Le prêtre et la prière
publié dans couvent saint-paul le 17 juillet 2013
9ème dimanche après la Pentecôte.
Le prêtre et la prière
Dimanche dernier, en m’inspirant du document récent publié le 11 février 2013 par la Congrégation du Clergé, « Directoire pour la vie sacerdotale » le jour même où Benoît XVI renonçait à son pouvoir pontifical, je vous rappelais que le prêtre doit être obéissant à l’Eglise et que cette obéissance doit se manifester en particulier dans le respect des normes liturgiques. Le prêtre doit se conformer aux règles liturgiques. Elles dépendent du pape et des évêques et nullement du prêtre. De plus « Les fidèles ont un vrai droit de participer aux célébrations liturgiques comme le veut l’Église, et non pas suivant les goûts personnels de chaque ministre ou suivant des particularismes rituels non approuvés, expressions de groupes (paroissiaux) ».
Et j’en profitais pour vous dire que le cardinal Ratzinger, avant d’être Pape, s’était élevé fortement contre toutes ces inventions ou adaptations liturgiques. Il reconnaissait toutefois que ce n’était pas tant le texte conciliaire qui était fautif en ce domaine que le texte même de la nouvelle messe, œuvre du Concilium de Mgr Bunigni,. Je ne vous avais pas lu le texte pour ne pas allonger l’homélie…Mais je voudrais vous en donner connaissance aujourd’hui pour la droiture du jugement.
Nous étions à Fontgombault, le 24 juillet 2001, le cardinal disait : le premier point pour une restauration de la paix liturgique dans l’Eglise « serait à mon avis, de rejeter, (du missel nouveau) la fausse créativité qui n’est pas une catégorie de la liturgie…. Dans le nouveau missel nous trouvons assez souvent des formules comme sacerdos dicit sic vel simili modo…ou bien : Hic sacerdos potest dicere…Cette formule du Missel officialise en fait la créativité ; le prêtre se sent presque obligé de changer un peu les paroles, de montrer qu’il est créatif, qu’il rend présent à sa communauté cette liturgie ; et avec cette fausse liberté qui transforme la liturgie en catéchèse pour cette communauté, on détruit l’unité liturgique et l’ecclésialité de la liturgie ». (Autour de la question liturgique p. 180). Si donc cette créativité est inhérente au nouveau missel, si c’est une « fausse liberté », si donc cette libre créativité est nuisible non seulement à l’unité ecclésiale mais même à l’ecclésialité de la liturgie…on comprend mal qu’il puisse parler, six ans après, le 7 juillet 2007 de « la valeur » et de la « sainteté » du nouveau rite. Il nous le demandait pourtant dans sa lettre aux évêques accompagnant le Motu Proprio « Summorum Pontificum. Fort du principe d’identité et de non contradiction qu’il ne peut pas ne pas admettre, le pape Benoît XVI n’a pas pu écrire cela sans raison. Peut-être par la pression de certains épiscopats. C’est ce que j’ai démontré dans mon étude adressé à Mgr de Noia. Pour obtenir de l’épiscopat mondial la reconnaissance du missel tridentin , sa non abrogation, sa légitimité, il a fallu qu’il concède aux cours des nombreuses discussions qui ont entouré l’élaboration du MP, la « sainteté » et la « valeur » du nouveau Missel. Autrement cela aurait été considéré comme une dépréciation de l’œuvre liturgique du Concile Vatican II. Cela aurait été intolérable et il n’aurait pas eu le « placet ». C’est de fait sous la pression des certains épiscopats que Jean-Paul II ne put légiférer dans le sens de Benoît XVI en 1986, alors qu’il était favorable à un retour de la Messe tridentine. Et cela nous le savons grâce au témoignage formel du cardinal Stickler. Benoît XVI résista davantage…mais dut concéder. L’exercice du pouvoir est l’art du possible.
Ceci étant dit, j’avais conclu mon homélie, dimanche dernier, en vous disant que je vous parlerai aujourd’hui, toujours de ce texte de la Congrégation du Clergé dans son enseignement sur « la prière du prêtre ». Ce sujet est traité dans ce document du n° 49 au n° 55.
Le sacerdoce est profondément lié à la prière, enraciné dans la prière puisque c’est dans la prière, au milieu d’une prière intense du Maître qu’il a été institué par le Christ et conféré aux Apôtres. Et le document de citer la longue prière sacerdotale du Christ que saint Jean nous rapporte dans son Evangile. C’est au cours en effet de cette prière du Christ qui se prolongea dans la prière de Gethsémani tendue vers le sacrifice sacerdotal du Golgotha, que le Christ institua le sacerdoce. Le prêtre doit donc se souvenir de son origine. Né de la prière du Christ, il doit vivre de cette prière, dans cette prière, dans la contemplation de l’institution de la saine Eucharistie, gardant sans cesse devant sa pensée le saint Sacrifice de son Maître. Voilà le prêtre : l’homme de Dieu aimant contempler l’œuvre rédemptrice de son Maître. Le prêtre accomplira d’autant mieux son ministère qu’il vivra « dans une union particulière et profonde avec le Christ, le Bon Pasteur qui seul demeure le protagoniste principal de toute action pastorale ». Et je dois dire que lorsque je tire ma cloche tout les dimanches vers 10h15, je contemple le Bon Pasteur avec ses brebis autour de Lui, souhaitant que toujours davantage, des brebis entendent cet appel.
Cette vie de prière doit s’exprimer d’abord dans « la liturgie » et une célébration digne, n’oubliant pas que la finalité liturgique est d’abord et avant tout le chant de la gloire de Dieu. La Liturgie est d’abord « cultuelle » ou elle n’est pas. La vie spirituelle du prêtre s’exprimera dans sa « prière personnelle » qui doit être ce « climat d’amitié et de rencontre personnelle avec le Seigneur Jésus ». C’est à cette seule condition que le prêtre ne sera jamais « un fonctionnaire ». Sa vie spirituelle doit aussi se manifester dans son « style de vie » et dans « la pratique des vertus chrétiennes ». Tous ces éléments contribueront « à la fécondité de son action ministérielle ».
Et notre document de rappeler au prêtre toutes ses obligations : « Il est donc nécessaire que le prêtre organise sa vie de prière pour que n’y manque jamais: la célébration eucharistique quotidienne, unie à une préparation et une action de grâces adéquates; la confession fréquente et la direction spirituelle déjà pratiquée au séminaire ; et la célébration complète et fervente de l’Office divin qui est une obligation, l’examen de conscience ; l’oraison mentale proprement dite ; la lectio divina ; des moments prolongés de silence et de colloque divin, la récitation du chapelet ; le chemin de Croix et les autres exercices de piété ; la fructueuse lecture hagiographique etc. Tout cela « permettra certainement au prêtre de conserver une solide vie de prière » et d’éviter tout activisme inutile et nuisible.
Cette vie spirituelle éloignera du prêtre toute « tiédeur ». C’est pour le prêtre un « joyeux devoir » mais également « un droit des fidèles qui cherchent en lui, consciemment ou inconsciemment, l’homme de Dieu, le conseiller, le médiateur de paix, l’ami fidèle et prudent, le guide sûr à qui se confier dans les moments les plus durs de la vie afin de trouver réconfort et sécurité ».
C’est bien dit. Suit alors une belle citation prise dans le Magistère de Benoît XVI sur le prêtre : « Personne n’est aussi proche de son Seigneur que le serviteur qui a accès à la dimension privée de sa vie. En ce sens, “servir” signifie proximité, exige de la familiarité ». N’est-il pas vrai que la première intention de Jésus fut de convoquer autour de lui des apôtres pour qu’avant tout, « ils demeurent avec lui » (Mc 3,14). Et là, ils l’ont vu sans cesse « prier ». « Toute son activité quotidienne avait son origine dans la prière. Ainsi, il se retirait dans le désert ou sur la montagne pour prier, il se levait tôt le matin et passait la nuit entière en priant Dieu. Toujours le Christ « jusqu’à la fin de sa vie, à la dernière Cène, durant l’agonie et sur la Croix, le Maître divin a montré que la prière animait son ministère messianique et son exode pascal. Ressuscité d’entre les morts, il vit pour toujours et prie pour nous »
« Par conséquent, la priorité fondamentale pour le prêtre est sa relation personnelle avec le Christ Seigneur dans de nombreux moments de silence et de prière pour cultiver et approfondir cette relation ». Notre document a cette très belle phrase : « Le silence du prêtre ne manifeste pas un vide intérieur, mais au contraire la plénitude de foi qu’il porte dans son cœur, et qui guide chacune de ses pensées et chacune de ses actions ». Il doit être comme ND « méditant toutes ces choses dans son cœur »
« De cette manière, et de cette manière seulement, nous dit notre texte, les fidèles verront dans le prêtre un homme passionné du Christ, qui porte en lui le feu de son amour; un homme qui se sait appelé par le Seigneur et est plein d’amour pour les siens ».
Le prêtre ainsi ne connaît jamais la solitude. Il peut dire avec saint Ambroise : « Je ne suis jamais moins seul que lorsque je suis seul ». « C’est ainsi auprès du Seigneur que le prêtre trouvera la force et les instruments pour rapprocher les hommes de Dieu, provoquer la foi, et susciter l’action et le partage ».
« Le prêtre, qui se sait ministre du Christ et de l’Église, qui agit habité par sa passion pour le Christ et met toutes ses forces au service de Dieu et des hommes, trouvera dans la prière, dans l’étude et dans la lecture spirituelle, la force nécessaire pour vaincre également le danger du fonctionnarisme ».