du magistère apostolique, et dire que le magistère ecclésiastique impose l’expression adéquate d’une vérité dont le Peuple est le dépositaire parce que son sens de la foi la détient dans son état préconceptuel. Cette deuxième affirmation n’échappe pas à la condamnation de Lamentabili. La proposition condamnée n° 6 dit en effet précisément : « Dans la définition des vérités, l’Eglise enseignée et l’Eglise enseignante collaborent de telle façon qu’il ne reste à l’Eglise enseignante qu’à sanctionner les conceptions communes de l’Eglise enseignée » (DS 3406).
(48) Benoît XVI, « La communion dans le temps : la Tradition », Allocution du 26 avril 2006, dans L’Osservatore romano n° 18 du 2 mai 2006, p. 12.
(49) Benoît XVI, ibidem.
(50) Concile Vatican I, constitution Pastor æternus, chapitre 1, DS 3054.
(51) Concile Vatican I, constitution Pastor æternus, chapitre 4, DS 3074.
(52) Benoît XVI, « La communion dans le temps : la Tradition », Allocution du 26 avril 2006, L’Osservatore romano n° 18 du 2 mai 2006, p. 12.
(53) « Les vérités que l’Eglise entend réellement enseigner par ses formules dogmatiques sont sans doute distinctes des conceptions changeantes propres à une époque déterminée ; mais il n’est pas exclu qu’elles soient éventuellement formulées, même par le magistère, en des termes qui portent des traces de telles conceptions. Tout considéré, on doit dire que les formules dogmatiques du magistère ont été aptes dès le début à communiquer la vérité révélée et que demeurant inchangées elles la communiqueront toujours à ceux qui les interprèteront bien. Mais il ne s’ensuit point que chacune d’entre elles eut et gardera toujours cette aptitude au même degré ».
(54) Cardinal Ratzinger, présentation de l’Instruction Donum veritatis dans L’Osservatore romano, édition hebdomadaire en langue française, 10 juillet 1990, p. 9.
(55) Joseph Ratzinger, Théologie et histoire. Notes sur le dynamisme historique de la foi, 1972, p. 108, cité par Joaquim E. M. Terra, Itinerario teologico di Benedetto XVI, Roma, 2007, p. 66.
(56) Ratzinger, ibidem, p. 65.
(57) Ratzinger, ibidem, p. 64.
(58) Ratzinger, ibidem.
(59) Ratzinger, ibidem.
(60) Benoît XVI, « La communion dans le temps : la Tradition », Allocution du 26 avril 2006, dans L’Osservatore romano n° 18 du 2 mai 2006, p. 12.
(61) Benoît XVI, ibidem.
(62) Benoît XVI, ibidem.
(63) ST 1a2ae, q 51, a 1.
(64) ST 1a2ae, question 57, article 3, ad 1.