François comme Janus ?
publié dans nouvelles de chrétienté le 14 octobre 2013
De notre correspondant auprès du Saint-Siège
François comme Janus ?
La popularité du pape ne se dément pas. Ni dans les médias ni dans les rues.
Pourtant, comme le relevait Jeanne Smits ce jeudi, l’évêque de Rome a pris tout son monde à contre-pied lors de son voyage à Assise, le 4 octobre. Ce pape qui, dans l’entretien donné aux revues jésuites du monde entier, s’est plu à affirmer qu’il n’a jamais été « de droite », n’a prononcé sur les terres de saint François aucune de ces phrases qui mettent en émoi les salles de presse pas plus qu’il n’a accompli de geste susceptible de faire l’ouverture des journaux télévisés du soir. Non, là où Jean-Paul II avait profondément ébranlé la catholicité en 1986, laissant croire par sa prière interreligieuse pour la paix que toutes les religions « seraient de même nature et convergeraient également vers le bien » comme l’écrivait Jean Madiran en janvier 2011, le pape François s’en est tenu à la plus grande orthodoxie catholique.
A Assise, symbole du syncrétisme et du pacifisme mou, le pape a attiré l’attention sur la recherche et l’adoration de Jésus, présent et caché dans l’Eucharistie ; il a mis en garde contre la fausse paix franciscaine qui n’est ni « un sentiment doucereux » ni « une espèce d’harmonie panthéiste avec les énergies du cosmos » ; enfin, il a invité les chrétiens à se dépouiller « du péril de la mondanité » car il « porte à la vanité et à l’orgueil » et a rappelé avec force que « l’esprit du monde est l’ennemi de Jésus ». Les paroles sur la présence réelle de Jésus dans l’Eucharistie et celles sur l’esprit du monde sont d’autant plus significatives qu’elles ont été prononcées alors que le pape – devant les enfants handicapés dans le premier cas et au milieu des nécessiteux dans le second – avait résolument choisi de s’éloigner du texte officiel diffusé à la presse.
Comme l’a relevé le bulletin de presse du Saint-Siège, François s’est même permis de chambrer explicitement les médias qui, comme La Croix, l’imaginaient poser des gestes novateurs lors de cette visite. Cela s’est passé dans la salle où saint François, devant son père, se dépouilla de ses biens et de ses vêtements pour s’offrir au Père céleste : « Là le pape François, écrit le bulletin du Saint-Siège, le premier pape à visiter cette salle, a retrouvé les pauvres assistés par la Caritas. Improvisant de nouveau, il a évoqué la presse qui n’a cessé ces derniers temps d’annoncer qu’en ce lieu il aurait dépouillé l’Eglise : “Mais de quoi le pape pourrait donc dépouiller l’Eglise ? Des vêtements du pape, des cardinaux et des évêques !” Il se dépouillera lui-même, assuraient certains journalistes. “Mais l’Eglise, c’est nous, tous les baptisés, qui devons suivre le chemin de Jésus, un chemin de dépouillement jusqu’à l’humiliation de la croix. Pour être vraiment des chrétiens, il n’existe pas d’autre voie.” »
Au clergé et aux religieux, le Saint-Père a même livré une synthèse très claire et très traditionnelle de ses prédications en la ville de saint François : « Voilà, chers amis. Je ne vous ai pas donné de nouvelles recettes. Je n’en ai pas et ne croyez pas ceux qui prétendent en avoir : il n’y en a pas. »
Après avoir donc flatté les médias durant tout le mois de septembre (entretien aux jésuites et correspondance avec le fondateur de Repubblica), François leur a donc joué un tour à sa façon en refusant de leur donner ce qu’ils promettaient à leurs lecteurs et en le leur disant clairement.
Il n’empêche que, plus passent les semaines, plus le rapport entretenu par le pape avec la presse est indéchiffrable. Un peu comme si le Saint-Père avait, si ce n’est deux visages comme Janus, du moins deux discours : le premier qui enfile les bons sentiments et les banalités, faisant se pâmer journalistes et vedettes (1) ; le second qui rappelle et illustre les vérités de la foi sans sourciller. Le meilleur, ou pire, exemple de cette dualité ayant été donné par la phrase du pape sur l’avortement dans son entretien aux revues jésuites : « Nous ne pouvons pas insister seulement sur les questions liées à l’avortement, (…) il n’est pas nécessaire d’en parler en permanence. » Cette phrase a donné lieu, dans le monde entier, le 19 septembre dernier, à des gros titres sur « L’Eglise obsédée par l’avortement ». Le lendemain, devant la Fédération internationale des médecins catholiques, le pape déclarait : « Chaque enfant non né, mais condamné injustement à être l’objet d’un avortement, a le visage de Jésus-Christ, a le visage du Seigneur. »
Le problème de ce double discours pontifical, déformation jésuitique diront certains, c’est que bon nombre de catholiques ne perçoivent la parole du Saint-Père qu’à travers les médias : ils n’ont donc accès qu’au pape version dalaï-lama ou candidat au Nobel de la paix et pas à l’enseignement du Pasteur suprême de l’Eglise, conforme à celui de ses prédécesseurs.
A Assise, le pape a demandé avec insistance à ce que les fidèles prient pour lui. Prions donc pour que le voile de confusion qui pèse sur ce début de pontificat soit vite levé.
Guillaume Luyt
(1) Un parmi d’autres : le chanteur homosexuel Elton John confiait cet été à l’édition italienne de Vanity Fair qu’il voyait dans l’évêque de Rome « la meilleure nouvelle pour l’Eglise catholique depuis des siècles »…