Entretien avec l’abbé Hervé Mercury
publié dans flash infos le 15 avril 2013
On se souvient de la polémique qui a entouré, voilà une bonne année, le problème des confirmations par Mgr Bonfils, évêque de Corse, dans une chapelle de la FSSPX desservie par M l’abbé Mercury.
Voilà dans cet entretien, des précisions intéressantes:
[Abbé Hervé Mercury – A Crucetta] Les Confirmations de Mgr Bonfils – Entretien avec l’abbé Hervé Mercury 1/2
SOURCE – Octobre 2012
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La rédaction d’A Crucetta précise que cet entretien a été réalisé avant le renvoi de l’abbé Mercury de la Fraternité Saint-Pie X.
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A Crucetta : Monsieur l’Abbé, pouvez-vous nous retracer l’historique des événements depuis votre première visite à Mgr Bonfils?
Abbé Mercury : J’ai rencontré Mgr Bonfils pour la première fois le 22 novembre 2011 afin de clarifier notre situation à Ponte-Leccia où, malgré l’interdiction de Mgr Brunin, nous avions l’autorisation de l’abbé Mondoloni de célébrer la Messe dans une chapelle paroissiale.
Qu’en pensait l’administrateur apostolique, nouvellement nommé ?
La rencontre a été très dure. Mgr Bonfils m’a reproché de n’être rattaché à aucune structure canonique et de n’avoir aucune mission officielle. J’ai reconnu ne pas être en règle au regard du droit, mais que cette situation résultait du refus des autorités ecclésiastiques de répondre favorablement aux personnes désireuses de pratiquer selon le rite traditionnel en conformité avec les décisions de Benoît XVI, promulguées dans le Motu Proprio de 2007. Suite à cette première entrevue, Mgr Bonfils a demandé à me revoir. Je l’ai rencontré de nouveau le 12 décembre en compagnie de M. l’abbé Mondoloni. A cette occasion, ce dernier a évoqué la possibilité d’une incardination. Aucune démarche n’avait été entreprise en ce sens auparavant, ni ne l’a d’ailleurs été depuis.
Au cours de cet entretien, Mgr Bonfils s’est déclaré favorable à ce que nous continuions à célébrer régulièrement les Messes à Ponte-Leccia sous la houlette du Curé Mondoloni. Il a aussi accepté d’examiner la dispense pour disparité de culte dont j’avais besoin pour un mariage. C’est pour traiter ce dernier cas que je me suis rendu une troisième fois à l’évêché le 23 janvier. A la fin de la rencontre, j’ai informé Mgr Bonfils de la venue de Mgr Fellay pour des confirmations le 1er mai. A cette annonce, il a répliqué immédiatement : « il est inutile qu’il vienne, je les ferai moi-même ». J’ai alors répondu que je ne voyais aucune objection théologique à ce qu’il intervienne dans le rite traditionnel, mais qu’il fallait que j’en parle aux supérieurs de la Fraternité pour écarter d’éventuels obstacles d’ordre politique.
J’ai averti l’abbé Radier et j’ai attendu d’avoir des précisions. Le 5 février, Mgr Bonfils m’a fixé la date du 11 mars pour les confirmations. Le lendemain, j’en ai informé Mgr Fellay qui m’a renvoyé, mécontent, à l’abbé de Cacqueray. J’ai téléphoné à ce dernier qui m’est apparu favorable et m’a assuré d’une réponse pour le vendredi, jour où je devais précisément transmettre notre accord ou non à l’évêque d’Ajaccio. N’ayant aucune nouvelle, j’ai prévenu l’évêque le samedi qu’aucun obstacle majeur ne m’avait été opposé et qu’il pourrait donc faire les confirmations. Cinq jours plus tard, sollicité par l’abbé Radier, l’abbé de Cacqueray m’a ordonné de répondre négativement. Mais, de mon côté, c’était trop tard!
A Crucetta : Faut-il comprendre que vous n’avez jamais sollicité Mgr Bonfils, comme cela a été répandu ici ou là ?
Abbé Mercury : Exactement ! Au vu de ma réaction, l’abbé de Cacqueray a téléphoné à l’administrateur apostolique pour le persuader de renoncer. Il n’a pas réussi. Le 25 février, Mgr Bonfils m’a convoqué pour me mettre devant mes responsabilités. Il m’a prévenu : «M. l’Abbé, jeudi dernier, j’ai eu une conversation téléphonique avec votre Supérieur. Vous risquez d’avoir des ennuis. Je ferai donc ce que vous voudrez. La balle est dans votre camp !» J’ai répliqué : « Monseigneur, la question ne s’est pas posée de cette manière depuis le début de cette affaire. Voulez-vous absolument faire ces confirmations ou acceptez-vous de vous retirer ? -Je veux faire ces confirmations. – Dans ce cas, je n’ai rien à ajouter. Les confirmations auront lieu comme vous l’avez décidé.» Agir autrement, c’était s’opposer au droit divin de l’Eglise.
A Crucetta : Pouvez-vous préciser pourquoi refuser l’accès de la chapelle de la Parata à Mgr Bonfils contredirait la profession de la foi catholique ?
Abbé Mercury : J’insiste sur la portée de votre question. Pour des raisons politiques, si des obstacles majeurs m’avaient été présentés, j’aurais pu opposer une fin de non-recevoir à Mgr Bonfils. De même, celui-ci se serait retiré si la Commission Ecclesia Dei le lui avait demandé. A aucun moment, ni lui ni moi n’avons voulu agir contre les intérêts de la Sainte Eglise. Mais la question se pose sur le plan théologique. Je suis étonné qu’il y ait, sur ce point, tant de discussions. L’évêque diocésain est souverain sur son territoire. Mgr Bonfils me l’a bien rappelé : «je veux, m’a-t-il dit, qu’on sache que je suis le seul évêque en Corse ». On ne peut quand même pas le lui reprocher! Aussi, dès lors qu’il a exprimé sa volonté de donner des sacrements dans la forme traditionnelle, personne ne peut s’y opposer, sauf à nier pratiquement la souveraineté absolue qui est la sienne sur son territoire. Ce point n’est pas négociable : il s’agit d’une vérité dogmatique qui ne se discute pas. D’après le concile Vatican I et son interprétation officielle ultérieure par Pie IX, même le Pape ne pourrait s’y opposer absolument, parce que l’exercice du pouvoir épiscopal n’est pas absorbé par le pouvoir papal.
A Crucetta : Mgr Bonfils ne se cache pas d’être un évêque conciliaire. Cela ne remet-il pas en cause la licéité du sacrement qu’il confère ?
Abbé Mercury : Mgr Bonfils ne m’a pas caché son attachement aux thèses de Vatican II. Il adhère, dans une mesure que je ne peux pas pour autant définir, à certains points théologiques sur lesquels je suis sans doute en désaccord. Cela n’en fait pas pour autant un hérétique! Serait-il même hérétique en son for intérieur, cela ne remettrait pas en cause la licéité du sacrement conféré. La licéité, au sens canonique, est la permission donnée par l’autorité de célébrer un sacrement. Or, dans un diocèse, c’est l’évêque titulaire qui donne ces autorisations. Parler de licéité dans le cas présent n’a pas de sens. En revanche, la question se pose de savoir dans quelles conditions nous, prêtres de la Fraternité Saint-Pie X, exerçons notre ministère licitement. Car la permission de célébrer est nécessaire pour que la grâce soit accordée dans le cadre de la célébration d’un sacrement. Nous avons l’obligation de répondre honnêtement et clairement à cette difficulté. Il en va du salut de nos fidèles…
A Crucetta : Pour qu’un sacrement soit valide, il faut la matière, la forme et l’intention du ministre. Comment pouvez-vous nous assurer qu’un ministre n’ayant pas la foi a l’intention requise pour la validité du sacrement?
Abbé Mercury : Ce n’est pas moi qui l’assure, c’est saint Thomas d’Aquin dans sa somme théologique. Dans sa question sur les sacrements en général, il se demande si la foi du ministre est nécessaire au sacrement. S’appuyant sur un témoignage de saint Augustin contre les donatistes, il montre d’abord que la négation sur un article de foi qui ne concerne pas le sacrement n’empêche pas la validité. Puis il prend l’exemple concret du baptême. Il prend le cas d’un ministre qui ne croit pas que la cérémonie de l’ablution produit une purification de l’âme. Il dit que, malgré cette infidélité, il peut avoir l’intention de faire ce que fait l’Eglise bien qu’il tienne cela pour rien. Et il conclut qu’une telle intention suffit pour donner le sacrement, parce que le ministre du sacrement agit dans la personne de toute l’Eglise. Or la foi de celle-ci supplée alors à ce qui manque à la foi du ministre. En bref, du moment que le ministre suit l’ordonnancement des cérémonies prévues par le rituel, le sacrement est réputé valide. Les confirmations de Mgr Bonfils et la Messe qu’il a célébrée dans la forme extraordinaire du rite romain, comme on ’appelle aujourd’hui, sont bien évidemment valides. Etant aussi licites, elles ont produit dans les âmes des enfants toutes les grâces prévues par la miséricorde divine. Remercions Dieu pour tant de bonté !
A Crucetta : Dans le domaine du sacrement, qu’aurait apporté de plus la présence de Mgr Fellay ?
Abbé Mercury : Sur le plan sacramentel, il est clair, d’après ce que je viens d’expliquer, que la présence de Mgr Fellay n’aurait rien ajouté au sacrement. Bien plus, comme Mgr Bonfils a imposé sa volonté, je pense que la suppléance n’aurait pas pu s’exercer dans ces circonstances et l’administration du sacrement aurait été illicite. En revanche, sur le plan affectif, il est tout aussi clair que j’aurais préféré recevoir notre Supérieur général en grande pompe. J’espère que l’occasion se retrouvera et que nous pourrons, tous réunis, rendre un témoignage fort de notre foi catholique dans le Christ Rédempteur. Les habitants de notre île en ont bien besoin…
A Crucetta : Monsieur l’Abbé, dans quelle mesure les fidèles ont-ils été associés à la décision de laisser Mgr Bonfils procéder aux confirmations?
Abbé Mercury : Dans la semaine qui a suivi le 23 janvier, après avoir transmis l’information à l’abbé Radier, j’ai avertiles parents concernés que Mgr Bonfils tenait à faire lui-même les confirmations dans la forme extraordinaire du rite romain. Je leur ai demandé de réfléchir à la question et de me donner leur avis. Il était évident que, si les fidèles étaient contre, le projet tombait à l’eau de lui-même. Certaines familles m’ont demandé des éclaircissements sur la validité et la licéité du rite dans un cas pareil. Je leur ai présenté les arguments que j’ai déjà développés dans la première partie de cet entretien. Elles ont été rassurées de voir que nous ne marchions pas à l’aveuglette. Ce qui nous guide, ce sont les principes obvies de la théologie catholique.Les discussions durant cette période ont été sereines. Les fidèles ont pu avoir tous les éléments nécessaires pour se forger une opinion et envisager calmement la venue ou non de Mgr Bonfils dans leur chapelle. Finalement, il n’y a eu aucune opposition de la part des fidèles contactés.
Le 12 février, je leur ai annoncé que les confirmations auraient bien lieu le 11 mars selon ce qu’en avait décidé l’évêque du diocèse. Je n’avais aucune nouvelle des supérieurs. S’ils ne m’avaient pas contacté pour une affaire aussi grave, c’est qu’ils ne voyaient aucun obstacle majeur à cette cérémonie. Vu la proximité de la date du 11 mars, j’ai commencé immédiatement la préparation au sacrement tous les dimanches qui ont précédé pendant une demi-heure après la Messe. Les enfants étaient enthousiastes et les parents dans la paix. Une personne âgée a même voulu se rajouter au groupe, parce qu’elle n’avait jamais été confirmée. Mais, comme je l’ai déjà dit, l’abbé de Cacqueray, sollicité par l’abbé Radier que j’avais mis au courant, m’a demandé de tout annuler, ce qui était impossible. L’apostolat a des exigences qui lui sont propres. Une fois lancée, la préparation, par respect pour l’âme des enfants, ne pouvait plus être interrompue. Alors les supérieurs ont décidé de faire pression sur les fidèles.
L’abbé Radier est venu le 26 février et a tenu un meeting après la Messe. Mais il n’a convaincu aucune des personnes concernées. La semaine suivante, c’est l’abbé Nély, deuxième assistant du Supérieur Général, qui s’est adressé aux fidèles. Il a été beaucoup plus malin. Il a d’abord accusé Mgr Bonfils d’être un hérétique en se basant sur une déclaration journalistique! Puis, s’étant assuré que je m’occupais des enfants, il a lu un communiqué de Mgr Fellay aux fidèles, qui ont été profondément scandalisés par son contenu. Après des hésitations, seule la personne âgée a renoncé à être confirmée.
A Crucetta : Selon vous, les fidèles des paroisses traditionnelles sont-ils soumis au pouvoir épiscopal local?
Abbé Mercury :Les communautés qui se rattachent à la Fraternité Saint-PieX travaillent sous le régime de la suppléance. Elles ne sont pas constituées comme des paroisses, parce que les prêtres de cette fraternité n’ont aucun statut juridique dans l’Eglise. Il en est de même des évêques, y compris Mgr Fellay. Benoît XVI l’a encore rappelé dans sa lettre de 2009. Se donner à soi-même un statut juridique, fût-ce pour la défense de la foi, c’est se placer incontestablement dans une situation de schisme. Il est important de réaliser qu’on ne peut pas être véritablement membres de l’Eglise catholique sans être rattachés, d’une manière ou d’une autre, à une autorité de l’Eglise. C’est la raison pour laquelle les fidèles, et même les prêtres, se rattachent nécessairement à l’évêque diocésain qui reste le référent local de l’Eglise catholique. Je rappelle une nouvelle fois que les évêques représentent l’Eglise par droit divin et que cette représentation soit reconnue, au moins tacitement, par le Pape. Il ne peut y avoir de représentation quand cette reconnaissance est explicitement niée.Il est assez surprenant de devoir expliciter ces points. En effet, il a toujours été admis dans la Fraternité Saint-PieX que, au début du canon, nous nommions le Pape et l’évêque du lieu auquel nous nous déclarons unis. Ce ne sont pas que des mots, c’estune réalité qui fait de nous des membres réels de l’Eglise catholique, même si, dans les faits, nous sommes en marge. Que l’évêque soit bon ou mauvais, orthodoxe ou hérétique, là n’est pas la question. Par lui, nous sommes reliés au Pape, et par-delà au Christ par qui nous sommes sauvés. Ce n’est pas rien!
A Crucetta :Mais alors, quelle différence y a-t-il entre votre manière d’agir et celle de «ralliés»?
Abbé Mercury :Les «ralliés», comme vous les dénommez, sont canoniquement reconnus. Ils ont droit de cité dans la société ecclésiale, même si ce n’est pas sans difficulté. Leurs droits sont garantis par leurs constitutions propres aussi bien que par le droit commun de l’Eglise. Dans leur ministère, ils doivent rendre des comptes à l’évêque du lieu.Dans ce cadre, il n’est pas envisageable d’organiser des confirmations sans son autorisation préalable et, si un autre évêque doit venir, il ne peut pas le faire sans la permission de l’évêque diocésain. Sinon le sacrement est illicite, il ne produit pas la grâce.Avec Mgr Bonfils, les choses ont été différentes. Il n’était pas prévu qu’il fasse les confirmations, parce qu’il nous considérait hors de l’Eglise. Quand il a compris que nous revendiquions, en tant que catholique, une vraie dépendance à son égard et que cette revendication était étayée, alors il a imposé sa volonté souveraine. Et je n’ai pas pu m’y opposer puisqu’il a accepté de suivre la forme extraordinaire du rite romain dans les cérémonies. Sa venue a manifesté, malgré notre marginalisation, notre appartenance à l’Eglise catholique. Je suis fier d’avoir été l’instigateur de cette démonstration.
A Crucetta :Vos propos semblent contredits par le communiqué de Mgr Fellay dont vous acceptez enfin de nous livrer le texte. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
Mais, le plus aberrant, c’est la prétention exorbitante de Mgr Fellay. Il s’arroge une juridiction propre et personnelle sur tous les fidèles qui viennent à la chapelle et il dénie à l’évêque du lieu son droit de regard sur eux. Il se comporte comme s’il possédait le pouvoir d’une prélature personnelle. Sauf que cette prélature ne lui est pas encore accordée par Rome. Cette attitude est-elle seulement une erreur d’appréciation ou de timing? Mgr Fellay aurait-il «vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué»? Aurait-il été un peu en avance par rapport à ce qui doit ou devait être accordé à la Fraternité? A ces questions, il faut répondre négativement. Le Supérieur général et d’autres supérieurs majeurs estiment que la Fraternité possède dès à présent ce qu’elle réclame à Rome. La décision romaine ne donnerait pas vraiment le pouvoir, elle ne ferait que confirmer ce qui existe déjà.Car, depuis le début, les sanctions contre la Fraternité ne seraient pas seulement nulles dans leurs effets, mais aussi dans leur substance d’acte juridique, ce qui met en cause l’autorité qui promulgue. Ce passage des effets à la substance nous rend objectivement schismatique!…
A Crucetta :Avez-vous été sanctionné par vos supérieurs à la suite de ces confirmations et, si oui, sur quel fondement ?
Abbé Mercury:Les manœuvres d’intimidation du district et de la Maison généralice n’ont eu aucun effet sur les familles concernées par les confirmations. Aucune n’a voulu cédé au dictat d’une autorité qui se donne des pouvoirs qu’elle n’a pas. Les confirmations ont donc eu lieu comme prévu. Mais la réaction ne s’est pas fait attendre. Mgr Fellay me menaçait de sanctions gravissimes. Le 13 mars, deux jours après les confirmations, il me nommait à Sao Paulo au Brésil. Aucune raison ne m’a été explicitement donnée. Mais, comme je protestais avoir des obligations auprès de l’université de Strasbourg, l’abbé de Cacqueray m’a fait savoir que ma mutation était immédiate, parce que je n’avais pas obéi à leurs «demandes instantes de renoncer à faire venir Monseigneur Bonfils pour ces confirmations». Le motif principal des sanctions prises contre moi, à cette époque et après, est clairement le fait d’avoir refusé de fermer la porte de la chapelle à l’administrateur diocésain. La mutation à Sao Paulo a finalement été annulée, probablement parce que je me suis plaint, preuves à l’appui, que le supérieur du District avait orchestré une campagne de diffamation contre moi sur internet. A la place d’un voyage tous frais payés au Brésil, j’ai officiellement été mis à pied et placé «en résidence, sans apostolat particulier», à Marseille.
A Crucetta : Quelles ont été les conséquences des confirmations pour l’apostolat en Corse ?
Abbé Mercury: Dans la semaine qui a précédé les confirmations, l’abbé Radier, mandaté par Suresnes, a envisagé de célébrer deux Messes à Ajaccio : l’une pour mes fidèles, l’autre pour ceux de la Fraternité! Et il a exprimé le souhait que ces Messes se passent à la Parata. J’ai refusé au motif que je suis membre à part entière de la Fraternité, mais j’ai accepté de me retirer à condition que l’unité des communautés soit préservée. Pour cela, j’ai demandé que la question des confirmations soit mise entre parenthèses.Cet engagement n’a pas été respecté. La communauté s’est scindée clairement en deux camps. L’apostolat a été complètement désorganisé : les réunions du Tiers-Ordre Franciscain n’ont pas été reprises, les Messes du premier samedi du mois ont été célébrées au Prieuré contre les engagements du bail, le catéchisme des enfants n’a pas été terminé et les communions solennelles n’ont pas eu lieu. A Ponte-Leccia, l’abbé Mondoloni a fini par congédier deux confrères et dire lui-même la Messe traditionnelle. Contre mon avis, l’abbé Radier a alors organisé la Messe dominicale à Ville-di-Paraso. Là encore, les fidèles se sont divisés.Or je devais retourner à Ajaccio pour un mariage avec dispense de disparité de culte accordée par l’évêque diocésain. J’avais proposé que quelqu’un d’autre s’en occupe, mais vu le cas, il a été jugé préférable que je le fasse. Le 30 juin, j’étais donc de retour à la chapelle Saint-Antoine de la Parata. J’ai pu jauger le désarroi des fidèles, atteints dans leur foi et leur attachement à l’Eglise catholique.
J’ai demandé à prendre mes vacances sur place durant le mois de juillet. Je suis allé remplacer l’abbé Mondoloni à Ponte-Leccia. Les supérieurs ont laissé faire, mais ils ont refusé d’annoncer mes Messes… comme si elles n’étaient plus de la Fraternité ! Face à ces réactions qui n’avaient plus aucun sens sur le plan apostolique, j’ai décidé de reprendre mon ministère le dernier dimanche de juillet. L’abbé Radier n’a pas accepté la chose et il a décidé de créer une dissidence en célébrant le Saint Sacrifice dans une salle d’hôtel, puis dans un localcommercial. En fait, les supérieurs se sont ingéniés à créer de toutes pièces «la division profonde de la communauté», prophétisée par Mgr Fellay dans son communiqué. Mais, si nous sommes vraiment catholiques et que nous reconnaissons en actes le pouvoir épiscopal, comme ils le soutiennent en paroles, la division n’a pas lieu d’être. Ou alors, il faut se résoudre à dire que les supérieurs sont en train de prendre des orientations séparatistes, qu’elles soient d’origine schismatique ou sedevacantiste. Pour le moment, je veux croire que le refus des confirmations n’est pas d’ordre doctrinal et que, par conséquent, les sanctions vont s’arrêter. Malheureusement, les faits me rendent pessimiste.Les supérieurs exercent des pressions diverses pour me faire céder. Entre autres, j’ai déjà reçu deux monitions (ce sont des avertissements solennels) et on me menace d’un procès canonique si je ne rejoins pas mon nouveau poste à Oberriet, dans la terre des Grisons, en Suisse alémanique. L’allemand n’est pas pour me déplaire et la proximité du lac de Constance et de l’Autriche rappelle des souvenirs familiaux qui m’attirent. Ma mère a passé une partie de sa jeunesse dans cette belle ville allemande. Et mon grand-oncle, agrégé d’allemand, a passé de longues années comme attaché culturel à l’ambassade de Vienne, avant d’être nommé professeur à la Sorbonne.Mais ai-je le droit de renoncer à éclaircir une question de Foi au profit d’attraits personnels ? Je ne le pense pas. J’espère que le procès permettra de poser les bases d’un débat fructueux. Une fois la question réglée, je partirai où l’on voudra. Maintenant que l’abbé de Cacqueray a fait la démonstration qu’il est possible de mobiliser deux prêtres pour la Corse et de dépenser sans compter, il y a lieu d’espérer qu’il ne décevra pas les fidèles et qu’il créera enfin sur l’île un prieuré digne de ce nom…
A Crucetta :Avez-vous été sanctionné par vos supérieurs à la suite de ces confirmations et, si oui, sur quel fondement ?