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“Le Monde” se met à la philosophie

“Le Monde” se met à la philosophie

publié dans flash infos le 28 octobre 2009


Jean Madiran se moque du Monde dans Présent du Jeudi 29 octobre 2009

 « Sans doute pour faire concurrence aux magnifiques « hors série » du Figaro, voici que Le Monde vient d’éditer un « hors-série jeux » : 330 jeux et quiz, pour nous faire connaître la philosophie sans douleur.

 

 Distribution : quatorze pages pour « La philosophie antique » depuis Héraclite jusqu’à… saint Augustin ; douze pour les « XVIIe et XVIIIe siècles», dix-sept pour « La philosophie moderne » ; douze pour « La philosophie contemporaine ». Et pour « Le Moyen Age et la Renaissance », trois seulement. Puisque « test » il y a (« connaissezvous la philosophie ? »), quel test !
Et d’un.

Et de deux, comme on pouvait d’ailleurs s’y attendre : la « philosophie contemporaine », qui va ramasser jusqu’à Deleuze, Foucault, Bourdieu, ne connaît ni Maritain, ni Gilson, ni bien sûr De Corte. Pourtant Maritain… ? Et Gilson, qui a écrit dans Le Monde ? Aussi indignes tous les deux, aussi inexistants qu’un De Corte.

Troisième test : saint Thomas. Nous y apprenons qu’à son « époque », voici qu’« émergent les fameuses preuves de l’existence de Dieu ». Patatras, Le Monde n’en cite qu’une, et c’est celle qui est bien connue pour appartenir à  saint Anselme, presque deux siècles (192 ans) avant saint Thomas. C’est l’« argument ontologique », résumé en un quatrain, bien connu lui aussi, de Sully Prudhomme : Anselme, ta foi tremble, et la raison l’assiste / Toute perfection en ton Dieu se conçoit / L’existence en est une, il faut donc qu’il existe / Le concevoir parfait c’est exiger qu’il soit. Or justement cet argument ne vaut rien comme « preuve », saint Thomas l’a pulvérisé. Que Le Monde le lui attribue néanmoins, voilà qui est nouveau. Mais comment une telle bourde est-elle possible ? Bien sûr on peut ne pas connaître ce qu’il en a dit dans son traité de la vérité, ou dans son commentaire des Sentences, ou encore dans la Somme contre les Gentils. Mais il n’y avait pas besoin d’aller bien loin dans la Somme théologique pour le savoir, on la rencontre dès le début, dans l’article premier de la seconde question. Quand on n’est même pas allé jusque là, comment peut-on se permettre d’écrire sur saint Thomas ?

 Les auteurs de tels «textes » sont principalement deux. L’une est « professeure » (sic) agrégée de philosophie, l’autre est également « professeure » (re-sic), elles ont travaillé « avec l’aimable collaboration de Pierre Teitgen » qui est lui aussi « professeur agrégé de philosophie ». Leurs partialités, leurs ignorances, feintes ou réelles, sont moins graves, finalement, que leur attentat contre la langue française.

 Cet attentat a pour premier responsable Eric Fottorino, le directeur du Monde. Il est en effet devenu obligatoire, dans ce journal, d’écrire « auteure » quand l’auteur est une femme, et de même « professeure », et ainsi de suite, conformément au décret arbitraire d’un gouvernement Jospin, Chirac étant président. Il leur parut qu’une femme devait se sentir offensée quand elle recevait un titre énoncé au masculin (selon l’usage, par exemple, des tribunaux, où l’on s’adresse à « Madame le Président »). Une telle méconnaissance de la langue française est au niveau de l’analphabétisme. Avec un tel principe, un homme devrait alors se sentir offensé d’être appelé une star, une lumière, une éminence ou une majesté, une sentinelle, une forte tête, une vedette ? Eric Fottorino ne serait plus une personnalité, mais un personnalit, un vedet, un vrai sentinel de l’actualité ; son journal, qu’il tient pour un merveil, serait dirigé par un vrai star, le têt du combat pour l’éminente dignité du person humain.
JEAN MADIRAN

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