Vous souvenez-vous du rêve de Dakar
publié dans nouvelles de chrétienté le 9 septembre 2014
Vous souvenez-vous du rêve de Dakar ?
Abbé Simoulin, fsspx – Le Seignadou – septembre 2014
Vous souvenez-vous du « rêve de Dakar » ?
Vous souvenez-vous de cette croisade lancée par Mgr Lefebvre dans le sermon de son jubilé sacerdotal le 23 septembre 1979 ?
Si j’osais, je dirais que la ferveur et l’enthousiasme d’alors étaient trop beaux pour durer ! Et nous avons connu, depuis, bien des agitations. C’est pourquoi, j’aimerais vous inviter à réveiller ces souvenirs, pour que nous n’oubliions pas que l’âme de notre attitude dans l’Église est une position de fidélité, de préservation et de construction avant d’être une attitude de résistance. L’un ne va pas sans l’autre, bien sûr, mais il est temps, je crois, de remettre de l’ordre dans nos esprits afin de retrouver un véritable esprit apostolique, dans cette belle unité qui faisait et fera notre force. Et c’est, évidemment, vers celui qui nous a donné la seule référence défendable qu’il nous faut revenir : Mgr Lefebvre.
Il est facile de faire dire au Monseigneur des batailles tout et le contraire de tout, mais il est très imprudent, ce serait même de l’impiété que d’oublier le Monseigneur secret, celui qui n’a pas varié, silencieux mais toujours agissant aux heures calmes comme à l’heure des grands combats, et qui s’est pourtant manifesté à bien des reprises. Certes, il y a le Monseigneur des batailles, celles du Concile, et celles auxquelles il sera contraint de 1974 à 1988. Mais il y a surtout le Monseigneur oublié, celui qui a précédé et animé ces batailles, celui du « rêve de Dakar », qui recèle et nous révèle le cœur de Monseigneur, le grand Monseigneur de la belle Croisade ! Vous avez oublié le Monseigneur du « rêve de Dakar » ? Vous avez oublié la « Croisade » ?
Et pourtant tous les prêtres de la Fraternité possèdent un recueil intitulé « Cor Unum » qui rassemble les « Lettres et avis aux membres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X » donnés par Mgr de 1970 1989. J’ose espérer que personne n’osera contester les termes de la préface de Mgr Fellay :
« Quels trésors de prudence, de sagesse renferment les lignes qui suivent. On y voit en même temps l’histoire de la Fraternité et l’esprit de Monseigneur Lefebvre tout vivant; cet esprit est bien celui qu’il voulait nous insuffler, et, toujours si actuel, l’esprit de la Fraternité qui doit inspirer chacun de ses membres.
Que ce livre soit un de ces livres aimés auxquels on revient toujours; qu’on y puise, qu’on le médite souvent; c’est là un vœu et un désir très cher que nous adressons à chacun des membres de la Fraternité Saint-Pie X,
Qu’au contact de ces lignes, nous buvions aux sources d’eau vive de l’esprit sacerdotal qui animait Monseigneur Lefebvre; que par elles, lui-même continue de former cette génération de prêtres zélés, dévoués, enflammés de l’amour de Notre-Seigneur qu’il entendait donner à l’Église. Nous touchons ici la quintessence de la Fraternité.
Tout imprégnés de cet esprit, nous contribuerons – nous en sommes certains – efficacement à la restauration du sacerdoce, au salut des âmes, à l’honneur de notre sainte mère, l’Église catholique romaine. »
Et pourtant, il existe aussi un recueil de textes publié sous le titre « la sainteté sacerdotale », et dont le Courrier de Rome du mois de juin a eu l’heureuse idée de publier des pages importantes et magnifiques (p. 472-481).
Et pourtant, tous les fidèles possèdent, ou devraient posséder, son « Itinéraire spirituel » que tous devraient relire de temps à autre. Souvenons-nous, au moins, de l’essentiel de sa préface :
« Si l’Esprit-Saint permet que je rédige les quelques considérations spirituelles qui suivent, avant d’entrer, s’il plaît à Dieu, dans le sein de la Bienheureuse Trinité, il m’aura permis de réaliser le rêve qu’Il m’a fait entrevoir un jour dans la cathédrale de Dakar: devant la dégradation progressive de l’idéal sacerdotal, transmettre, dans toute sa pureté doctrinale, dans toute sa charité missionnaire, le sacerdoce catholique de Notre Seigneur Jésus-Christ, tel qu’II l’a transmis à ses apôtres et tel que l’Eglise romaine l’a transmis jusqu’au milieu du XXème siècle.
Comment réaliser ce qui m’apparaissait alors comme la seule solution de renouveau de l’Eglise et de la Chrétienté ? C’était encore un rêve, mais dans lequel m’apparaissait déjà la nécessité, non seulement de transmettre le sacerdoce authentique, non seulement la « sana doctrina » approuvée par l’Eglise, mais l’esprit profond et immuable du sacerdoce catholique et de l’esprit chrétien lié essentiellement à la grande prière de Notre Seigneur qu’exprime éternellement son sacrifice de la Croix.
La vérité sacerdotale est en dépendance totale de cette prière; c’est pourquoi j’ai toujours été hanté par ce désir de désigner les voies de la vraie sanctification du prêtre selon les principes fondamentaux de la doctrine catholique de la sanctification chrétienne et sacerdotale….
C’est parce que le règne de Notre Seigneur n’est plus au centre des préoccupations et de l’activité de ceux qui sont nos « praepositi » qu’ils perdent le sens de Dieu et du sacerdoce catholique, et que nous, nous ne pouvons plus les suivre. »
Tel était le grand Monseigneur, le Monseigneur caché, secret et véritable : celui du « rêve de dakar », qui se cache sous le Monseigneur des batailles et anime ces batailles pour la foi, pour l’Église, pour le sacerdoce, pour la Messe.
Nous pourrions ajouter encore ses dernières conférences aux séminaristes, en 1990 et 1991. Les thèmes en sont étonnants, mais ne peuvent étonner que ceux qui oublient que « le but de la Fraternité est le sacerdoce et tout ce qui s’y rapporte et rien que ce qui le concerne », et que le titre véritable de la Fraternité est celui de « Fraternité des Apôtres de Jésus et de Marie ».
Durant la Semaine Sainte de 1990, Mgr avait prêché aux séminaristes en retraite sur les serments que nous faisons avant les ordinations : la profession de foi catholique, la profession antimoderniste et le serment de fidélité, ainsi que la déclaration de fidélité aux positions de la Fraternité. C’est cette démarche qu’il évoquait encore dans sa préface à l’Itinéraire spirituel :
« C’est à vous particulièrement que s’adresseront les quelques pages qui vont suivre, vous prêtres et séminaristes de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, vous qui, en ce jour, renouvelez vos engagements dans cette société catholique et romaine, approuvée officiellement par les ordinaires des lieux et par les autorités romaines. »
Puis, en février1991, ce furent ses dernières conférences qui ont été publiées ensuite et diffusées dans notre « Lettre aux anciens ». Quels en furent les thèmes ? Ni la condamnation des erreurs modernes, ni le combat contre la nouvelle messe, ni la critique de Rome, du Pape ou de je ne sais qui mais, plus sacerdotalement : « Quelques remarques liturgiques » et « Dispositions pour l’apostolat ».
Fidèle jusqu’au bout à son « rêve de Dakar », il nous a laissé comme testament la fidélité à nos engagements, le culte liturgique, le culte de l’autel, et l’esprit apostolique. Le rêve de Mgr n’était pas de pourfendre les hérétiques, mais de transmettre ce qu’il avait reçu.
La Fraternité est née de ce rêve, et nous sommes tous les enfants de ce « rêve », héritiers de ce « rêve » devenu réalité et auquel Monseigneur a consacré ses dernières années et ses dernières forces, alors que l’heure avait sonné pour lui d’une paisible retraite, rêve pour lequel il a accepté d’être mis au ban de l’Église.
Tous, nous avons cela en mains, tous nous savons l’itinéraire que nous devons suivre pour servir l’Église et demeurer fidèles à sa Tradition. Ne l’oublions pas, et, si c’est nécessaire, remettons au centre de notre cœur ce qui animait celui de notre fondateur, sans nous épuiser et nous diviser dans des querelles stériles et sans fin. « Il nous faire une croisade ! Nous devons faire une croisade, appuyée sur le Saint Sacrifice de la messe, sur le Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, appuyée sur ce roc invincible et sur cette source inépuisable de grâces qu’est le Saint Sacrifice de la messe. » Hors de cet esprit, il n’y a pas de fidélité possible à l’esprit de Monseigneur, et ceux qui divisent nos rangs ne peuvent se dire ses héritiers.
Et si nous devons exiger quelque chose de nos prêtres, ce n’est pas que chacun d’entre eux s’exerce à résoudre la crise de l’Église, ou qu’il soit un expert en condamnation de toutes les erreurs en vogue, mais qu’il soit un de ces « apôtres de Jésus et de Marie » que Mgr Lefebvre voulait donner à l’Église, un apôtre fidèle à l’esprit de sa croisade, un expert de la grâce et de la foi, un expert de la liturgie, de la Messe et de l’Eucharistie, un conquérant à la recherche des âmes à convertir et à sauver !
Tâchons au moins de ne pas oublier la conclusion de l’Itinéraire spirituel :
« La Romanité n’est pas un vain mot…Aimons scruter comme les voies de la Providence et de la sagesse divine passent par Rome et nous conclurons qu’on ne peut être catholique sans être romain… Dieu a voulu que le Christianisme, coulé en quelque sorte dans le moule romain, en reçoive une vigueur et une expansion exceptionnelle. Tout est grâce dans le plan divin et notre divin Sauveur a tout disposé, comme il est dit des Romains « cum consilio et patientia » ou « suaviter et fortiter » !
A nous aussi de garder cette Tradition romaine voulue par Notre-Seigneur, comme Il a voulu que nous ayons Marie pour Mère.»