Immanence et transcendance.
publié dans couvent saint-paul le 14 novembre 2009
Prédication pour le 23ème dimanche après la Pentecôte
MBCF,
Au temps de saint Paul, et c’est encore le cas aujourd’hui, il y a ceux qui marchent en ennemis de la Croix de Jésus – inimicos crucis Christi – et ceux dont les noms sont dans le livre de vie – quorum nomina sunt in libro vitae –
Et l’intérêt de ce passage de cette Epître de Saint Paul aux Philippiens, c’est qu’il prend le temps de définir ces deux catégories de personnes. Il prend le temps de les décrire.
Quels sont ceux qui marchent en ennemis de la Croix du Christ ? Comment les décrit-il ?
« Ils ont pour dieu leur ventre, ils mettent leur gloire dans ce qui est leur honte et leurs pensées sont pour la terre ».
Tels sont ceux qui marchent en ennemis de la Croix.
« Ils ont pour dieu leur ventre »
Si je me souviens de ce qu’est Dieu, je peux mesurer quelle attention ceux-ci portent à « leur ventre ».
En soi, Dieu est tout. Il est le Tout Puissant. Il est le Maître absolu de toutes choses. Il est le « Seigneur et Maître ». Il est le Principe et la Fin de toutes choses. Il est l’Etre même qui ne dépend de rien d’autre que de Lui-même. Il est l’Absolu. Il est par Lui-même, de toujours, pour Lui-même. Il n’ a d’autre raison d’être que Lui-même. S’Il crée, Il crée pour Lui-même, pour sa Gloire. S’il se communique « ad extra » c’est pour Lui, pour sa Gloire. Il est Celui qui par sa Toute Puissance soutient toutes choses dans l’être. Il est Provident, la Providence pour tout le créé.
Si la notion de Dieu implique ces qualités, ces propriétés, cette définition, et si ceux qui marchent en ennemis de la Croix du Christ prennent pour « dieu » leur ventre, c’est qu’ils font de leur « ventre » le tout de leur vie. C’est qu’ils font de leur « ventre » le maître absolu de leur existence. Ils en font le « seigneur et maître », le principe et la fin de leur vie. Leur « ventre » est l’être même, « subsistant » pour lui-même, dépendant de rien d’autres que de lui-même. Il est, pour eux, l’absolu, le centre de toutes choses. Tout se réfère à lui, c’est-à-dire, tout est relatif à lui. Tout se rapporte à lui. Il « focalise » tout, le tout de l’existence. Il est la mesure de tout. Tout n’existe que par lui, pour lui, en référence à lui. Leur « ventre » est leur maître. Ils sont, ils vivent en totale subordination à leur « ventre ». Ils sont le « jouet » de leur « ventre » comme l’être créé peut se définir le « jouet » de Dieu.
Mais qu’est-ce donc que ce « ventre » ? Quelle est sa définition ?
Ce « ventre », c’est, au-delà du biologique, le centre de l’être, le milieu de la personne. Il définit la « raison d’être » de ces personnes qui vivent en ennemis de la Croix du Christ. Ce « ventre », c’est la raison d’être de ces personnes. Elles ne vivent que pour cela. Cette « relation » est exclusive de toute autre. Dieu, l’Être même, « le Trois Fois Saints » n’est plus la fin de leur existence, en aucune manière. Leur « finalité » exclusive, c’est leur « ventre ». C’est la « terre ». C’est la « matière ». On parlera en ce sens du « matérialisme ». C’est le « charnel ». On parlera en ce sens de « civilisation charnelle », pour ne pas dire « carnalisée » qui conduit au feu éternel. Le « ventre », c’est le temporel. C’est ce qui est « immanent ». Cette « immanence » est leur dieu. Il n’y a plus rien de « transcendant » en leur pensée, en leur vie, en leur désir. Il n’y a plus rien de « spirituel » en leur univers. Rien ne les captive, ne les passionne que ce qui est « immanent », d’en bas, terrestre. L’au-delà les laisse indifférent ; sans vie, amorphe. Ils ne vivent que pour la terre. Leur horizon, c’est la terre. Ils oublient leur âme, la partie spirituelle de leur être. Ils oublient qu’elle est éternelle et pour l’éternité. Ils ne vivent que pour leur « ventre », que pour la terre. Après ? Apparemment, ils s’en « foutent » ? Apparemment. Mais demain il sera trop tard pour préparer son âme à paraître devant le juste Juge ! Ils oublient Dieu. «Leur dieu c’est leur ventre ». Ils n’ont de pensée que pour la terre. « Leurs pensées, comme le dit saint Paul, sont pour la terre ». Ils vivent, vous dis-je, dans l’immanence.
L’immanence ? C’est un beau mot. Il vient du latin : « in –manere » : « rester dans », « demeurer dans ». Ils restent uniquement – c’est leur définition – dans les pensées de la terre. Ils ne peuvent ni ne veulent s’élever au-delà.
Et c’est bien le drame de notre siècle, de notre pays. En raison de cette immanence voulue, pensée, ils sont infidèles à tout un patrimoine, le patrimoine « spirituel », la patrimoine des Saints. Ce sont les Saints, les moines, les évêques, les Rois qui ont fait la France. Le baptême de Clovis est réalisé par saint Remi à Reims. Ces saints personnages, ce baptême et bien d’autres choses encore… ont donné à la France « la Transcendance », le goût de la Transcendance.
Immanence. Transcendance.
Deux mots qui définissent deux mondes, deux civilisations.
La « transcendance », du latin « trans – cendere » « ascendere » . Ce mot veut dire « conduire au-delà, « nous porter au-delà ». Transcendance. Nous porter au-delà de nous-même, au-delà de notre être, de notre simple univers, au-delà de notre propre pensée.
L’immanence est la caractéristique de ceux dont la pensée est pour la terre, exclusivement, de ceux dont la pensée est pour la terre, qui font leur dieu de leur « ventre », « qui mettent leur gloire dans ce qui est leur honte ». L’immanence, la « terre », leur propre et unique référence, est leur seule raison d’être.
La Transcendance, par contre, est la caractéristique, le trait, de ceux dont la vie est précisément le ciel, dans le ciel, dans l’au-delà. L’au-delà, Dieu sont précisément leur référence, leur raison d’être, leur idéal, leur définition. C’est ce qu dit Saint Paul : « Quant à nous – nous qui ne vivons pas en ennemis de la Croix du Christ – notre vie est dans le ciel – nostra conversation autel in coelis est – d’où nous attendons comme Sauveur, notre Seigneur Jésus-Christ qui transformera notre corps d’humiliation en le rendant semblable à son coprs glorieux par le pouvoir qu’Il a de s’assujettir toutes choses ».
Voilà le chrétien, celui qui vit en ami de NSJC, en ami de la Croix du Christ. Il vit dans l’amour de la Transcendance, dans l’amour de l’au-delà, dans l’amour et l’espérance du Ciel, de Dieu, de NSJC glorifié.
L’immanence est « terrestre ».
La transcendance « céleste ».
Le « terrestre », c’est la finitude, c’est l’éphémère, c’est le passager. C’est ce qui se détruit, c’est le « compost ». C’est finalement la tristesse. « Bonjour tristesse » disait, je crois Françoise Sagan. Il engendre la tristesse, le suicide. Il ne vit que pour la terre. Il échoue. Il se supprime. De Dieu, il n’en n’a cure, sauf peut-être avant le choc final…
Le « céleste », c’est l’éternel, c’est l’indestructible, c’est la joie, c’est l’espérance.
Et voilà pour quoi saint Pierre, dans sa 1ère Epître, a cette merveilleuse envolée décrivant le ciel, l’éternel, a ce merveilleux chant de bénédiction : « Béni soit Dieu, le Père de NSJC qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés pour une vivante espérance, par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour un héritage incorruptible, qui ne saurait ni se souiller ni se flétrir, héritage conservé dans le ciel pour vous, que la puissance de Dieu garde par la foi pour le salut…Dans cette pensée, vous tressaillez de joie, bien que maintenant, s’il le faut, vous soyez pour un peu de temps, affligés de diverses épreuves afin que votre foi ainsi éprouvée, plus précieuse que l’or périssable bien qu’on l’éprouve par le feu, vous soit un sujet de louange, d’honneur et de gloire au jour de l’avènement de Jésus-Christ, ce Sauveur que vous aimez sans l’avoir vu et en qui maintenant, croyant en Lui sans le voir encore, vous tressaillez d’une joie ineffable et glorieuse parce que vous allez remporter le prix de votre foi, le salut de vos âmes »
Et sain t Paul de conclure : « C’est pourquoi, mes frères très aimés et très désirés qui êtes ma joie et ma couronne, demeurez ainsi fermes dans le Seigneur » « State in Domino ». « State in fide ». Demeurez attachés à la Transcendance. Fuyez l’immanence, caractéristique de ce monde contemporain, et, sous ce rapport, monde de corruption, monde démoniaque et qui travaille pour l’enfer. Il est remarquable de constater que beaucoup de chants modernes sont souvent des incantations au démon.
Vous demeurez attachés au Seigneur. « Nostra conversatio in coelis est ». C’est votre originalité dans ce monde. Bienheureuse originalité. Amen!