Benoît XVI, au collège romain, samedi dernier, 9 février 2013
publié dans magistère de benoît XVI le 12 février 2013
Méditation de Benoît XVI sur les premiers versets de la Ière Epître de saint Pierre
Benoît XVI s’est exprimé pendant presque 45 minutes, pratiquement sans lire ses notes. C’était à la fois une prière, et une méditation intérieure dite à voix haute.
Le vaticaniste de l’Agence AGI, Salvatore Izzo, qui n’est pas un néophyte, parle de « lectio extraordinaire ».
Angela Ambrogetti a transcrit ses propos (elle parle d' »amples extraits »).
Voici ma traduction.
Comme j’en avertis à chaque fois, c’est du langage parlé. Mais je trouve très beau de le laisser tel quel, non passé à la moulinette de la grammaire, de la syntaxe, de la ponctuation (c’est pour rendre la lecture plus facile que j’ai mis des bouts de phrases en italique, et des guillemets) , dans la magie pure de la communication verbale directe, qu’il maîtrise à fond, dans des formes très particulières, des audaces stylistiques comme l’utilisation « générique » de la première personne du singulier, qui peut sembler grammaticalement incongrue.
En le lisant ainsi, on croit l’entendre.
Etre chrétien signifie être un étranger dans le monde
Ce sont les séminaristes du diocèse du Pape, 190 de cinq séminaires diocésains, et chaque année, ils écoutent la Lectio de leur évêque, Benoît XVI. La fête de Notre-Dame de la Confiance est une occasion pour le pape d’être avec eux, de les regarder dans les yeux, de partager leur repas. Des paroles de la Première Lettre de Saint Pierre Benoît XVI fait jaillir la beauté de la foi. Voici notre transcription d’extraits de la Lectio du Pape.
Première lettre de saint Pierre Apôtre
01 Moi, Pierre, Apôtre du Christ Jésus, à vous qui êtes comme en exil, dispersés dans les provinces du Pont, de Galatie, de Cappadoce, d’Asie et de Bithynie, 02 choisis selon le plan de Dieu le Père, dans l’Esprit qui sanctifie, pour obéir à Jésus Christ et être purifiés par son sang. Que la grâce et la paix vous soient accordées en abondance.
…
12 Je vous écris ces quelques mots par Silvain, que je considère comme un frère digne de confiance, pour vous encourager, et pour attester que c’est vraiment la grâce de Dieu qui est avec vous ; restez-y fidèles. 13 La communauté qui est à Babylone, élue de Dieu comme vous, vous salue, ainsi que Marc, mon fils. 14 Exprimez votre amour mutuel en échangeant le baiser de paix. Paix à vous tous, qui êtes dans le Christ
« Nous avons entendu trois versets de la Lettre de saint Pierre et avant d’entrer dans ce texte, il me semble important d’être attentif au fait que c’est Pierre qui parle, et parle aux Eglises en Asie et il les appelle les élus et les étrangers dispersés (1).
Réfléchissons là-dessus: Pierre parle, et il parle, comme nous le lisons à la fin de la lettre, depuis Rome, qui est appelée Babylone. Presque la première encyclique dans laquelle le Premier Apôtre, le Vicaire du Christ parle à l’Église de tous les temps.
Pierre Apôtre parle, celui qui a trouvé en Jésus-Christ, le Messie de Dieu, qui a parlé le premier, au nom de l’Eglise future: Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant! Parle celui qui nous a introduit dans cette foi; parle celui à qui le Seigneur a dit: Je te remets les clefs du royaume des cieux, à qui il a confié son troupeau à trois reprises après la résurrection … Parle aussi l’homme qui est tombé, qui a renié Jésus, et qui a eu la grâce de voir le regard de Jésus, d’être touché dans son cœur, d’avoir trouvé le pardon dans le renouvellement de sa mission.
Il me semble très important que cet homme plein de passion, de désir du royaume de Dieu, du Messie, que cet homme qui a trouvé Jésus, le Seigneur, est aussi l’homme qui a péché, qui est tombé et qui pourtant est resté sous les yeux du Seigneur et demeure responsable de l’Eglise de Dieu, reste représentant du Christ, porteur de son amour.
Parle Pierre, l’apôtre, mais les exégètes nous disent, il n’est pas possible que cette lettre soit de Pierre, parce que le grec est si bon qu’il ne peut pas être le grec d’un pêcheur du lac de Galilée.
Et pas seulement la langue, la structure de la langue est excellente, mais la pensée aussi est déjà très mature, il y a déjà des formules concrètes dans lesquelles se condensent la foi et la réflexion de l’Église …
Comment répondre?
Pierre lui-même nous donne une clé, car à la fin, il dit: j’écris par Sylvain (1).
Cela peut signifier plusieurs choses.
Qu’il transmet, remet, qu’il a aidé à la rédaction, qu’il était l’auteur dans la pratique, en tout cas, la lettre elle-même nous dit que Pierre n’était pas seul pour écrire la lettre, mais exprime l’Église qui est déjà dans un chemin de foi, de plus en plus mature … Il n’écrit pas comme individu isolé, mais il écrit avec l’aide de l’Église, des personnes qui aident à approfondir la foi, à entrer dans la profondeur de sa pensée ….
Il ne parle pas comme individu, mais il parle comme un homme de l’Église, certes, comme une personne avec sa responsabilité personnelle, mais aussi comme une personne qui parle au nom de l’Eglise. Pas seulement des idées privées, pas comme un génie du XIXe siècle, qui veut simplement exprimer des idées personnelles et originales que personne n’avait dites avant, non, il ne parle pas comme un génie individualiste, mais il parle dans la communion de l’Église. Dans l’Apocalypse, dans la vision initiale du Christ, il est dit que la voix du Christ est la voix de beaucoup d’eaux, c’est-à-dire que la voix du Christ rassemble toutes les eaux du monde, porte en elle toutes les eaux qui donnent la vie au monde. Et c’est la grandeur du Seigneur qui porte en lui tout le fleuve de l’Ancien Testament, et même de la sagesse des peuples.
Et cela vaut, d’une autre façon, pour l’Apôtre, qui ne veut pas dire une parole qui est seulement la sienne, mais qui porte en elle les eaux de la foi, les eaux de toute l’Église, et ainsi apporte la fécondité et un témoignage personnel qui s’ouvre vers le Seigneur et devient ainsi large et ouvert. Et dans la conclusion de la lettre sont nommés Silvain, et Marc, deux personnes qui font aussi partie des amis de saint Paul. Ainsi, les mondes de saint Pierre et saint Paul vont ensemble, ce n’est pas une théologie exclusivement pétrinienne ou paulinienne, mais une théologie de l’Eglise, c’est la foi de l’Église, bien sûr dans les diversités de tempérament, de style de pensée, entre Paul et Pierre. Il est bon qu’il y ait ces diversités. Aujourd’hui aussi, [il y a] divers charismes et tempéraments, mais toutefois, ils ne sont pas en opposition, mais sont unis dans une foi commune.
Saint-Pierre écrit de Rome. Ici, nous avons déjà l’évêque de Rome, c’est le début du Primat concret, situé à Rome, non seulement confié par le Seigneur, mais situé dans cette capitale du monde.
Comment Pierre est-il venu à Rome? Il s’agit d’une question sérieuse. Les Actes des Apôtres nous disent que, après son évasion de la prison d’Hérode, il est allé à un autre endroit, on ne sait pas où… en tout cas, il a confié l’Eglise judéo-chrétienne de Jérusalem à Jacques, mais reste encore Primat de l’Eglise universelle , et Rome a trouvé une grande communauté judéo-chrétienne. Les liturgistes nous disent qu’il y a dans le canon romain des traces ddu langage judéo-chrétien. Et à Rome se trouvent les deux parties de l’Eglise, celle judéo-chrétienne et celle pagano-chrétienne unies, expression de l’Eglise universelle et pour Pierre, certainement, le passage de Jérusalem à Rome, est le passage à l’universalité de l’Eglise …
En allant à Rome, Saint-Pierre s’est certainement aussi rappelé les paroles de Jésus rapportées par Saint Jean: tu iras où tu ne veux pas aller, et tu étendras tes mains. La prophétie de la Croix … Saint-Pierre savait que sa fin serait celle du martyre, de la croix. Et ainsi, il sera complètement dans la suite du Christ … à « Babylone » l’attendait le martyre … En allant à Rome, Pierre accepte une fois de plus la parole du Seigneur, il va vers la Croix et nous invite à accepter nous aussi l’aspect martyriologique du christianisme qui peut prendre des formes très différentes. Nul ne peut être chrétien sans suivre le crucifix, sans accepter l’aspect martyriologique.
Saint Pierre nomme ceux à qui il écrit « élus qui sont des étrangers dispersés ». Encore une fois, nous avons ce paradoxe de la gloire et de la croix.
Élus, mais dispersés et étrangers.
Élus était le titre de gloire d’Israël … Dieu a choisi ce petit peuple non pas parce que nous sommes grands, mais parce qu’il nous aime. Et cela, saint Pierre le transfère à tous les baptisés …. qui entrent dans les privilèges d’Israël, ils sont le nouvel Israël. Élus. Nous sommes élus. Dieu nous connaît depuis toujours, avant notre naissance. Dieu m’a voulu comme chrétien, comme catholique, comme prêtre, il a pensé à moi, il m’a cherché parmi des millions, parmi un si grand nombre .. Et il m’a élu, non pour mes mérites qui n’étaient pas là, mais par sa bonté. Il a voulu que je sois le porteur de son élection ,qui est toujours aussi mission et responsabilité pour les autres. Nous devons être reconnaissants et joyeux de ce fait … Dieu m’a élu moi, comme catholique, porteur de son Evangile, comme prêtre. Cela vaut la peine de réfléchir à cela … Dieu m’a voulu et maintenant, moi je réponds. Peut-être que nous sommes tentés de dire: nous ne voulons pas être joyeux d’avoit été élus, ce serait triomphalisme.
Mais cela le serait si nous pensions avoir été élus parce que je suis grand. Ce serait un triomphalisme erroné. Mais être heureux parce que Dieu m’a voulu, n’est pas triomphalisme, mais gratitude … Et nous devons réapprendre cette joie … d’être né d’une famille catholique, quel don d’être voulu de Jésus, de connaître son visage … l’histoire humaine de Dieu .. Être joyeux d’être catholique dans son Église .. . Nous devons être joyeux, car Dieu nous a donné cette grâce et cette beauté de connaître la plénitude de la vérité de Dieu, la joie de son amour.
Élus, une parole de privilège et d’humilité en même temps. Mais aussi dispersés et étrangers. En tant que chrétiens nous somme dispersés et nous sommes des étrangers. Nous voyons aujourd’hui que dans le monde les chrétiens sont le groupe le plus persécuté car non conforme, car stimulus, car contre les tendances de l’égoïsme et du matérialisme. Bien sûr, les chrétiens ne sont pas seulement étrangers, nous sommes aussi des nations chrétiennes, nous sommes fiers d’avoir contribué à la formation de la culture, il y a un patriotisme sain, une joie saine d’appartenir à une nation qui a une grande histoire de culture de la foi. Mais nous sommes toujours des étrangers. Le destin d’Abraham … aujourd’hui, nous sommes toujours des étrangers. Dans le milieu du travail, les chrétiens sont une minorité, ils se trouvent dans une situation d’étrangeté, d’émerveillement que l’on puisse aujourd’hui encore croire et vivre de cette façon. Cela appartient aussi à notre vie, c’est une façon d’être crucifié avec le Christ, que d’être des étrangers, qui ne vivent pas selon la manière dont ils vivent tous, mais vivent selon sa parole dans la grande diversité de ce qu’ils disent tous. Et chrétien doit répondre: « tout le monde le fait, et pourquoi pas moi? Pas moi, parce que je veux vivre selon Dieu .. »
Prions le Seigneur de nous aider à accepter la mission de vivre dispersés, comme minorité et comme étrangers et pourtant d’être responsables pour les autres et de donner de la force au bien dans notre monde …
Réféchissons à présent sur trois mots: régénérés, héritage, gardés par la foi ….
Régénérés: cela signifie qu’être chrétien n’est pas simplement une décision de ma volonté, une idée à moi. Je vois que c’est un groupe qui me plaît, je vais rejoindre le groupe, je partage leurs objectifs .. non, chrétien, ce n’est pas entrer dans un groupe pour faire quelque chose, ce n’est pas seulement un acte de ma volonté… c’est un acte de Dieu; régénéré ne concerne pas seulement la volonté, la pensée, mais toute la sphère de l’être … cela signifie que devenir chrétien est passif, je ne peux pas me faire chrétien, mais je suis reconstruit par le Seigneur dans les profondeurs de mon être et j’entre dans ce processus de renaissance, je me laisse transformer, rénover … je n’ai pas seulement une idée que je partage avec quelques autres, et si je n’aime pas , je peux m’en aller; non, cela concerne la profondeur de l’être, et devenir chrétien commence par une action de Dieu et je me suis laissé former et transformer. Il me semble important dans une année où nous réfléchissons sur les sacrements de l’initiation chrétienne, de méditer là-desssus… Me laisser transformer dans la vie de l’Eglise … me laisser régénérer, signifie aussi que j’entre dans une nouvelle famille. Dieu mon Père, l’Eglise ma mère, les autres chrétiens mes frères et sœurs. Être régénéré implique aussi de se laisser insérer dans cette famille … Vivre de la communion avec le Christ qui me régénère par sa résurrection, vivre avec l’Église en me laissant former par l’Église, de beaucoup de façons, dans beaucoup de chemins et être ouvert à mes frères, reconnaître dans les autres mes frères qui avec moi doivent être régénérés …. l’un portant la responsabilité de l’autre. Une responsabilité du baptême qui est un processus de toute une vie …
Héritage. Une parole très importante dans l’Ancien Testament, « sa postérité héritera de la terre »; une promesse, « vous aurez la terre », dans le Nouveau Testament; cela signifie que nous ne sommes pas les héritiers d’un pays, mais de la terre de Dieu, du futur de Dieu, nous héritons du futur. En tant que chrétiens, nous avons le futur, le futur est à Dieu, et ainsi nous savons que l’arbre de l’Église n’est pas un arbre mort, mais croît encore et encore. Nous avons des raisons de ne pas nous laisser impressionner, comme disait le Pape Jean, par les prophètes de malheur, qui disent: oui, c’est bien, un arbre qui a poussé pendant deux millénaires, mais maintenant il est temps qu’il meure. Non! L’Église renaît sans cesse, se renouvelle sans cesse. L’avenir est à nous.
Bien sûr, il y a un faux pessimisme et un faux optimisme.
Le pessimisme qui dit: « le temps du christianisme est fini ». Non! Il recommence de nouveau.
Le faux optimisme comme après le Concile, quand les couvents fermaient, les séminaires fermaient: « non, ce n’est rien, tout va bien! ». Non, tout ne va pas bien. Il y a aussi des chutes graves, dangereuses, et nous devons reconnaître avec un sain réalisme qu’on ne va pas là où de mauvaises choses se font (ndt: partie de phrase à préciser… la transcription semble boîteuse). Mais [il faut] aussi être sûr que dans le même temps, si ici et là l’Eglise meurt à cause des péchés des hommes et de leur incrédulité, en même temps, elle naît à nouveau. Le futur est vraiment à Dieu, c’est la grande certitude de notre vie, le grand et véritable optimisme que nous connaissons. L’Eglise est l’arbre de Dieu qui vit éternellement et porte en elle l’éternité et le véritable héritage de la vie éternelle .
Gardés par la foi, le texte utilise un mot rare … Comme les gardiens des portes d’une ville, où ils gardent la ville, pour qu’elle ne soit pas envahie par des puissances de destruction. Ainsi la foi est gardienne de mon être, de mon héritage, et nous devons être reconnaissants pour cette vigilance de la foi qui nous protège, nous guide, nous donne la certitude que Dieu ne nous laissera pas tomber de ses mains. En parlant de la foi, je pense toujours à la femme souffrant d’hémorragie qui, dans la masse, trouve l’accès à Jésus et le touche pour être guéri, et elle est guérie. Et Jésus dit: Qui m’a touché? Mais Seigneur – lui disent-ils – tout le monde te touche… mais le Seigneur sait qu’il y a une façon superficielle de le toucher, qui n’a rien à voir avec une véritable rencontre avec lui, et il y a une façon de le toucher profondément. Et cette femme l’a vraiment touché, non seulement avec sa main, mais avec son cœur et ainsi, elle a reçu la force de guérison du Christ, le touchant par la foi. Telle est la foi, toucher avec la main de la foi, avec notre cœur, le Christ et ainsi entrer dans la force de sa vie, dans la force de guérison du Seigneur. Prions le Seigneur afin que de plus en plus nous puissions le toucher et être guéri, prions qu’il ne nous laisse pas tomber, que toujours plus la foi nous tienne la main et nous garde ainsi pour la vraie vie.
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Note
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