Averses locales sur la papauté
publié dans regards sur le monde le 22 mars 2013
Averses locales sur la papauté
Quand les médias s’emparent longuement d’un sujet, comme ils l’ont fait concernant l’Eglise et la papauté, l’ignorance du public ne diminue pas, elle augmente, dans un embrouillamini verbal qui mélange le vrai, le faux et le n’importe quoi. Il s’y ajoute la surinformation, qui à elle seule déjà, comme la goinfrerie, provoque somnolence et dégoût. Les gros médias catholiques sont un peu moins ignorants mais ils ne sont guère meilleurs que les autres. Ils en viendraient même à nous faire croire que c’est arrivé, ça y est, le processus est engagé, la papauté ne sera plus jamais ce qu’elle a été pendant deux millénaires, cela se lit en toutes lettres :
« Le pape est évêque de Rome, “primus inter pares”, chargé au milieu d’eux d’assurer l’unité de l’Eglise, et non le super-patron de l’Eglise universelle. C’est toute la conception de la papauté qui est en train de se modifier profondément, en ce début de troisième millénaire, conformément aux jalons posés par le concile Vatican II. »
Pesons exactement l’annonce qui nous est faite. C’est toute la conception de la papauté qui se modifie profondément. Donc il ne reste rien de ce qu’elle a toujours été.
En somme : le pape désormais ne sera plus le super-patron de l’Eglise, mot bien choisi pour tout embrouiller. Car présenter le pape comme un « super-patron » serait insoutenable parce que trop bébête ; mais si l’on dit qu’il ne l’est pas, la puissance négative de l’expression caricaturale tend à lui retirer tout pouvoir, comme le suggère le contexte de primus inter pares. On ne s’étonnera pas outre mesure de constater que ces finesses sont authentifiées par la signature autorisée d’Isabelle de Gaulmyn.
puce_carreLe supérieur général de la Compagnie de Jésus a remercié le pape jésuite François d’ « avoir accepté la responsabilité de guider l’Eglise en cette période cruciale ». Compte tenu du fait qu’aucune période de la vie de l’Eglise ne pourrait être autre que cruciale, on peut garder la certitude que la « responsabilité de guider l’Eglise » ne lui sera, en droit, enlevée ni profondément, ni toute, et pas même partiellement. Elle lui sera, en fait, plus ou moins limitée par le laïcisme totalitaire, par le totalitarisme islamique, par les médias vitalement subversifs, et aussi par les autorités parallèles et leurs réseaux anonymes installés dans l’Eglise.
puce_carreTout l’effort du laïcisme est de supprimer radicalement l’existence d’un pouvoir moral au-dessus ou à côté du pouvoir politique. Le pape est sa cible principale, à cause de son pouvoir suprême et immédiat sur tous les prêtres et tous les fidèles. Ce pouvoir est un point majeur, et inaltérable, de la « conception de la papauté ». Il peut être paralysé, outragé, persécuté. Il n’a pas été modifié, il ne peut pas l’être.
puce_carrePlus anecdotique en apparence, mais c’est un autre point majeur, et inaltérable : le pape sera toujours un homme, et non une femme, car il aura reçu l’ordination sacerdotale (même dans le cas où l’élu serait un laïc). La « conception de la papauté » n’a pas été modifiée sur ce point, ni toute ni profondément.
puce_carreComprendre l’idée d’une « Eglise pauvre » comme une exigence matérielle est une illusion idéologique qui ne peut même pas comparaître devant le tribunal de la théologie, n’ayant pu dépasser l’examen préliminaire du simple bon sens. Quand un pape parle d’une « Eglise pauvre », l’émotion est grande, mais aveugle. Il parle forcément de la pauvreté évangélique, une pauvreté spirituelle : beati pauperes spiritu (Mt 5,3), le contraire d’un esprit de richesse, d’avarice et d’orgueil. Et alors là, c’est plus difficile.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7818
du Vendredi 22 mars 2013