Gesté ou l’église détruite
publié dans nouvelles de chrétienté le 26 juin 2013
Comme annoncé, le site d’information indépendant Breizh Journal a mis en ligne hier une synthèse bien documentée sur l’historique de l’“affaire de Gesté”, assortie de perspectives d’intérêt. L’article est certes long mais il permet de se faire une opinion droite sur la « déconstruction » de l’église qui a ému au-delà de nos frontières… C’est un nouveau “cas d’école” dont nous devons être bien conscients, car si ce “domino” tombe définitivement, il risque d’entraîner dans sa chute quelque 200 autres églises en France menacées aussi de « déconstruction » immédiate, alors que, selon un rapport du Sénat, entre 3 000 et 15 000 églises rurales protégées seraient « en situation de péril »…. Une étude à lire et à garder en mémoire…
Gesté, petite bourgade de 2 500 habitants, est à quatre kilomètres seulement de la Sanguèze, qui marque localement la limite entre le Choletais et la Bretagne. Un autre monde pourtant que ce village qui détruit actuellement son église, au bout de deux décennies d’abandon, de péripéties judiciaires et de non-dits. Comment en est-on arrivés à ce qu’un maire et son conseil envoient bouler la cour administrative d’appel qui leur avait interdit la démolition, ainsi que bon nombre de leurs habitants ? Nous avons passé trois jours sur place, pour tenter de comprendre ce qui se passe à Gesté, petit village disloqué autour de son église éventrée.
L’église à moitié détruite ? Loin de là
Comme nous l’écrivions le 18 juin où nous présentions la situation et l’historique des démêlés judiciaires l’église – construite en deux fois au XIXe à la place de l’ancienne, détruite par les colonnes infernales le 5 février 1794 et relevée tant bien que mal en 1800 – a été abandonnée par la mairie à partir de 1995. Deux tranches de restauration sur les quatorze prévues avaient été faites dans les années 1980 – et bien faites : le clocher et les murs de la nef paraissaient comme neufs, et c’est pourtant par là que les pelleteuses ont attaqué, abattant le mur pignon de la nef et la première moitié du mur sud. L’église n’est même pas au quart détruite : cette démolition « finalement minime, a été engagée seulement pour mettre les gens devant le fait accompli, leur dire que les carottes sont cuites », commente à chaud un habitant.
La municipalité envisage de préserver le clocher et la crypte ; elle a remisé la statuaire et le Christ dans ses ateliers et garages municipaux. Pour le clocher, elle n’a guère le choix : l’église n’est toujours pas désaffectée, c’était la condition sine qua non pour emporter l’adhésion du curé et de l’évêché : la mairie doit reconstruire une église (pour 1,5 millions d’€ quand même). Dans l’église à cœur ouvert par la pelleteuse, restent un autel, dans l’abside, et des vitraux, dont la municipalité espère en récupérer trois – la rosace, les armoiries dans l’une des chapelles privées et le vitrail religieux dans la chapelle privée du Plessis.
Le bout du monde
Plus que tout, Gesté qu’on prononce localement Getté est au bout du monde. Les cars de l’Anjou n’y passent pas, les habitants ont coutume de marcher jusqu’à la Regrippière (6 km) pour prendre ceux de Loire-Atlantique. La métropole locale s’appelle Vallet : plusieurs aller-retour par jour jusqu’à Nantes, la voie rapide non loin, des emplois, des vignobles. Tournés vers Nantes et Cholet, les Gestois ne se sentent guère angevins et ignorent la capitale du Maine-et-Loire, ou quasi. La ville avait jadis quatre usines de chaussures – elles ont toute fermé, soit pour ramener leur activité ailleurs, sur Cholet et Beaupréau (prononcé Beaupreau), soit pour disparaître. L’une d’elles, au nord du village, accueille les ateliers municipaux. La seule chose qui tire Gesté, c’est la proximité de Nantes. A quarante minutes – et autant de kilomètres de la capitale bretonne, Gesté apparaît comme un lieu de vie intéressant pour de nombreux nantais ou ressortissants de la métropole, chassés par la hausse des prix. Dans le village même, des maisons sont abandonnées et des logements vides jusque sur la place centrale. L’un des bars – le Gestois – est fermé, ainsi que le commerce de confection, la poissonnerie et l’ancien grainetier-fleuriste. Il reste une supérette, deux boulangeries et un autre café. Gesté est un visage de la France d’aujourd’hui, où l’économie locale s’est quasiment effondrée, et qui vit à la traîne d’une grande métropole, alimentant localement les rancœurs entre les « Nantais » et les « Gestois », comprendre, de souche.
Un curé pour la démolition
Le curé desservant l’église de Gesté est Pierre Pouplard. Dès son arrivée à la cure en 2004 il demande une nouvelle église à la place de l’ancienne et convainc ses paroissiens. Un de leurs chefs de file ne peut être que tenté par un projet pareil : il a rasé son château (la Forêt) pour échapper aux charges fiscales et vit dans la ferme. Curieusement, l’esquisse de l’église que la mairie nous a mis à disposition est une copie de celle d’Avrillé – ou en 1983 une église néogothique fut abattue et remplacée par une nouvelle en forme d’ellipse. Avrillé où était en poste Pierre Pouplard avant d’être à Gesté. Joint par Breizh Journal, il a peur de la réprobation unanime qu’a causé – ailleurs qu’à Gesté tout au moins – la démolition de l’église, et se retranche derrière le choix du maire. Il nous a dit : « Ce choix est entièrement celui de la municipalité, j’ai même appris la destruction de l’église par voie de presse. Le conseil municipal et le maire ont fait ce qu’ils voulaient, nous n’avons qu’à suivre ».
Seulement, sa posture actuelle de suiviste s’accorde mal avec les faits. En réalité, le curé a organisé l’abandon de son église ancienne et convaincu son évêque qui l’a couvert, n’a jamais voulu remettre en cause sa décision et surtout a refusé de recevoir l’association Mémoire vivante du patrimoine gestois (MVPG) qui se bat seule contre la destruction de l’église. De fait, l’église n’étant pas désacralisée, le curé et l’évêque se sont rendus complice d’une terrible profanation, dont la dernière étape était la sortie du Christ accroché au-dessus du chœur au bout d’une nacelle, comme un vulgaire meuble encombrant. Les villageois n’ont pipé mot, mais ont été choqués toujours. Eric, rencontré le lendemain, estime que « hier, ils ont enlevé le Christ comme une vieille ferraille, c’était indécent, il y aurait du avoir une cérémonie, quelque chose, pour que ça soit propre, mais rien. A croire que le clergé nous a complètement abandonné ».
Le maire – artisan de la démolition – a réponse à tout sans convaincre
Nous avons rencontré Jean-Pierre Léger, le maire de Gesté, qui continue le travail de son prédécesseur, Michel Baron, maire de 1995 à 2008. Classé dans les divers droite – contrairement à ce que la presse a écrit, il n’est pas socialiste – il a un premier adjoint encarté au PS, Georges Romeau, qui apparaît dans toutes les municipalités depuis 1995 et se trouve pour le coup au cœur du projet de démolition de l’église. Le reste de la liste est de diverses influences, avec un point commun : « lorsqu’il faisait sa liste », explique Jean Woznica, de l’association MVPG, « il fallait être pour la démolition de l’église, sinon on ne rentrait pas ». L’association a constitué – à grand peine, personne ne voulant s’exposer – une liste dans ce village où l’on pouvait alors panacher, rayant des noms dans telle liste pour en prendre sur une autre, mais, poursuit-il, « les gens ont préféré voter pour des listes complètes, et donc pour la liste Léger ». Bien que passés non loin de l’élection, les habitants contre la démolition de l’église n’ont pas d’élu.
Le maire nous reçoit. Près de son cabinet trône l’horloge retirée du premier étage du clocher. Les yeux rivés sur une petite feuille A4 où sont consignés ses arguments pour les journalistes, il ne nous regarde jamais. Ses petits yeux toujours mi-clos sont tournés vers la feuille ou vers le sol. Grand démocrate, il parsème son discours de « vous écrirez ceci », « vous retiendrez cela », « je vous donne mes arguments, je ne veux pas entendre les autres », ou encore « à quoi bon écouter ceux qui sont contre la destruction, puisqu’il y a des habitants qui sont pour ». Il finira par lâcher un lapsus : « vous êtes un journaliste non opportun ». Sans doute parce ne croyant pas beaucoup à son sens de la démocratie, ou moins servile que les médias locaux (lire plus bas).
Il explique qu’en 2006 avec le maire précédent le conseil municipal a eu le choix entre quatre solutions : diminuer la hauteur de l’édifice, abattre le chœur, raser tout et reconstruire, et restaurer l’existant. Le conseil a voté pour la troisième solution. Rejetant toute vision du patrimoine, il estime qu’il faut « garder à l’esprit avant tout que c’est un lieu de culte » et demande à ce qu’on fasse « un tri » entre les nombreuses églises de ce Choletais marqué par la foi catholique et la densité des églises du XIXe : « Il faut aider les maires à entretenir ce genre de bâtiments, mais il faut aussi sortir du cas par cas : aujourd’hui, c’est lourd à entretenir, alors il faut choisir entre celles que l’on garde, celles qu’on abandonne et celles qu’on rase. Mais c’est une décision politique, et l’évêché a sur ce point un train d’avance ».
Il estime que « la justice a perturbé l’action municipale » en interdisant la démolition de l’église avec un permis de démolir ; ces jugements tout comme l’avis de la DRAC et de l’Architecte des Bâtiments de France du Maine-et-Loire hostiles à la démolition sont pour lui « superflus ». La DRAC, le Conseil d’État et la Cour administrative d’appel de Nantes n’ont plus qu’à s’en aller jouer aux boules. Nous le questionnons alors sur son choix de ne pas faire de référendum municipal, et au contraire, de passer en force partout afin de prendre les habitants au dépourvu : il a mis un mois par exemple à délivrer à l’association MVPG la délibération municipale du 6 mai 2013 autorisant la démolition. Impossible d’avoir une délibération dans cette mairie sans faire une lettre recommandée. Impossible aussi de passer aux ateliers s’assurer de la conservation du mobilier retiré de l’église sans autorisation écrite du maire ou d’un des adjoints ; l’employé municipal qui nous reçoit terrorisé explique qu’il pourrait « être viré ou attaqué en justice par le maire » s’il nous laissait entrer. Un parfum de dictature aux champs.
Le maire a décidément réponse à tout : se disant « personnellement pas favorable aux référendums », il pense « que c’est facile pour une municipalité de se cacher derrière les résultats d’un référendum ». Comprenez que sa décision n’est pas anti-démocratique, mais politiquement courageuse. Il manie allégrement le faux argument des Gestois contre les autres : à la réprobation unanime hors des frontières de Gesté et du Choletais, il oppose les 800 signatures du collectif Cœur de Gesté, mené par les notables et favorable à la démolition de l’église, « des Gestois qui votent à Gesté, qui paient leurs impôts. L’avis des autres ne nous intéresse pas. »
Bataille de chiffres autour du clocher
Surtout, la municipalité s’arc-boute sur les chiffres : 3 millions d’€ pour restaurer, 1,7 pour démolir et reconstruire. Un chiffre tiré de deux estimatifs, celui de Gérard Jamain (Heritage) et un second, d’un architecte angevin. Le maire oublie d’expliquer comment le cabinet Héritage, d’ordinaire abonné aux estimatifs ciselés à l’euro près pour sauver les églises en mauvaise posture des communes pauvres, a pu sortir l’énorme chiffre de 3 millions d’euros. Jacques Chupin, de l’association MVPG révèle le dessous des cartes : « la mairie a demandé à Gérard Jamain de faire un estimatif avec le plus de travaux possible, de façon à gonfler le chiffre. Il est donc arrivé à trois millions avec une véritable remise à neuf de l’édifice, format luxe. En conseil, le maire a dit que trois millions, c’était beaucoup trop cher et a rejeté le projet. Héritage s’est donc fait gravement avoir, et le chiffre est devenu, brandi à tout va, un argument contre la restauration de l’église ». A Sévérac, 1 500 habitants au nord de la Loire-Atlantique, le cabinet Heritage a sauvé l’église néogothique où il fallait redresser le clocher, injecter du béton sous les murs de la nef, refaire les voûtes, les enduits, reprendre une grande partie des ouvertures… pour 990 000 €. Aujourd’hui, l’église restaurée voilà quinze ans suite à un référendum local semble si neuve qu’elle aurait pu être construite hier. Il est donc fort possible que l’estimation de la mairie soit complètement à revoir, non qu’elle a été mal établie, mais, comme l’explique Gérard Jamain lui-même, les estimatifs comportent « nombre de travaux inutiles qui alourdissent la facture ». En gros, résume un habitant défavorable à la politique municipale, « on peut déjeuner pour 20 euros, on peut déjeuner pour quarante, dans les deux cas on déjeunera ». Un estimatif qui se limite au strict nécessaire donnera fatalement un chiffre nettement inférieur aux 3 millions d’€ avancés par la municipalité. Mais celle-ci, le clergé et la presse rebattent inlassablement et sans remettre en cause ce chiffre obtenu dans des conditions quelque peu troubles.
Des médias locaux complices
Si le maire est si cavalier avec les journalistes, c’est qu’il est mal habitué par la presse locale. Trois médias rayonnent sur Gesté. Si la télé des 3 Provinces (TV3P) est plutôt critique vis-à-vis de la démolition, et a réalisé en janvier un reportage dans l’église ouverte à tous les vents depuis un mois, les deux autres sont favorables à l’arasement de l’église, et font sans se cacher le service après-vente de la mairie, justifiant ses décisions sans jamais faire preuve d’esprit critique qu’envers les opposants de toutes natures.
La télé de Cholet (TLC) ne s’est pas déplacée lors de la démolition, diffusant des images d’archive et les seuls propos du maire. Pluralisme garanti. Quant au Courrier de l’Ouest (CO), dépendant d’Ouest-France, il s’est déplacé à trois journalistes (!) le 20 juin, un chargé d’écrire et deux de photographier, tout ça pour traiter l’information numéro 1 du Choletais en page 12, format événement local, avec un article de 500 mots et une photo du Christ déposé par les nacelles, l’après-midi. Le même journal avait traité dans ses colonnes l’église « à l’architecture faussement ancienne et prétentieuse », justifiant à longueur d’articles la démolition et rappelant le soutien de l’Etat – le sous-préfet et le préfet couvrant la démolition bien qu’illégale, sans jamais rappeler que cette position est ô combien ahurissante. L’Etat a raison, voilà tout, estime le CO qui au passage rappelle cette presse française qui s’est mise toute seule dans le fond du puits en se tournant au service exclusif du pouvoir, y compris quand l’abus de pouvoir est au pouvoir. Cette presse française qui s’émeut pour 150 gazés en Syrie et qui est incapable de voir, au cœur de Paris, des centaines de jeunes pacifiques provoqués, gazés, tabassés et arbitrairement arrêtés par des forces de l’ordre devenues nervis à la solde du régime. Une presse dont l’esprit critique s’est perdu avec les subventions accordées – 1 milliard d’€ par an pour faire taire le quatrième pouvoir.
Un village gaulois profondément divisé
Plus que tout, c’est la division qui refait surface dans ce village. L’église, c’est l’affaire Dreyfus du village, personne n’ose en parler. « Parfois, nous recevons un don ou une adhésion de quelqu’un, mais il nous dit, surtout, n’en parlez pas, sinon ma femme ou mon voisin me battront froid », explique Jean Woznica, de l’association MVPG. Eric renchérit « ce qui m’énerve, c’est que le village soit si divisé. Il y a plein de vieilles personnes pour lesquelles le mensonge c’est d’un autre temps, de l’occupation par exemple. Elles se plient devant les “sachants”, ou ceux qui paraissent comme tels. Il y a aussi ceux qu’on a convaincu qu’une majorité était pour la destruction de l’église, et qui se sont rangés à cette idée ». Le rôle de la presse n’est pas anodin dans cette supercherie.
Il poursuit « et plus c’est gros, mieux ça passe. C’est une question d’honneur, les gens ne reconnaîtront jamais un tel mensonge, puisqu’il est si énorme. Ce qui se passe, c’est que tout le monde se fait entuber. Ainsi, notre cantine, dont le permis est affiché, nous ne l’aurons pas. La capacité de financement de la commune n’est pas élastique, il y a déjà de l’endettement partout. » En 2012, lorsque la commune avait perdu devant le Conseil d’État, le projet d’agrandissement de la cantine – commune à l’école publique et à l’école libre, et tout à fait bondée – avait été ressorti des cartons : « En six jours la mairie avait convoqué tout le monde et sorti des esquisses d’un architecte à Angers, juste un truc de rêve. Pour 500 000 €. Mais maintenant qu’ils sont dans l’église, quoi qu’ils disent, ils ne peuvent pas faire la cantine ». Il achève : « tout a été fait dans notre dos. S’il y avait réellement un consensus de la population, il y aurait eu un référendum local et une cérémonie du clergé pour dire au revoir à l’église ancienne, préparer la suite. Je sais, ça paraît bête, mais ça aurait été bien mieux que ce qu’ils font là, le curé et la municipalité, c’est n’importe quoi. »
La Bretagne est si proche, mais c’est un autre monde. Gesté est un village français où tout le monde s’épie, et personne ne veut se mouiller. Il n’y a qu’une liste pour les municipales, il est difficile de trouver 21 noms sur 2 500 habitants car personne ne veut se montrer, tout le monde craint les pressions, réelles ou putatives, qu’une révolte ouverte peut attirer. Cependant, le ras-le-bol est là, qu’il soit exprimé par les mères de famille à la sortie de l’école ou par le tenancier de ce commerce, qui lâche « que faire quand ceux qui n’ont pas le droit de faire quelque chose et à qui on dit de ne pas le faire le font quand même ? Il y en a qui ont le bras plus long que d’autres, voilà ». Gesté est peu digne du souvenir de la Vendée militaire : acceptation muette devant l’illégalité, l’inégalité, résignation devenue pour beaucoup le mode de vie, les Gestois se sont faits les esclaves zélés de leur propre servitude, comme tant de Français. Au risque, en perdant l’église, de ne plus avoir rien à eux : sur les coteaux, c’est la masse bicolore – blanc pour la partie néoclassique et gris pour la partie néogothique, qui signale à trois kilomètres à la ronde le village perché sur son coteau. Une fois tombée l’église, seul le château d’eau marquera le village dans le paysage.
L’église victime d’une mauvaise gestion communale
Le maire affirme sans cesse qu’en dehors de l’église, « il y a d’autres priorités » et que les communes n’ont plus les moyens d’entretenir ces bâtiments. Pourtant, c’est le premier adjoint Georges Romeau qui vend la mèche sans s’en rendre compte : « En 1990, l’on faisait l’extension de la mairie, en 1995, la salle commune de loisirs, en 2000 autre chose encore, puis il y a eu le projet de nouvelle église et maintenant la cantine ». Bref, à chaque fois une réalisation ou plusieurs ont pompé le budget relatif à l’église. En 1995, la mairie résilie le contrat annuel d’entretien – illégal en soi, puisque la loi de 1905 oblige les communes à maintenir les églises dont elles sont propriétaires – et qui sont affectées au culte – hors d’eau. De 1995 à 2007, la mairie a même mis délibérément en danger les usagers de l’église, puisqu’elle les laissait aller dans un édifice qu’elle n’entretenait plus. Une situation scandaleuse et complètement illégale qui n’émeut pas le maire actuel, qui nous confie : « Depuis qu’il y a le projet d’une nouvelle église, pas question de mettre un centime dans l’ancienne, c’est une question de bonne gestion des finances communales ». Ou pas. La commune qui a du mal à boucler son budget peine même à éclairer le bourg la nuit, et le fleurissement s’est considérablement réduit cette année. L’argument du maire selon lequel la commune ne peut pas tout gérer est cependant facile à rejeter : comment font les communes de la Loire-Atlantique toute proche, qui ont une – voire plusieurs – églises, une population qui augmente sans cesse, donc des salles, des écoles à construire, des voiries à entretenir… elles ne rasent pas leurs églises, pourtant.
Le budget de la nouvelle église ? Il a été passé dans la cantine, la rénovation de la route de Beaupréau et des voiries d’un lotissement voisin. Jacques Chupin, de l’association MVPG, doute qu’une nouvelle église puisse être construite : elle devait l’être incessamment sous peu, ce sera d’après le maire dans le prochain mandat. Seulement, « avant que la commune puisse retrouver sa capacité financière, on sera en 2020 », et à partir de ce moment là, il n’y aura plus d’élections municipales, mais des maires délégués dans chaque commune, la communauté de communes de Beaupréau prenant sur elle toute l’administration. Il est peu probable qu’à son tour, elle dépense de l’argent pour une église.
Le faux argument du péril
Le maire justifie son passage en force par le « péril imminent » que représente l’édifice. Ce péril, conforté par une expertise judiciaire, a été arrêté par le préfet qui depuis couvre le maire. Expertise judiciaire que Jacques Chupin, de l’association MVPG, qualifie de « scandaleuse ». Étant dans le bâtiment depuis de nombreuses années, il a du mal à comprendre « comment peut-on faire une expertise quand l’expert n’est pas allé dans les combles, ni sur les chéneaux, ni dans le clocher. Le document épais comme le pouce est bourré de “on estime”, “pas visité”, “environ” et avec ça on justifie le péril ???» En raison du péril, un habitant situé à 5 mètres du chœur a été expulsé de chez lui le 25 novembre 2012 et relogé par la commune face à l’église, au-dessus de l’ancien magasin de confection. Nous avons rencontré cet habitant, M. Planchenot, qui « n’arrive pas à comprendre pourquoi ce manque total de démocratie, alors que la commune se targue d’avoir le soutien des citoyens ». Pour ce qui est du péril, pour lui, l’argument ne tient pas : « la commune a commencé à détruire la nef, c’est à l’opposé de mon logement [situé au sud-est du chœur] et donc du péril supposé ». Moralité : il n’y a pas de péril. L’église, qui n’est pas entretenue depuis vingt ans, ne semble avoir aucune envie de tomber.
Gestois contre étrangers : encore un faux argument
Aux partisans de la mairie et aux conseillers municipaux, il ne reste que l’agressivité et les arguments de caniveau pour justifier de leurs actes. Agressivité contre nous, ou contre le journaliste de TV3P traité publiquement, le matin du 20 juin, de « fouille-merde » par quatre adjoints au maire qui se comportent comme des petits délinquants de cité. Mais aussi argument de caniveau, selon lequel « il faut payer ses impôts à Gesté pour avoir quelque chose à dire sur le sujet de l’église ». Ils pourraient peut-être le ressortir à l’ABF ou aux juges de Nantes, ils apprécieraient le moyen à sa juste valeur. Selon cette vision des choses, peu importe la réprobation nationale – et même mondiale, la voix de la Russie s’étant fait écho des événements de Gesté – après le début de la démolition illégale et sacrilège de l’église. Conforté par leur mairie et leur presse asservie, quatre patelins du Maine-et-Loire traceraient leur bonhomme de chemin sans se soucier des autres. Mais ce n’est même pas vrai. L’association MVPG est pleine de Gestois de souche, comme Jacques Chupin, « atterrés de voir notre patrimoine partir à vau l’eau ». La mairie peut jouer la division tant qu’elle veut : la menace de la disparition prochaine de l’église, l’idée de voir sa silhouette disparaître du ciel si familier, le passage en force d’une mairie qui, selon un habitant, « fonctionne en circuit fermé » font s’insurger de nombreux Gestois. Il n’est pas encore trop tard pour sauver l’église.
Et maintenant ? Deux mois pour sauver l’église
D’après le maire, « à la rentrée de septembre, tout sera plat, le chœur et le reste de la nef seront rasés fin août ; le 20 septembre, tout sera enlevé, ce sera la fin du chantier ». L’entreprise Occamat a retiré son matériel et ses ouvriers pensent ne revenir qu’en septembre. Il reste de fait deux mois pour sauver l’église.
L’association MVPG a déposé un recours contre la délibération du 6 mai 2013 afin de suspendre les travaux. Le référé sera jugé le 8 juillet. De son côté la SPPEF – Société de protection des paysages et de l’esthétique française – présente ces jours-ci sur place par son délégué de Loire-Atlantique, a écrit une lettre comminatoire au préfet du Maine-et-Loire et se prépare à poursuivre le préfet, le sous-préfet et le maire de Gesté pour destruction illégale, afin de les faire payer y compris sur leurs deniers personnels. La SPPEF a réussi ces dernières années à sauver quatre églises, dont celle du Dreuil-Hamel, dans l’Eure, ou celle de Lumbres dans le Pas-de-Calais.
Le Printemps Français s’est enfin constitué à Nantes dans la hâte, et appelle sur internet à une manifestation sur place le 6 juillet. Des démarches sont en cours aussi du côté ecclésiastique. Il appartient surtout aux Gestois de se mobiliser afin d’empêcher leur maire d’abattre leur belle église. D’autres églises pourraient être menacées dans les environs : ainsi de Saint-Martin de Beaupréau, peu à peu abandonnée par sa paroisse (celle du curé Pouplard), de l’église de Drain près d’Ancenis et de celle de Sainte-Gemmes d’Andigné, que son instance de classement ne protège plus que pour six mois encore.
Avant de partir, votre dévoué serviteur s’est emparé d’un balai de paille, a passé les barrières et est allé faire un coup de ménage symbolique, autour de l’autel, dans les ex confessionnaux et les chapelles, privées (trois) et axiale. En une bonne heure de travail, aucune pierre ne lui est tombée dessus, ce qui veut dire qu’il n’y a qu’une chose qui est en péril à Gesté : le discernement du maire qui se permet de fouler aux pieds et le droit, et les bonnes mœurs. Faire le ménage dans une église en ruines, quelle idée ? Celle, sans doute, de ne pas se laisser abattre : quand l’abus de pouvoir est au pouvoir, la révolte et la résistance sont légitimes. Près de 200 églises sont menacées de destruction en France. L’église de Gesté ne doit pas tomber : ni elle, ni les autres. Ce qui se joue aujourd’hui dans ce petit village du Choletais concerne toute la France, c’est la lutte pour que notre patrimoine d’hier trouve sa place dans la foi et la France de demain. Alors on ne lâche rien.
Source : Breizh Journal
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