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Entraide et Tradition

Mgr Alfonso de Galarreta: l’utile leçon de l’épreuve passée

publié dans regards sur le monde le 22 octobre 2012


L’utile leçon de l’épreuve passée

Le samedi 13 octobre 2012, à l’occasion des Journées de la Tradition, à Villepreux (France), Mgr Alfonso de Galarreta a donné cette conférence où il analyse l’état des relations de la Fraternité Saint-Pie X avec Rome.

Je partage bien des points de vue de Mgr de Galarreta et tout particulièrement sa critique sur une des trois exigences imposées de nouveau par Rome, par le pape lui-même, l’exigence de la reconnaîssance »légale » de la Nouvelle Messe. Il écrit: Rome, par une lettre « personnelle » du pape à Mgr Fellay,  rapelle les exigences, les conditions sine qua non pour une reconnaissance canonique de la FSSPX :

1) reconnaître que le magistère vivant est l’interprète authentique de la Tradition, c’est-à-dire les autorités romaines ;
2) que le concile Vatican II est en parfait accord avec la Tradition, qu’il faut l’accepter ;
3) que nous devons accepter la validité et la licéité de la nouvelle messe.

Alors Mgr de Galarerreta affirme: « Ils ont mis licéité, – probablement qu’en français ce mot a un sens un peu ambigu –, pour eux cela veut dire simplement légal, qui a les formes légales, mais dans le langage canonique, c’est beaucoup plus profond, cela veut dire que c’est une vraie loi, que cela a force de loi. Pourtant l’Eglise ne peut pas avoir de loi contraire à la foi catholique. Et nous avons toujours contesté, en ce sens, la légalité de la réforme liturgique et de la nouvelle messe, car elle ne peut pas avoir force de loi dans l’Eglise, c’est impossible parce que contraire à la Foi, parce qu’avec elle ils démolissent la Foi, et ils ont bien mis validité et licéité ».

Je suis bien d’accord. Il faut sans cesse se rappeler les critique du « Bref Examen Critique » sur la liturgie « conciliaire » présenté par le Cardinal Ottaviani au Pape Paul VI. « Cette réforme liturgique s’éloigne de façon impressionnate dans l’ensemble comme dans le détail de la doctrine de la foi catholique définie pour toujours au Concile de Trente ».

Par contre je lui laisse l’entière responsabilité de son affirmation sur le  « modernisme » du pape Benoït XVI et ne le suivrai pas en ce point sans preuve suffisante à l’appui.

PA

Chers confrères, chers religieux, très chers fidèles, chers amis,

Mon intention est de vous parler des qualités de la milice spirituelle, chrétienne, catholique, des conditions que doit revêtir le combat pour la foi et évidemment de vous dire quelques mots sur la situation de la Fraternité vis à vis de Rome.

Dans le livre de Job il est dit : « Militia est vita hominis super terram et sicut dies mercenarii dies ejus » (Job 7,1). La vie de l’homme sur la terre est un temps de service, et ses jours sont comme ceux du mercenaire. C’est l’Ecriture, c’est Job qui donne cette figure très intéressante.

Si la vie de tout homme sur terre est un combat, à plus forte raison la vie du catholique, du chrétien baptisé, confirmé et donc engagé dans ce combat pour le Christ-Roi. Et je dirais que si la vie de tout chrétien est un combat, la vie du chrétien d’aujourd’hui est par excellence une lutte, un combat, un temps de service.

Dans cette phrase nous trouvons énoncée la nécessité du combat, il est nécessaire, c’est notre condition, et cela n’est pas nouveau, c’est partout et toujours qu’il a fallu se battre. Il y a un combat dans la vie, mais surtout un combat pour conquérir l’éternité, ce qui implique beaucoup de choses.

C’est pourquoi il faut un esprit combatif. Qu’est-ce qui est requis de la part d’un soldat ? Bien sûr qu’il soit capable de lutter, de se battre, qu’il soit courageux, vaillant.

Ce texte très court fait référence à une Providence, car aussi bien un soldat qu’un mercenaire sont au service d’un maître, donc nous combattons pour Dieu, nous combattons pour Notre-Seigneur Jésus-Christ. Notre-Seigneur Jésus-Christ est notre Chef, Il est notre Maître, mais Il est aussi le maître de l’histoire, et sa Providence gouverne toutes les circonstances particulières.

Saint Jean de la Croix dit que tout est Providence, dans le sens que tout ce qui nous arrive nous est envoyé d’une façon tout à fait consciente et voulue par la Providence.

Une vue surnaturelle du combat de la foi

Ensuite un soldat, un mercenaire luttent et combattent pour une victoire, et si la vie ici-bas est un combat, cela veut dire que la victoire n’est pas sur cette terre. Si toute notre vie est un combat, cela veut dire que notre victoire est dans l’Eternité.

Je pense qu’il faut que nous gardions cette vue de Foi surnaturelle du combat.

Nous luttons dans cette vie sur terre pour une couronne éternelle. Mais ce n’est pas pour vous démobiliser, car un chrétien, un catholique sait que le combat se mène dans cette vie, qu’il est très réel, qu’il faut se battre. Mais en sachant que la victoire définitive se situe dans l’Eternité, nous n’avons pour ainsi dire pas vraiment besoin d’avoir de victoire dans cette vie, si Dieu ne le veut pas, puisque notre victoire, en dernière instance, est de conquérir l’Eternité et pour nous et pour les nôtres.

Et outre, ce petit verset de Job nous montre d’autres aspects de ce combat, par exemple : Il est pénible – pénible, dans le sens étymologique du mot –, le combat pour la Foi, le combat spirituel, surnaturel, suppose des souffrances et des épreuves, des contradictions, et même dans cette vie des défaites.

Sainte Thérèse de Jésus a un texte très beau où elle dit que ce qui est demandé au chrétien ce n’est pas de vaincre mais de lutter, ou plutôt elle montre que le fait de combattre pour la Foi est déjà la victoire du chrétien.

Et un auteur disait : En fait Dieu n’exige pas de nous la victoire, mais il exige de nous de ne pas être vaincus. C’est fort intéressant comme réflexion, vous voyez que vous pouvez très bien appliquer tout cela à cette crise de l’Eglise.

Dieu ne nous demande pas de vaincre, c’est lui qui donne la victoire, s’Il veut, quand Il veut, comme Il veut. Cela ne lui coûte absolument rien. Mais ce qu’Il nous demande à nous, c’est de défendre le bien que nous avons et de ne pas être vaincus.

L’enseignement du cardinal Pie

Il y a un texte du cardinal Pie que je voudrais vous lire ; il est empli de Foi, d’enseignement, et c’est admirablement bien exprimé : « Le sage de l’Idumée a dit : ” La vie de l’homme sur la terre est un combat ” (Job, VII, 1), et cette vérité n’est pas moins applicable aux sociétés qu’aux individus. Composé de deux substances essentiellement distinctes, tout fils d’Adam porte dans son sein, comme l’épouse d’Isaac, deux hommes qui se contredisent et se combattent (Genèse, XXV, 22). Ces deux hommes, ou, si vous le voulez, ces deux natures ont des tendances et des inclinations contraires. Entraîné par la loi des sens, l’homme terrestre est en perpétuelle insurrection contre l’homme céleste, régi par la loi de l’esprit (Galates, V, 17) : antagonisme profond, et qui ne pourrait finir ici-bas que par la défection honteuse de l’esprit, rendant les armes à la chair et se livrant à sa discrétion.» [1]

Ainsi donc la seule manière d’arriver à la paix dans ce combat, donc au pacifisme, c’est la victoire de la chair, et si nous ne voulons pas de cette paix-là, nous sommes obligés de combattre jusqu’à notre mort ; car le triomphe est au-delà. C’est bien ce que le cardinal Pie veut nous dire :

« Disons-le donc, mes Frères, la vie de l’homme sur la terre, la vie de la vertu, la vie du devoir, c’est la noble coalition, c’est la sainte croisade de toutes les facultés de notre âme, soutenue par le renfort de la grâce, son alliée, contre toutes les forces réunies de la chair, du monde et de l’enfer : Militia est vita hominis super terram. »

C’est un combat pour nous, mais c’est aussi un combat social, public. « Or si l’on vient à considérer ces mêmes éléments rivaux, ces mêmes forces ennemies, non plus dans l’homme individuel mais dans cet assemblage des hommes qui s’appelle la société, alors la lutte prend de plus grandes proportions ». Et l’évêque de Poitiers de citer l’Ecriture, la Genèse : « Les deux enfants qui se heurtent et s’entrechoquent dans ton sein, dit le Seigneur à Rébecca, ce sont deux nations ; tes deux fils seront deux peuples, dont l’un sera dompté par l’autre et devra lui obéir » (Gen., XXV, 23). Ainsi, mes Frères, le genre humain se compose de deux peuples, le peuple de l’esprit et le peuple de la matière ; l’un, en qui semble se personnifier l’âme avec tout ce qu’elle a de noble et d’élevé ; l’autre, qui représente la chair avec tout ce qu’elle a de grossier et de terrestre. Le plus grand malheur qui puisse fondre sur une nation, c’est la cessation d’armes entre ces deux puissances adverses. Cet armistice s’est vu dans le paganisme.

Et l’Esprit-Saint, qui nous a tracé la peinture de toutes les turpitudes sociales et domestiques qui résultaient de cette monstrueuse capitulation (Sap., XIV) achève son tableau par ce dernier trait : c’est que les hommes, vivant, sans y penser, dans ce marasme plus meurtrier mille fois que la guerre, s’abusaient jusqu’à donner le nom de paix à des maux si nombreux et si grands. » – C’est bien la situation actuelle, n’est-ce pas ? La paix, la paix, la paix !

« Insensibilité funeste, poursuit le cardinal Pie, qui n’était autre que celle de la mort, paix lugubre qu’il faudrait comparer au silencieux et tranquille travail des vers qui rongent le cadavre dans son sépulcre. »

« Le genre humain languissait dans cet état d’abaissement et de prostration morale, quand le Fils de Dieu vint sur la terre, apportant non pas la paix, mais le glaive (Matth., X, 34). Ce glaive de l’esprit que le Dieu créateur avait remis aux mains de l’homme pour combattre contre la chair et que l’homme avait ignominieusement laissé tomber de ses mains, Jésus-Christ, ainsi qu’on l’a dit avant moi [2], l’a ramassé dans l’ignoble poussière où il avait longtemps dormi ; puis, après l’avoir retrempé dans Son sang, après l’avoir comme essayé sur Son propre corps, Il le rendit plus tranchant et plus pénétrant que jamais au nouveau peuple qu’Il était venu fonder sur la terre. Et alors recommença au sein de l’humanité, pour ne plus finir qu’avec le monde, l’antagonisme de l’esprit et de la chair : Non veni pacem mittere, sed gladium. »

C’est un long texte du cardinal Pie, mais vous voyez qu’on pourrait dire que tout y est, tout est dit, et fort bien dit. La nécessité de ce combat dont parle Job, la parole de Dieu, n’est pas un combat seulement intérieur, individuel, renfermé dans le foyer domestique, ou à l’école, c’est un combat essentiellement aussi social, politique et religieux.

Et il y a les deux esprits, il y a les deux cités. Ce combat inéluctable, nous devons nous y engager et nous devons le continuer.

A mon avis, ce cadre vous permet de bien comprendre en quoi consiste le combat de la Foi, le combat catholique, le combat chrétien dans la cité, le combat de la tradition dans cette crise effroyable de l’Eglise, dans cette apostasie. Aussi je vais passer maintenant à quelques réflexions sur notre récente bataille, celle que nous avons traversée l’année passée, extrêmement difficile, non pas à cause à vrai dire de l’ennemi qui est le même que toujours, mais à cause des différences qui ont existé entre nous, différences tout à fait logiques, explicables, humaines, car il ne faut pas se déchirer les vêtements parce que nous découvrons que nous sommes des hommes. Nous avons les mêmes limites que les autres, je veux dire à la racine, depuis le péché originel : l’ignorance, la malice, la faiblesse.

Ce qui a fait toute la difficulté de ce qui est arrivé pendant l’année scolaire passée, c’est bien cela en pratique : les difficultés ou les épreuves entre nous, qui sont d’ailleurs les plus difficiles et les plus douloureuses. C’est pourquoi il ne faut pas les prendre à la légère, et encore moins les résoudre à la légère. C’est comme un petit conflit familial, il faut bien le résoudre avec beaucoup de délicatesse, beaucoup de charité, beaucoup de prudence, beaucoup de finesse, mais il faut le résoudre, bien sûr !

Bref historique de nos relations avec Rome

Je veux vous dire ma pensée, puisque dans cette crise on entend beaucoup d’opinions différentes, de voix divergentes, et il se peut qu’il y ait encore des retombées, aussi je me suis dit qu’il fallait que vous connaissiez au moins ma pensée. Je vais donc reprendre rapidement quelques faits pour m’expliquer, faire un petit peu l’historique, à partir de la fin de la croisade du rosaire, cette croisade de prières dont l’objet était d’offrir 12 millions de chapelets, croisade qui s’est terminée à la Pentecôte de cette année. C’est après la fin de la croisade que nous avons reçu trois réponses coup sur coup de la part de Rome. A ce moment-là, il y avait la proposition (d’une déclaration doctrinale) de la Fraternité présentée au mois d’avril, et c’est après la Pentecôte que nous avons reçu une première réponse de la Congrégation pour la doctrine de la Foi.

Et dans cette réponse, les autorités romaines nous disaient clairement qu’elles rejetaient, qu’elles n’acceptaient pas notre proposition, et elles faisaient plusieurs corrections qui revenaient à nous dire : il faut accepter le concile Vatican II, il faut accepter la licéité de la nouvelle messe, il faut accepter le magistère vivant, c’est-à-dire elles qui sont les interprètes authentiques de la Tradition, donc elles qui disent ce qui est Tradition et ce qui n’est pas Tradition ; il faut accepter le nouveau Code, etc. Voilà leur réponse.

Ensuite, et j’estime que ce fut une réponse de la Providence, il y a eu la nomination de Mgr Müller. Ils ont nommé à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, et aussi comme président de la commission Ecclesia Dei – celle qui a la charge de tous ceux qui sont rattachés à Ecclesia Dei et qui est en contact avec la Fraternité Saint-Pie X. Eh bien ! Cet évêque qui a été nommé à la tête de ce dicastère et de la commission Ecclesia Dei, – outre le fait qu’il mettait en question plusieurs vérités de Foi –, est aujourd’hui le gardien de la Foi. C’est, disons, une vieille connaissance de la Fraternité, puisqu’il était évêque de Ratisbonne, diocèse où se trouve notre séminaire de Zaitzkofen, et que nous avions eu déjà avec lui des difficultés, des affrontements. Il y a trois ans même, il avait menacé l’évêque qui allait faire les ordinations à Zaitzkofen de l’excommunier, en l’occurrence c’était moi. Il m’a ainsi menacé d’excommunication ainsi que les diacres qui allaient recevoir le sacerdoce, les nouveaux prêtres. Ensuite il a tergiversé, mais c’est quelqu’un qui ne nous estime pas, qui ne nous aime pas, c’est clair, et il a déjà dit que les évêques de la Fraternité n’ont qu’une chose à faire : déposer leur épiscopat entre les mains du Saint Père et aller s’enfermer dans un couvent. C’est quand même assez cruel, n’est-ce pas ? Puis il a tout simplement dit que nous n’avions qu’à accepter le Concile, et c’est tout. Il n’y avait plus rien à discuter.

Alors que nous attendions la lumière du Saint-Esprit, nous avons eu cette réponse.

Ensuite, avant le Chapitre général, notre Supérieur général avait écrit au pape pour savoir si vraiment c’était sa réponse, puisque en grande partie le problème que nous avons connu venait du fait qu’il y avait un double message de Rome.

Certaines autorités nous disaient : la réponse de la Congrégation de la Foi est officielle, ils font leur travail, mais vous n’en tenez pas compte, il faut la classer ; de toute façon nous voulons un accord, nous voulons vous reconnaître tels que vous êtes.

Mais la réponse de la Congrégation de la Foi et la nomination de Mgr Müller n’allaient pas dans ce sens, dans le sens du deuxième message. Aussi pour en avoir le cœur net, Mgr Fellay a écrit au pape afin de savoir si c’était vraiment sa réponse, sa pensée. Et juste avant le Chapitre, pendant la retraite qui a précédé, Monseigneur a reçu une réponse, – c’était la première fois qu’il y avait une réponse du pape à Mgr Fellay –, et il nous a dit à table dimanche, à la fin de la retraite : voilà j’ai reçu une lettre du pape où il confirme que la réponse de la Congrégation de la Foi est bien sa réponse, qu’il l’a approuvée. Et il rappelle, en les ramenant à trois points, leurs exigences, leurs conditions sine qua non pour une reconnaissance canonique :

1) reconnaître que le magistère vivant est l’interprète authentique de la Tradition, c’est-à-dire les autorités romaines ;
2) que le concile Vatican II est en parfait accord avec la Tradition, qu’il faut l’accepter ;
3) que nous devons accepter la validité et la licéité de la nouvelle messe.

Ils ont mis licéité, – probablement qu’en français ce mot a un sens un peu ambigu –, pour eux cela veut dire simplement légal, qui a les formes légales, mais dans le langage canonique, c’est beaucoup plus profond, cela veut dire que c’est une vraie loi, que cela a force de loi. Pourtant l’Eglise ne peut pas avoir de loi contraire à la foi catholique. Et nous avons toujours contesté, en ce sens, la légalité de la réforme liturgique et de la nouvelle messe, car elle ne peut pas avoir force de loi dans l’Eglise, c’est impossible parce que contraire à la Foi, parce qu’avec elle ils démolissent la Foi, et ils ont bien mis validité et licéité.

Autrement dit, vous voyez que sur tout l’essentiel de notre combat – ce combat des deux cités, des deux esprits – il fallait céder et trahir. Alors évidemment, sur ce point, la divine Providence nous avait tracé le chemin du Chapitre. C’était Rome qui disait : non, on reste sur le plan doctrinal, et vous acceptez tout ce que vous avez rejeté jusqu’à présent.

Le Chapitre général (9-14 juillet 2012)

Ensuite il y a eu le Chapitre, je ne peux pas vous donner trop de précisions, on est tenu au secret, mais Mgr Fellay lui-même a déjà fait connaître certaines choses, et il y a des éléments qui ont été indiqués dans la Déclaration finale, ce sont les conditions que vous connaissez. Ce que je peux vous dire, c’est que la divine Providence nous a assistés pendant le Chapitre d’une façon claire et tangible.

Cela s’est très bien passé, je vous le dis tout simplement, nous avons pu parler tranquillement, librement, ouvertement, nous avons pu aborder les problèmes cruciaux, même si nous avons dû laisser les autres, les questions qui étaient prévues au programme initial. Nous avons pris tout le temps nécessaire pour discuter et nous avons confronté les points de vue, comme il sied entre membres d’une même congrégation, d’une même armée. Cela ne fait pas de problème, la Fraternité n’est pas une école de jeunes filles, n’est-ce pas ? Alors si quelque fois il y a des discussions entre nous, il ne faut pas non plus en faire une histoire. Lisez le cardinal Pie quand il soutient des discussions publiques avec des évêques, en France, au XIXe siècle. Il les justifie, il explique pourquoi, il dit que c’est un combat, et puis voilà tout ! C’est pour dire qu’il ne faut pas non plus faire un drame. Le drame serait d’abandonner la Foi, mais qu’il y ait des discussions des questions d’opportunité prudentielle sur ceci ou cela, c’est normal. Il y a des aspects différents, il y a des tempéraments, il y a des situations… C’est extrêmement compliqué, et on ne peut pas sortir l’épée pour trancher le nœud gordien, en disant : voilà je résous la question d’un seul coup, non ! Le chapitre s’est passé comme je vous le dis, et je pense que nous avons vraiment tiré des leçons utiles des épreuves que nous avons eues, même si ce n’est pas parfait, ce qui est un autre aspect dont il faut tenir compte. Dans notre vie, tout se passe dans l’imperfection ; lisez l’histoire de l’Eglise ! Il ne faut pas demander une perfection qui n’est pas de ce monde, mais il faut avoir les yeux fixés sur l’essentiel, sur ce qui compte ; après on peut passer sur beaucoup de choses. Dans la vie, vous ne faites pas cela en famille ? Oui, vous le faites. Sinon rien ne tient dans ce monde, dans cette vie, et même parmi nous.

Certains s’inquiètent : Ah ! Oui, mais là ! – Il faut voir la complexité du problème, de la situation. Et n’oublions pas qu’il y a aussi la part des passions. Elles existent même chez nous. Tout cela pour vous dire qu’à mon avis il ne faut pas pinailler sur ces questions. Il faut voir si l’essentiel est là ou non.

Selon moi, nous avons vraiment surmonté la crise, nous l’avons dépassée, et comme il fallait, surtout dans les mesures pratiques, grâce aux discussions qui nous ont permis de clarifier entre nous des points, de bien peser les arguments, sous tous les aspects, de les trier, d’arriver à une plus parfaite clairvoyance, lucidité sur la situation, ce qui est l’avantage des épreuves si l’on en tire des leçons. A partir de ces discussions extrêmement importantes et riches, nous avons établi des conditions qui pourraient permettre d’envisager hypothétiquement une normalisation canonique et à ce propos, si vous réfléchissez bien, ce qui a été fait revenait à prendre toute la question doctrinale et liturgique, pour en faire une condition pratique.

Les conditions à une éventuelle normalisation canonique

C’est sûr, que comme je vous le disais, ce n’est pas parfait, et nous-mêmes nous avons vu assez rapidement après, que la distinction entre conditions sine qua non et conditions souhaitables n’était pas très juste, ni… souhaitable. En fait, pour nous, parmi les conditions que nous avons indiquées comme souhaitables, il y a des conditions sine qua non, mais plutôt dans l’ordre pratique, canonique, concret. Ces conditions, la Maison générale de la Fraternité les avait déjà demandées à Rome, et pour la plupart – après des démêlés multiples, des allers et retours nombreux –, Rome était prête à les concéder, et même actuellement. Mais le but du chapitre, son souci était de bien définir non pas ce qui est une conséquence, ce qui va s’ensuivre, mais l’essentiel préalable que nous n’avions pas bien défini jusqu’à présent. Autrement dit, dans le cas de figure d’un pape, d’un prochain pape qui voudrait vraiment faire un accord avec la Fraternité, quelles sont les conditions d’ordre doctrinal, qui touchent à la doctrine, à la fidélité à la Foi, à la Tradition, à la confession publique de la Foi, et même à la résistance publique opposée à ceux qui diffusent les erreurs, même s’agissant d’autorités ecclésiastiques. C’est sur ce point que nous avons défini avec beaucoup de précision les deux premières conditions sine qua non.

Et il est évident que tout est là. Je peux vous les relire.

La première : « Liberté de garder, transmettre et enseigner la sainte doctrine du magistère constant de l’Eglise et de la Vérité immuable de la Tradition divine ». Cela vous semble sans doute un langage un peu difficile, en fait il est extrêmement précis. « Garder », cela veut dire que nous en ayons la garantie dans une normalisation de la part du pape qui nous reconnaîtrait. Autrement dit : nous assurer dans un accord par écrit, de pouvoir garder, transmettre et enseigner la sainte doctrine, la sainte doctrine, du magistère constant. Parce que les autorités romaines ont une notion évolutive du magistère, et si l’on dit ‘magistère’ cela ne suffit pas, si l’on dit ‘magistère de toujours’ c’est encore douteux dans leur langage, aussi nous avons précisé ‘Vérité immuable de la Tradition divine’. Pourquoi ‘Vérité immuable’ ? Parce que pour eux la tradition est vivante… Ainsi vous voyez que c’est très précis, forts de l’expérience des discussions que nous avons eues pendant presqu’une année et demi avec la commission romaine. Poursuivons avec ce premier point : « Liberté de défendre la vérité, corriger, reprendre, même publiquement les fauteurs d’erreurs ou nouveautés du modernisme, du libéralisme du concile Vatican II et de leurs conséquences ». Je pense qu’on peut difficilement ajouter quelque chose. Tout y est. Il s’agit d’une liberté de confesser et d’attaquer publiquement les erreurs, une liberté d’enseigner publiquement les vérités niées ou dissoutes, mais aussi de nous opposer publiquement à ceux qui diffusent les erreurs, même des autorités ecclésiastiques.

Quelles erreurs ? Les erreurs modernistes, libérales, celles du concile Vatican II et des réformes qui en sont issues ou de ses conséquences dans l’ordre doctrinal, liturgique ou canonique. Tout y est. Même une résistance publique, jusqu’à un certain point, au nouveau Code de droit canonique, dans la mesure où il est pénétré de l’esprit collégial, œcuménique, personnaliste, etc. Tout y est.

Ensuite, deuxièmement point : « User exclusivement de la liturgie de 1962 », donc toute la liturgie de 1962, pas seulement la messe, tout, même le Pontifical. Garder la pratique sacramentelle que nous avons actuellement, y compris par rapport à l’Ordre, à la Confirmation et au Mariage. Vous voyez là nous avons inclus certains aspects de la pratique sacramentelle et canonique qui nous sont nécessaires pour avoir vraiment, dans le cas d’un accord ou d’une reconnaissance, la liberté pratique et réelle dans une situation qui continuerait à être plus ou moins moderniste. Nous réordonnons s’il le faut, nous reconfirmons, et puis les mariages nous n’acceptons évidemment pas certaines nouvelles causes de nullité.

Puis, toujours dans les conditions sine qua non : garantie d’au moins un évêque, voilà je vous disais que ce n’est pas parfait, car nous sommes tous d’accord dans la Fraternité sur le fait qu’il faut demander plusieurs évêques auxiliaires, une prélature, nous sommes tous d’accord, il n’y a pas de problème, ce n’était pas le problème avant, il ne l’est pas maintenant. Il ne faut donc pas pinailler sur cela.

En revanche, nous avons bien défini ce qui a été un problème parce que justement ce n’était pas nettement défini de notre côté, et aussi parce qu’il y avait un double message de la part de Rome.

Egalement il a été décidé dans ce Chapitre que si jamais la Maison générale parvenait à quelque chose de valable et d’intéressant avec ces conditions, il y aurait un Chapitre délibératif, ce qui veut dire que sa décision lie nécessairement (les membres de la Fraternité). Lorsqu’il y a un chapitre consultatif, on demande conseil, mais après l’autorité décide librement. Un chapitre délibératif signifie que la décision prise par la majorité absolue – la moitié plus un, ce qui nous a semblé raisonnable –, cette décision sera suivie par la Fraternité.

Comme l’a prouvé le récent chapitre, le jour où nous avons pu parler entre nous, comme il fallait, nous avons surmonté le problème des mésententes que nous avions connues. Il est évident qu’un chapitre délibératif constitue une mesure très sage et suffisante pour éventuellement approuver ce qui aura pu être obtenu de Rome. Car il est presqu’impossible qu’à la majorité, le Supérieur de la Fraternité – après une discussion franche, une analyse à fond de tous les aspects, de tous les tenants et aboutissants –, il est impensable que la majorité se trompe dans une matière prudentielle.

Dans cette vie, il n’y a aucune garantie absolue, parce que chacun – à commencer par soi-même –, n’a pas toutes les garanties sur ce qu’il va faire demain. Aussi un Chapitre est largement suffisant pour sortir de l’impasse dans laquelle nous étions, car si vous l’examinez bien notre dernier Chapitre a mis exactement les mêmes conditions que Rome mais dans le sens contraire : ils exigent de nous cela, nous le contraire. Evidemment la possibilité d’un accord s’éloigne et surtout le risque d’un mauvais accord est, à mon avis, définitivement écarté. Définitivement, cela veut dire pas pour toujours mais pour cette fois-ci.

Nous avons aussi évité une division entre nous, et ce n’est pas peu de chose, il fallait quand même y penser et comprendre que nous allions nous diviser tous, dans la Fraternité, dans les Congrégations, dans les familles, et comme nous sommes plutôt redoutables dans le combat, nous nous serions entredéchirés avec une force, une constance, vous imaginez ! La réalité c’était bien celle-là. Mais grâce à cette compréhension entre nous, grâce à cette décision, même si elle est imparfaite, nous avons surmonté une division qui aurait été une forme de déshonneur pour ce que nous défendons, pour la vraie Foi, pour notre combat, pour ceux qui nous ont précédés, Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer.

Des conditions en vue du bien que nous pourrions faire dans l’Eglise

Ensuite, comme je vous le dis, c’est grâce à ce que nous avons vécu, les épreuves, les discussions, quelquefois les contradictions, que nous sommes arrivés à une meilleure compréhension de la réalité, à une meilleure définition. La position de la Fraternité est beaucoup plus précise et lucide maintenant qu’il y a six mois, elle est bien meilleure, car nous n’excluons pas la possibilité que la voie choisie par la Providence pour un retour à la Foi s’opère par la conversion d’abord, par le retour à la doctrine d’un pape et d’une partie de cardinaux, nous n’excluons pas du tout cela. Ce n’est pas plus difficile que l’autre voie, la voie pratique. Mais tout simplement nous nous sommes dit : mettons qu’il n’y ait pas d’abord un retour de la part de Rome, d’un prochain pape à la Tradition, dans la théologie, dans les principes, dans la Foi, dans l’enseignement, dans ce cas où ce pape voudrait seulement permettre la Tradition, quelles sont les conditions qui nous autoriseraient à accepter une normalisation canonique, en vue du bien que nous pourrions faire dans l’Eglise et qui est considérable, – cela il ne faut pas le nier non plus.

A mon avis, c’est une amélioration dans le même sens. Nous avons bien défini quelles seraient les conditions qui pourraient nous protéger totalement dans la foi et dans le combat intégral pour la foi. Mais conjecturer sur l’avenir relève de la prophétie ou de la divination, nous ne savons pas ce que le Bon Dieu va nous envoyer. Je vous présente un cas de figure, une hypothèse, supposons que demain il y ait un pape dans la situation actuelle mais qui lui-même n’est pas moderniste dans sa pensée, comme c’est le cas aujourd’hui, supposons qu’il ne soit pas moderniste dans sa théologie, dans sa pensée, dans son cœur, et qu’il veuille vraiment revenir à la Tradition, mais qu’il lui manque un peu de conviction, car si pour résister, et vous le savez bien, il faut beaucoup de conviction pour résister dans la vrai Foi et persévérer, pour faire face à tout le modernisme qui infeste l’Eglise, il faut une conviction vraiment héroïque. Supposons qu’il n’ait pas cette conviction, ou qu’il soit assez convaincu mais faible, craintif, conditionné par son entourage – je vous présente là des cas qu’offre l’histoire de l’Eglise, il y a eu des évêques et des papes de ce type. Il y a eu des papes très bons en doctrine mais qui étaient très mauvais dans leurs mœurs, et vice versa des papes faibles, de même qu’il y a eu de très bons papes qui se sont trompés, maintenant nous disons qu’ils se sont trompés dans certaines décisions historiques qui ont eu des conséquences énormes.

Aussi dans l’éventualité d’un pape qui n’aurait pas la conviction, la force ou les moyens de redresser lui-même la situation actuelle de l’Eglise, dans cette crise de la Foi il pourrait très bien se servir de nous comme fer de lance, il pourrait très bien nous donner les conditions requises pour que nous puissions, nous, être le fer de lance contre cet abcès. Et d’ailleurs, en réfléchissant bien, si un pape un jour nous accorde ces conditions, c’est lui qui portera le premier coup contre l’édifice du concile Vatican II et de l’Eglise conciliaire, car de ce fait il admettrait déjà que le Concile contient des erreurs, qu’on peut le refuser et qu’il faut revenir à la Tradition. Sitôt qu’un pape prendrait en considération ces conditions exigeantes, presqu’impossibles à vue humaine, il y aurait la guerre dans l’Eglise conciliaire. La soi-disant Eglise conciliaire serait dynamitée, c’est clair. C’est pour cette raison qu’à nos yeux les questions canoniques sont bien un petit peu des détails. Car si un pape veut bien nous concéder les deux premiers points, c’est qu’il est prêt à nous concéder tout, y compris au plan canonique, et nous allons le demander, bien sûr.

Nécessité et utilité des épreuves

J’avais beaucoup de choses à dire encore évidemment ; je pense que je vous ai dit le plus intéressant. Une réflexion, pour terminer, au sujet de la nécessité et de l’utilité des épreuves, c’est un enseignement catholique, traditionnel et qui est dans l’Ecriture Sainte où l’ange dit à Tobie : « Parce que vous étiez agréable à Dieu, il était nécessaire que l’épreuve vous arrive » (Tobie 12,13), car on tire beaucoup de bien de l’épreuve.

Et saint Augustin dit que le pire qui puisse arriver, le pire des malheurs, c’est celui de ceux qui ne tirent pas d’enseignement, de profit du malheur, donc le plus malheureux du monde est celui qui devant le malheur ne tire pas les leçons et le bien qu’il peut en tirer, et par conséquent son épreuve est pire qu’avant. Attention ! S’il y a une utilité dans une épreuve, cela veut dire qu’il faut la recueillir, qu’il faut en tirer les fruits.

Alors nous avons tous toujours tendance à tirer les leçons des calamités, des souffrances et des épreuves pour les autres : « Voilà ! J’avais raison, là c’est clair tu as pris un coup ».

Mais il y a plein d’enseignement dans une épreuve, et on pourrait dire que ce sont les faiblesses et les défauts de nous tous qui sont mis à nu à travers les épreuves. Aussi chacun doit-il tirer un enseignement pour lui-même, et pour se corriger et ne pas refaire les mêmes erreurs, car souvent même en défendant une bonne cause nous le faisons très mal. Il y a des leçons d’humilité à prendre, c’est une cure d’humilité, et tant mieux, car cela nous appelle à la vigilance. Peut-être que nous sommeillons, que nous ne transmettons pas assez bien aux générations futures l’esprit du combat, peut-être qu’il faut faire plus recours à Dieu, peut-être qu’il nous faut plus de patience, de force, d’espérance dans le combat. Tout cela va ensemble : force, courage, patience. La vertu de force a deux actes : sustinere et aggredi. Ce qui signifie qu’il faut souffrir, subir, endurer, mais aussi entreprendre, attaquer – non pas agresser, on ne peut pas traduire aggredi par agresser, mais attaquer et entreprendre.

La magnanimité fait partie aussi de la vertu de force. Et c’est la patience, dit saint Paul, qui engendre l’espérance, la patience dans le combat, dans les épreuves. Faisons attention à l’espérance aujourd’hui, car nous pouvons tomber par manque de Foi, par manque de charité, mais aussi par manque d’espérance. On devient pessimiste ou défaitiste, c’est une façon de se rendre. Lorsqu’on n’a plus l’espérance, on se désengage, on est vaincu.

Les épreuves sont aussi un moyen de mérite, d’expiation, souvent c’est un vaccin. Peut-être qu’en fait nous avons eu juste une grippe, pour nous éviter demain une pneumonie. Et je pense que c’est ainsi. Souvent les épreuves sont une préparation à d’autres combats, pour que nous soyons plus lucides, plus décidés, plus vigilants sur ce qui va arriver. Qui sait ?

Je voulais vous dire tout cela parce que, si on ne tire pas de fruit des épreuves, on dévie. Car le Bon Dieu nous envoie ces épreuves justement pour nous tenir dans la bonne ligne, et il nous fait réexaminer tout pour voir où nous étions en train de faiblir ou de dévier un peu, quelquefois à gauche, quelquefois à droite, et souvent en bas.

Dans cette crise, un des enseignements qui pourra encore mieux ressortir, c’est le but de l’épreuve qui est justement de voir où étaient les excès et les défauts, car quelquefois il y a et des excès et des défauts, les deux. Autrement dit, voir où il y a un désordre, et je parle du désordre de la raison, dans la prudence tout d’abord, car il est évident que ces questions de prudence sont une question d’intelligence. Voir où se trouvait la déraison, la démesure, parfois il y a des excès dans la défense de ce qu’il faut exactement défendre ; on se laisse aller aux passions démesurées, aux excès, voyez nos impatiences à résoudre la crise, nos urgences. Cela peut aller dans beaucoup de sens, il faut donc faire très attention à tous ces aspects. Et si nous avons eu des faiblesses dans ce sens-là, les corriger, voilà la leçon. C’est la raison pour laquelle le Bon Dieu a permis l’épreuve. Et si nous faisons cela, tout le corps en ressortira beaucoup plus fort et prêt à d’autres combats encore plus grands.

Ne pas opposer la vérité à la charité

Mais faisons toujours attention aux faux dilemmes qui nous sont présentés, et par lesquels nous sommes toujours tentés du fait de la situation elle-même. Oui, c’est inhérent à notre situation. On dirait qu’il faut aller contre la vérité ou contre la charité, contre la Foi ou contre la miséricorde, contre la prudence ou contre la force. Eh bien ! Non, pas du tout ! Il faut tenir tout, il faut que nous soyons tout cela pour rester dans la bonne ligne. Or nous avons tous tendance à privilégier ce qui est plus conforme à notre tempérament, notre caractère, ce qui nous est plus facile. Et nous négligeons souvent l’autre aspect.

Lorsqu’on dit qu’il faut un ordre, un équilibre, une mesure, cela ne veut pas dire que partout il faut être médiocre. Vous savez bien ce n’est pas cela la vertu. La vertu morale est un sommet entre un excès et un défaut. Et même les vertus théologales, dans leur application à la vie, aux œuvres, à l’action, aux circonstances, peuvent avoir des excès et des défauts, non pas la vertu en tant que telle, dans son objet propre qui est Dieu, car on ne peut jamais trop aimer Dieu. Mais on peut très bien mal aimer Dieu, tout en croyant bien l’aimer. Combien de fois voit-on cela, surtout entre nous.

Donc il y a un double risque constant chez nous, et il faut dans les épreuves tirer un enseignement pour soi et pour tous, mais il ne faut pas faire trop de prévisions sur les personnes, sur leur évolution future. Il y a la grâce de Dieu, nous sommes tous capables de rachat et de rédemption.

Il y a également des chutes, aussi tant qu’une crise n’est pas finie, il ne faut pas dresser un bilan. Il se peut que certains qui étaient pris un peu au dépourvu dans l’épreuve, finalement aient une réaction très bonne. Et d’autres qui au départ avaient une réaction très bonne, évoluent très mal.

Il n’y a pas que la Foi à garder, il n’y a pas que la confession de la Foi. Il y a la vraie charité, il y a l’amour, il y a la prudence, il y a la force, il y a l’amour de la Sainte Eglise. Nous, nous sommes catholiques et nous entendons rester totalement catholiques, et pour cela il ne suffit pas de garder la Foi.

En conclusion, je pense que nous avons trois étoiles, trois luminaires qui nous ont précédés et qui peuvent nous guider sans risque de nous égarer dans la doctrine, la prudence, l’esprit catholique. Ces trois personnalités sont le cardinal Pie, le pape saint Pie X et Mgr Lefebvre, chacun d’entre eux était tout à fait adapté à son époque, de même tout à fait adapté aux besoins de l’Eglise, avec des styles différents, des qualités différentes, mais aussi avec combien de qualités semblables, qui sont nécessaires précisément aujourd’hui, dans le combat de la Foi. En sorte que nous pourrions tirer une ligne entre le cardinal Pie, saint Pie X et Mgr Lefebvre, et si vous continuez cette ligne, vous avez le chemin qu’il faut suivre. Exactement. Que ce soit sur le plan doctrinal, de la Foi, de la sainteté de vie – voilà encore un chapitre dont on pourrait parler longuement ! –, de la prière, de la confession de la foi, de la force, de la prudence.

Ils sont exemplaires ; il faut que nous les prenions comme modèles, que nous les suivions. Et pour ainsi dire la ligne est toute tracée.

Spécialement aujourd’hui qui est le samedi 13 octobre, l’anniversaire de l’apparition à Fatima où a eu lieu le miracle du soleil, demandons à la Très Sainte Vierge Marie de nous donner la grâce de persévérer dans la vraie Foi, dans le vrai combat de la Foi, mais aussi dans le vrai esprit de l’Eglise, et que chaque jour nous soyons plus fidèles à la grâce, à Dieu et aux exigences de sainteté de notre époque.

Que Notre-Dame nous donne la grâce d’être de dignes successeurs et de dignes fils de ces grands combattants de la Foi catholique !

Pour conserver à cette conférence son caractère propre, le style oral a été maintenu. Titre et intertitres sont de la rédaction. (DICI du 20/10/12)

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[1] Panégyrique de saint Louis, roi de France, prêché par le cardinal Pie dans la cathédrale de Blois le dimanche 29 août 1847 et dans la cathédrale de Versailles le dimanche 27 août 1848

[2] Mgr Parisis, év. de Langr., Instr. Past. sur le pouvoir divin dans l’Eglise, 1846.

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