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France : vers une crise de régime ?

publié dans regards sur le monde le 19 juillet 2013


 

Lu sur Correspondance européenne | 270,

Très saine analyse

 

 

France : vers une crise de régime ?

A peine un an après son élection, François Hollande est confronté à une crise politique gravissime. Cette crise est nourrie par l’aggravation de la crise économique, l’augmentation du chômage, l’alourdissement des impôts et de la dette publique. Depuis un an, la majorité a perdu les huit élections législatives partielles qui ont été organisées.

A plusieurs reprises, notamment dans l’Oise, dans le Lot-et-Garonne et chez les Français installés en Méditerranée orientale, le PS a été éliminé dès le premier tour. Assurément, cette impopularité du gouvernement est un phénomène usuel depuis 1981. Cependant, l’impopularité actuelle du président et de son gouvernement n’est pas une impopularité ordinaire. Elle est aggravée par la crise de confiance qui vise, de manière générale, le système politique et médiatique en place.

L’entêtement du gouvernement à faire adopter, à marches forcées, la loi dénaturant le mariage, a suscité une profonde colère dans une partie de la population, ulcéré de voir le gouvernement accordé plus d’importance à quelques associations hyper-subventionnées, qu’à l’avis exprimé par des millions de Français. Au sein des esprits s’impose l’idée, redoutable, que ceux qui les gouvernent les méprisent. Ce sentiment est nourri par le traitement infligé par le Conseil économique et social à la pétition, signée par sept cent mille personnes, qui lui avait été adressée par les adversaires du projet de loi Taubira, pétition qui ne fut même pas examinée. L’affaire du « mur des cons », impliquant quelques semaines plus tard le Syndicat de la Magistrature, a dangereusement renforcé cette conviction propice aux réactions les plus vives.

Face à la loi Taubira dénaturant le mariage, une résistance d’une ampleur insoupçonnée s’est organisée depuis l’automne dernier, marquée notamment par les trois grandes manifestations des 13 janvier, 24 mars et 26 mai. Si la manifestation du 24 mars est celle qui a mobilisé le plus de monde (environ un million et demi de manifestants), la manifestation du 26 mai demeure la plus intéressante : ce jour-là, huit cent mille personnes environ ont manifesté contre une loi déjà promulguée, faisant sauter le verrou du légalisme. Ces manifestants ont ainsi rappelé, dans la lignée d’Antigone et de S. Augustin, qu’une loi injuste n’est pas une loi. A cet égard, dans un entretien accordé à « Famille Chrétienne », et repris par le Salon Beige et par Riposte catholique, le cardinal Burke a encouragé les Français à continuer à manifester pour dénoncer l’injustice de cette loi contraire au droit naturel. Il leur a promis le soutien de l’Eglise. En marge de ces grandes manifestations, des initiatives quotidiennes de protestation sont menées contre le gouvernement par des jeunes catholiques très motivés : qu’il s’agisse des soirées pacifiques des « Veilleurs », des opérations plus spectaculaires des « Homens », des comités d’accueil organisés, systématiquement, lors des déplacements des ministres, des manifestations organisées devant les commissariats et les palais de justice pour protester contre la répression policière qui frappe les manifestants.

Depuis les incidents survenus sur l’avenue des Champs Elysées lors de la manifestation du 24 mars, la répression policière, orchestrée par le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, s’est petit-à-petit accrue. Ainsi plus d’un millier de manifestants pacifiques ont été abusivement arrêtés, ce qui a permis au service de police de compléter ses fiches ; plusieurs centaines ont été détenus en garde à vue pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures ; d’aucuns ont été verbalisés pour avoir arboré le « sweat » de « La Manif pour tous » ; parmi eux, quelques-uns ont même été arrêtés illégalement ; sans parler des manifestants tabassés par des policiers en civil, sans parler du rôle trouble joué par certains policiers en civil lors des manifestations pour susciter des troubles, sans parler des nombreuses infractions commises par la police lors des gardes-à-vue. Ces infractions ont d’ailleurs été publiquement dénoncées par les jeunes avocats (Me Pichon, Me Triomphe, Me Yon…) qui bataillent presque quotidiennement dans les commissariats, dans une ambiance très tendue, pour faire respecter les droits de la défense.

Cette répression a pris un tour nouveau avec l’incarcération d’un jeune militant angevin, Nicolas Bernard-Buss, arrêté sur les Champs Elysées dans la soirée du 16 juin, tabassé par la police, et condamné injustement trois jours plus tard à deux mois de prison ferme, peine appliquée immédiatement malgré l’appel interjeté par son avocat. Depuis lors, les manifestations de soutien se multiplient, dénonçant le détournement des moyens de la Justice à des fins de répression idéologique. Certaines comparaisons viennent renforcer la colère de la population : tandis que Nicolas, militant pacifique, a été condamné à deux mois de prison, les dix-neuf voyous qui ont pris d’assaut en mars dernier le RER D, avant d’en rançonner les voyageurs qui s’y trouvaient, n’ont pas été emprisonnés, par plus que ceux qui ont saccagé le 11 mai dernier le quartier du Trocadéro après la victoire du PSG.

De même, les militants antifascistes qui ont commis des déprédations lors d’une manifestation le 23 juin à Paris n’ont pas été inquiétés, ce qui tend d’ailleurs à accréditer l’idée d’une connivence entre ces milieux d’extrême-gauche et les services du ministère de l’intérieur. Mais finalement Nicolas a été libéré le 9 juillet par un arrêt de la Cour d’Appel qui a modifié le jugement rendu en première instance.

La violence de cette répression montre que la République, en France, lorsqu’elle est acculée et qu’elle se sent fragilisée, ne recule devant aucun procédé pour assurer sa conservation. L’histoire politique des deux derniers siècles en offre de nombreux exemples. Sans remonter jusqu’aux crimes de la Convention et aux coups d’Etat répétés du Directoire, rappelons, en nous limitant à la Ve République, de quelle manière le général de Gaulle et ses partisans ont étouffé l’opposition qui se dressait contre l’abandon de l’Algérie, instituant des juridictions d’exception, expédiant les fameux barbouzes éliminer physiquement les opposants les plus dangereux, ordonnant de tirer contre des manifestants (fusillade de la rue d’Isly, 23-III-1962), ou abandonnant à leur sort les pieds-noirs et les harkis traqués par les militants du FLN (massacres d’Oran, 5-VII-1962).

Plus près de nous encore, l’élection présidentielle de 2002 a montré les ressources dont disposait le système politique et médiatique pour interdire, entre les deux candidats placés en tête par le peuple souverain, le débat et la compétition loyale qui auraient dû marquer une élection démocratique. Le 5 mai 2002, Jacques Chirac a été réélu face à Jean-Marie Le Pen avec un score de république bannière pour avoir usé de certaines des méthodes habituelles des républiques bannières (manifestations de rues, mobilisation massive des réseaux syndicaux et associatifs, désinformation médiatique massive). Si ces méthodes avaient été utilisées dans un pays d’Afrique ou d’Amérique latine et non en France, la communauté internationale n’aurait pas manqué de s’émouvoir et de protester. A chaque fois, face à la contestation, le régime tombe le masque. Il n’est plus question alors de libertés, de justice et d’Etat de Droit. Il n’est plus question « d’être à l’écoute » de la population mais d’imposer silence, coûte que coûte, à ceux, qui, au sein de la population refusent de s’incliner devant cette entreprise de régénération idéologique dont le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, a rappelé l’actualité dans un ouvrage récent intitulé : La Révolution française n’est pas terminée.

Aujourd’hui, la violence de la répression, loin de décourager les manifestants, ne fait qu’accroître leur détermination. Elle suscite d’ores et déjà l’inquiétude des instances internationales. Le Conseil de l’Europe, à l’initiative du groupe du PPE, s’est saisi de ces infractions graves et répétées aux règles juridiques, recueillant les récits d’une centaine de manifestants victimes depuis la fin du mois de mars de violences policières. L’O.N.U., à Genève, s’est également saisi de la question. Dans de nombreux pays étrangers, notamment aux Etats-Unis, s’inquiètent de la violence croissante de la répression policière en France.

En fait, cette répression est le terrible aveu de la faiblesse d’un gouvernement fragilisé, dont la crispation idéologique creuse chaque jour davantage le fossé qui sépare le pays réel du pays légal. La crise ouverte est profonde. Elle n’est pas une crise ordinaire. Le manque de crédibilité de l’opposition parlementaire, complètement débordée par la contestation, empêche de résoudre cette crise par l’alternance classique. Ne nous voilons pas la face : la France n’est pas confrontée à une crise politique ordinaire mais à une véritable crise de régime dont personne ne sait aujourd’hui comment elle se résoudra. (P.P.B.)

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