Le chemin de l’unité
publié dans regards sur le monde le 17 novembre 2009
La Constitution apostolique pour les Anglicans
« Anglicanorum coetibus »Le chemin de l’unité
Le Saint-Siège a publié le lundi 9 novembre 2009, la Constitution apostolique « Anglicanorum coetibus » permettant la création d’ordinariats personnels pour les anglicans désirant entrer dans la communion de l’Église catholique.
A- Présentation et commentaire
Cette lettre apostolique est d’une importance capitale pour la vie de l’Eglise parce qu’elle s’inspire d’un juste œcuménisme, celui qu’exprimait Pie XI dans son encyclique « Mortalium animos » et qu’a en horreur Hans Küng (cf article du Regard sur le monde du 29 octobre 2009). Elle est très importante aussi non seulement pour les anglicans qui veulent « entrer » dans « la pleine communion de l’Eglise catholique » mais également pour la Fraternité sacerdotale saint Pie X. Lorsque les Autorités de cet institut sacerdotal voudront bien – enfin – « normaliser » leur situation avec Rome, il est certain que Rome leur proposera cette structure canonique de « l’ordinariat personnel ». C’était la solution que Mgr Lefebvre suggérait aux autorités romaines dans sa lettre du 21 novembre 1987 remise au cardinal Gagnon à l’issue de sa visite apostolique. Il suggérait que l’on s’inspirât de la forme canonique de « l’ordinariat aux armées » telle qu’exprimée dans la Constitution apostolique «Spirituali militum curae » – constitution citée expressément ici – du 21 avril 1986 et principalement de son article 4 qui dit que « la juridiction de l’ordinariat militaire est :
–personnelle, de sorte qu’elle s’exerce sur les personnes qui appartiennent à l’Ordinariat, même si elles se trouvent parfois en dehors des frontières nationales ;
-ordinaire, tant au for interne qu’au for externe ;
–propre, mais cumulative avec la juridiction de l’évêque diocésain, car les personnes appartenant à l’Ordinariat continuent à être des fidèles de cette église particulière dont ils sont une partie du peuple en raison du domicile ou du rite ».
L’intérêt de cet article sur la juridiction propre mais cumulative n’avait pas échappé à Mgr Lefebvre. Lui-même écrivait dans sa lettre du 21 novembre 1987 : « viendra alors une étude plus approfondie des applications à faire de l’exemple de l’Ordinariat aux armées à la situation de la FSSPX. Ainsi l’application de la juridiction cumulative semble très réaliste et résout beaucoup de problèmes » (n° 16).
Les autorités de la FSSPX doivent – j’imagine – passer au « peigne fin » ce texte de la Constitution apostolique « Anglicanorum coetibus » car ils ne peuvent pas ne pas voir – enfin – l’attitude tout à fait positive de Benoît XVI à leur égard. En toute fidélité à la pensée de Mgr Lefebvre, ils ne pourront pas s’opposer à la proposition romaine d’une telle structure canonique. Et je ne vois même pas pourquoi ils tarderaient à accepter ce texte – adapté à leur situation, s’entend – avant même la fin des conversations théologiques.
Le point fondamental de cette structure canonique c’est « l’exemption » de l’ordinariat vis-à-vis de l’autorité épiscopale territoriale, de l’ordinaire du lieu. Même s’il y a « consultation » pour sa création, même s’il y a « avis à demander pour toutes nouvelle fondation de paroisses » ou autres, – c’est l’article VII §1 de la constitution -, l’ordinariat n’est pas dans la « dépendance » de l’évêque du lieu. C’est très important. L’ordinariat jouit d’une véritable liberté, celle de tout diocèse. C’est ce qui était déjà prévu pour l’Administration Apostolique Saint Jean Marie Vianney de Campos au Brésil de Mgr Rangel, aujourd’hui dirigée par Mgr Rifan. C’est stipulé dans l’article I des Statuts : « Par mandat spécial du Souverain Pontife est constituée par un décret de la Congrégation pour les évêques l’Administration Apostolique personnelle « Saint Jean Marie Vianney qui embrasse le seul diocèse de Campos au Brésil et qui équivaut dans le droit, aux diocèses soumis immédiatement au Saint Siège ». C’est clair. Et c’est pourquoi « l’ordinaire » a une juridiction propre. L’autorité peut créer toutes nouvelles paroisses nécessaires aux biens des fidèles, sans être soumis à l’autorité de l’évêque du lieu. Il suffit d’avoir son avis. C’est clairement dit dans l’article VIII §1 des Statuts : « L’Adminsitration apostolique pourra selon les normes du droit et après avoir entendu l’avis de l’évêque du diocèse de Campos, ériger des paroisses personnelles afin de pourvoir au soin pastoral des fidèles de l’Administration apostolique ». Mais c’est ce qui est également prévu par l’article VIII. § 1 de la Constitution apostolique « Anglicanorum coetibus »: « L’ordinaire, selon les normes du droit, après avoir entendu l’avis de l’évêque diocésain du lieu, pourra ériger, avec l’accord du Saint-Siège, des paroisses personnelles pour les fidèles qui appartiennent à l’ordinariat. (En italien, nous avons : « L’Ordinario, a norma del diritto, dopo aver sentito il parere del Vescovo diocesano del luogo, può, con il consenso della Santa Sede, erigere parrocchie personali, per la cura pastorale dei fedeli appartenenti all’Ordinariato.)
Cette « liberté » dans l’apostolat est nécessaire pour la FSSPX. C’est le grand point faible de l’Institut du Bon Pasteur, l’IBP, fondé en 2006 par M l’abbé Philippe Laguérie. Nous ne pouvions pas faire autrement à l’époque, le 8 septembre 2006. Nous ne représentions peu de chose à l’époque. Ce n’est pas le cas aujourd’hui de la FSSPX. Cet article VIII §1 des statuts des ordinariats anglicans est capital aussi pour la FSSPX. Il doit être au cœur du dispositif prévu. C’est une condition sine qua non pour aller de l’avant dans l’apostolat.
Mes anciens confrères vont, je pense, « tiquer » sur le fait que ce soit le « catéchisme de l’Eglise catholique » qui soit le document de basse de la foi à enseigner. C’est ce que dit le § 5 de l’article 1 : « Le Catéchisme de l’Église catholique est l’expression officielle de la foi catholique professée par les membres de l’ordinariat ». Ils risquent de demander – à juste titre – de pouvoir recourir plus heureusement au catéchisme du Concile de Trente. Ils devraient, lors de leurs conversations théologiques, manifester les points faibles de ce « catéchisme». Ils ont déjà, du reste, écrit leurs critiques, dans plusieurs articles du « Courrier de Rome », articles intéressants. Ils devraient pouvoir avoir gain de cause, là aussi, auprès de Benoît XVI. Sur le Concile de Trente, le pape s’est exprimé regrettant que cette œuvre majeure de l’Eglise soit méprisée et déconsidérée aujourd’hui. Il le disait expressément alors qu’il était encore Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, lors de sa conférence fameuse à Fontgombault, les 22-24 juillet 2001. Alors qu’il exprimait une des raisons de « l’acharnement » – qu’il dénonçait – contre la liturgie « tridentine », il disait : « C’est seulement à partir de la disqualification pratique de Trente, que l’on peut comprendre l’exaspération accompagnant la lutte contre la possibilité de célébrer encore, après la réforme liturgique, la messe selon le missel de 1962. Cette possibilité est la contradiction la plus forte et dès lors la moins tolérable par rapport à l’opinion de qui estime que la foi en l’Eucharistie formulée par Trente a perdu sa validité » Et le cardinal Ratzinger concluait son exposé en disant : « Trente ne s’est pas trompé, il prenait appui sur le fondement solide de la Tradition de l’Eglise. Il demeure un critère fiable » ( La Théologie de la liturgie, conférence doinnée à Fontgombault, 22-24 juillet 2001)
De telles paroles laissent tout espoir pour une négociation sur ce sujet précis du catéchisme de référence dans l’Eglise ! La « négociation » semble possible.
Je pense que les autorités de la FSSPX demanderont aussi une autre formulation de l’article III : « Sans exclure les célébrations de la liturgie selon le Rite Romain, l’ordinariat a la faculté de célébrer l’eucharistie et les autres sacrements, la liturgie des Heures et les autres célébrations liturgiques selon les livres liturgiques* propres à la tradition anglicane qui auront été approuvés par le Saint-Siège, de manière à ce que soient maintenues au sein de l’Église catholique les traditions liturgiques, spirituelles et pastorales de la Communion anglicane, comme un don précieux qui nourrit la foi des membres de l’ordinariat et comme un trésor à partager ».
Ils demanderont probablement une référence explicite au Rite Romain « dit de Saint Pie V » et l’usage exclusif de ce rite, comme l’a obtenu heureusement l’Institut du Bon Pasteur, en 2006. Non point qu’ils refusent de reconnaître la validité du NOM, mais ils souhaitent, je pense, que l’on procède sans retard à la « réforme de la Réforme » comme l’a exprimée très souvent le Cardinal Ratzinger soutenu en cela par le cardinal Stichler.
Il est certain que la création d’ordinariats personnels pour la FSSPX et les communautés amis exigera la réalisation de « nouvelles relations » avec le clergé diocésain. Une mentalité nouvelle devra voir le jour. Mentalité nouvelle faite de respect, d’estime, d’amitié. Le don que chaque prêtre fait de soi à Dieu et à l’Eglise devrait y contribuer grandement. Ce sont de vraies retrouvailles que ces ordinariats vont occasionner. Une conversion des cœurs sera nécessaire pour chacun. C’est du reste ce que les statuts pour les anglicans prévoit dans son § 4 de l’article VI : « Les prêtres incardinés dans un ordinariat, qui constituent le presbyterium de l’ordinariat, devront aussi cultiver des liens d’unité avec le presbyterium du diocèse dans lequel ils exercent leur ministère. Ils devront développer des initiatives et des activités pastorales et caritatives communes, qui pourront faire l’objet d’accords entre l’ordinaire et l’évêque diocésain du lieu ». Les autorités de la FSSPX devront y veiller grandement si ils veulent un franc succès de ce qui pourrait être providentiel. C’est ce que je constate dans mon petit domaine, dans le sein du doyenné de Mantes la Jolie.
Je pense également que le problème des séminaires tel qu’envisagé par le § 5 de l’article VI ne sera pas accepté par la FSSPX, à juste titre. La FSSPX a maintenant une longue expérience dans la formation de ses séminaristes et ne voudra certainement pas confier cette formation aux séminaires diocésains. Dans cette crise de l’Eglise, ils n’ont pas particulièrement brillé…pour imposer leur loi et les documents romains prévoyant cette formation n’ont pas non plus porté de bons fruits. Voici ce que dit ce § 5 : « Les candidats aux ordres dans un ordinariat devront être préparés avec les autres séminaristes, particulièrement dans les domaines de la formation doctrinale et pastorale. Afin de répondre aux besoins particuliers des séminaristes de l’ordinariat et les former au patrimoine anglican, l’ordinaire pourra également établir des programmes d’études ou des maisons de formation qui seront en lien avec les facultés de théologie catholique existantes ».
Quant aux précisions administratives qui constituent les derniers articles des statuts de l’ordinariat des anglicans, les autorités de la FSSPX demanderont que soient respectés les statuts prévus par Mgr Lefebvre dans l’administration de sa société sacerdotale. De fait, il le demandait dans sa lettre au Cardinal Gagnon : « …il est urgent…de reconnaître à nouveau les statuts de la FSSPX comme avant 1975, de modifier quelques articles de ses statuts afin de pourvoir à la succession épiscopale de Mgr Lefebvre, (il faut le prévoir maintenant pur Mgr Fellay), canoniquement, il semble que l’on puisse se référer à ce qui a été décidé l’an dernier, le 21 avril 1986, au sujet de l’Ordinaire aux armées ».
Certains pourront s’étonner de l’exigence demandée aux anglicans « entrant dans l’Eglise » d’exprimer par écrit leur désir d’appartenir à ces ordinariats. Mais cela était déjà demandé aux prêtres et fidèles de Campos. Ils devaient consigner par écrit dans des registres « ad hoc » leur désir d’appartenir à cette administration apostolique personnelle. C’est le § 1 de l’article IX : « Les fidèles laïcs qui appartiennent actuellement à « l’Union Saint Jean Marie Vianney » deviennent membres de la nouvelle circonscription ecclésiastique. Ceux qui, reconnaissant adhérer aux particularités de cette Administration apostolique personnelle, demandent à en faire partie, doivent manifester leur volonté par écrit et leurs noms seront inscrits dans un registre qui doit être conservé au siège de l’Administration apostolique ». Et qu’y a-t-il d’inconvenant de faire ainsi ? Les enfants baptisés sont bien inscrits sur les registres paroissiaux. Puisque ces anglicans ne dépendent pas de l’autorité territoriale du diocèse, mais bien de la juridiction personnelle de l’ordinaire, il faut bien trouver un mode pour le notifier : l’écrit en sera le mode. C’est ce qui est repris par la Constitution apostolique « Anglicanorum coetibus », en son article IX. : « Les fidèles laïcs aussi bien que les membres des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique, issus de la Communion anglicane, qui veulent entrer dans un ordinariat personnel, devront exprimer ce désir par écrit ». C’est le mode habituel de procéder de l’Eglise. De respecter ce mode, les autorités de la FSSPX n’y verront aucune difficulté.
Enfin il est un point important qui fut prévu pour l’Administration Apostolique de Campos et qui est repris dans la Constitution des anglicans c’est la possibilité de recevoir dans le sein de ces circonscriptions ecclésiastiques « des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique et promouvoir aux ordres, selon les normes du droit commun, les candidats qui en font partie ». (VII §2 des statuts de l’Administration apostolique Saint jean Marie Vianney). C’est prévu aussi pour les anglicans. Et c’est heureux. C’est le même l’article VII : « L’ordinaire, avec l’approbation du Saint-Siège, peut ériger de nouveaux instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique, qui auront le droit d’appeler leurs membres aux ordres, selon les normes du droit canonique… ». Cette prescription est très importante dans la pensée de Mgr Lefebvre et dans les suggestions qu’il proposait à Rome. Il demandait premièrement que la FSSPX soit considérée comme le « support de l’Ordinariat pour la liturgie latine ». Il prévoyait que dans cette ordinariat : « les relations entre les diverses œuvres et initiatives, d’une part, et la FSSPX, d’autre part, demeurent telles qu’elles sont actuellement pour les ordinations, confirmations et autres assistances : bénédictions, retraites, cérémonies de professions etc. ». Etant entendu cependant que « tout ce qui concerne le statut canonique et les dispenses à soumettre à Rome, iront directement au Secrétariat romain » dont il suggérait la création et qui agirait comme l’Orientale pour les église orientales ou la Propagande pour les Missions.
On s’aperçoit qu’il y a une identité profonde entre ce que proposait Mgr Lefebvre dans sa lettre du 21 novembre 1987 demandant, de Rome, la « reconnaissance » de son œuvre et sa « normalisation » dans l’Eglise et ce qui fut réalisé pour nos amis prêtres de Campos, disciples de Mgr de Castro Meyer, érigés en Administration apostolique et la Constitution apostolique « Anglicanorum coetibus ». Je pense qu’il est intéressant de pouvoir revoir les textes. Vous les trouverez dans LNDC de ce jour.
Il me semble la publication de cette constitution apostolique juste au moment des « conversations doctrinales » n’est pas faite sans raison. Peut-être pour limiter l’intérêt de ces « conversations », du moins le relativiser ? Peut-être pour montrer le vrai chemin de l’unité ? Celui que proposait déjà Mgr Lefebvre en 1987. Que de temps perdu ! Mais tout arrive…enfin !
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B- Voici la traduction de cette constitution apostolique, publiée par le site du Vatican et réalisée par le P. Franck LEMAITRE, o.p., responsable du Service pour l’unité des chrétiens de la Conférence des évêques de France.
LETTRE APOSTOLIQUE « ANGLICANORUM COETIBUS »
SUR L’ETABLISSEMENT D’ORDINARIATS PERSONNELS POUR LES ANGLICANS QUI ENTRENT DANS LA PLEINE COMMUNION DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE
Récemment, sous l’action du Saint Esprit, des groupes d’anglicans ont demandé de manière répétée et insistante à être reçus dans la pleine communion catholique, à titre individuel mais aussi collectivement [corporately]. Le Siège apostolique a répondu favorablement à ces demandes. En effet, le successeur de Pierre, qui a reçu pour mission de la part du Seigneur Jésus de garantir l’unité de l’épiscopat et de présider et de sauvegarder la communion universelle de toutes les Églises (1), ne pouvait pas manquer de mettre à disposition les moyens nécessaires pour que se réalise ce saint désir.
L’Église, qui est un peuple rassemblé dans l’unité du Père, du Fils et du Saint Esprit (2) , a été instituée par notre Seigneur Jésus Christ en tant que « sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (3) . Toute division parmi ceux qui ont été baptisés en Jésus Christ blesse ce que l’Église est et ce pour quoi l’Église existe ; en fait, « une telle division s’oppose ouvertement à la volonté du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Évangile à toute créature » (4) . C’est précisément pour cette raison qu’avant de verser son sang pour le salut du monde, le Seigneur Jésus a prié le Père pour l’unité de ses disciples (5) .
C’est le Saint Esprit, principe de l’unité, qui fait de l’Église une communion (6) . Il est le principe de l’unité des fidèles dans l’enseignement des Apôtres, dans la fraction du pain et dans la prière
(7). L’Église, cependant, par analogie avec le mystère du Verbe incarné, n’est pas seulement une communion spirituelle invisible, mais elle est aussi visible (8) ; en fait, « cette société organisée hiérarchiquement d’une part et le Corps mystique d’autre part, l’assemblée discernable aux yeux et la communauté spirituelle, l’Église terrestre et l’Église enrichie des biens célestes ne doivent pas être considérées comme deux choses, elles constituent au contraire une seule réalité complexe, faite d’un double élément humain et divin » (9) . La communion des baptisés dans l’enseignement des Apôtres et dans la fraction du pain eucharistique est rendue visible par les liens de la profession de foi dans son intégralité, de la célébration de tous les sacrements institués par le Christ, et dans le gouvernement du collège des évêques unis à son chef, le pontife romain (10).
Cette unique Église du Christ, dont nous professons dans le Symbole qu’elle est une, sainte, catholique et apostolique, « subsiste dans l’Église catholique gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui, bien que des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de ses structures, éléments qui, appartenant proprement par don de Dieu à l’Église du Christ, appellent par eux-mêmes l’unité catholique » (11).
Dans la primitive Eglise, membre de la communauté chargé de l’annonce de l’Evangile.
Celles et ceux qui ont suivi et qui suivent Jésus Christ.
Vérité de foi inaccessible à la seule raison humaine.
Signe visible de la présence et de l’action de Dieu.
À la lumière de ces principes ecclésiologiques, cette Constitution apostolique fournit le cadre normatif général qui régule la création et la vie des ordinariats personnels pour les fidèles anglicans qui désirent entrer collectivement [in a corporate manner] dans la pleine communion de l’Église catholique. À cette Constitution s’ajoutent des Normes Complémentaires publiées par le Siège apostolique.
I § 1 Les ordinariats Personnels pour les anglicans qui entrent dans la pleine communion de l’Église catholique sont érigés par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi dans les limites territoriales d’une Conférence épiscopale particulière***, en consultation avec celle-ci.
( en italien, on a : « dopo aver consultato la Conferenza stessa ». Il me semble que l’italien est moins « pressant » que ce que laisse entendre la traduction française proposée par le Père. Franck LEMAITRE, o.p. Le sens est le suivant : il s’agit de prendre un simple avis, une simple conseil. Il s’agit d’établir un franc dialogue, une franche information. Il faut surtout tenir compte que l’ordinariat est un véritable diocèse)
§ 2 Sur le territoire d’une conférence épiscopale particulière, un ou plusieurs ordinariats peuvent être érigés selon les besoins.
§ 3 Chaque ordinariat possède une personnalité juridique publique de plein droit (ipso jure) ; il est assimilé au plan juridique à un diocèse*** (12).
§ 4 L’ordinariat est composé des fidèles laïcs**, des clercs et des membres d’instituts de vie consacrée et de sociétés de vie apostolique, qui appartenaient à l’origine à la Communion anglicane et qui sont désormais en pleine communion avec l’Église catholique, ainsi que de tous ceux qui reçoivent les sacrements* de l’initiation dans la juridiction de l’ordinariat.
§ 5 Le Catéchisme de l’Église catholique est l’expression officielle de la foi catholique professée par les membres de l’ordinariat.
****Peuple chrétien confié à un évêque.
***Ensemble des chrétiens – excepté les prêtres et religieux
**Terme appliqué à la vie religieuse soulignant le caractère public d’un engagement à la suite du Christ.
*Signe visible de la présence et de l’action de Dieu.
II. L’ordinariat personnel est gouverné selon les normes du droit universel et par cette Constitution Apostolique, et il est soumis à la Congrégation pour la doctrine de la foi et aux autres dicastères* de la Curie romaine** pour ce qui relève de leurs compétences. Il est également régi par les Normes complémentaires ainsi que par toutes les normes spécifiques données à chaque ordinariat.
**Organismes chargés d’assister le pape dans le gouvernement de l’Église.
*Chacun des principaux organismes de la curie romaine.
III. Sans exclure les célébrations de la liturgie*** selon le rite romain, l’ordinariat a la faculté de célébrer l’eucharistie** et les autres sacrements, la liturgie des Heures et les autres célébrations liturgiques selon les livres liturgiques* propres à la tradition anglicane qui auront été approuvés par le Saint-Siège, de manière à ce que soient maintenues au sein de l’Église catholique les traditions liturgiques, spirituelles et pastorales de la Communion anglicane, comme un don précieux qui nourrit la foi des membres de l’ordinariat et comme un trésor à partager.
(Voici le texte italien : III. Senza escludere le celebrazioni liturgiche secondo il Rito Romano, l’Ordinariato ha la facoltà di celebrare l’Eucaristia e gli altri Sacramenti, la Liturgia delle Ore e le altre azioni liturgiche secondo i libri liturgici propri della tradizione anglicana approvati dalla Santa Sede, in modo da mantenere vive all’interno della Chiesa Cattolica le tradizioni spirituali, liturgiche e pastorali della Comunione Anglicana, quale dono prezioso per alimentare la fede dei suoi membri e ricchezza da condividere).
***Culte public qui englobe l’ensemble de la prière de l’Eglise et les célébrations sacramentelles.
**Louange, action de grâce rendue à Dieu.
*Ensemble des règles fixant le déroulement d’un cérémonial.
IV.La charge pastorale d’un ordinariat personnel est confiée à un ordinaire nommé par le pontife romain.
V. Le pouvoir (potestas) de l’ordinaire est :
a. ordinaire : il est lié de plein droit à la charge que lui confie le pontife romain, pour le for interne et le for externe ;
b. vicaire : il est exercé au nom du pontife romain ;
c. personnel : il est exercé sur tous ceux qui sont membres de l’ordinariat.
Ce pouvoir doit être exercé conjointement avec celui de l’évêque diocésain du lieu, pour les situations prévues par les Normes Complémentaires.
(En italien, nous avons : « Essa è esercitata in modo congiunto con quella del Vescovo diocesano locale nei casi previsti dalle Norme Complementari.
VI. § 1 Ceux qui, comme anglicans, exerçaient un ministère***** de diacre****, de prêtre*** ou d’évêque, et qui remplissent les conditions requises par le droit canonique (13) et ne sont pas empêchés par des irrégularités ou par d’autres empêchements (14) , peuvent être acceptés par l’ordinaire comme candidats aux ordres dans l’Église catholique. Dans le cas de ministres mariés, les normes établies par la lettre encyclique** du pape Paul VI « Sacerdotalis coelibatus », n° 42 (15) et dans la déclaration « In June » (16) doivent être observées. Les ministres célibataires se soumettront à la règle du célibat clérical (CIC, can. 277, § 1).
§ 2 L’ordinaire, dans le respect de la discipline du célibat du clergé* de l’Église latine, n’admettra en règle générale (pro regula) que les hommes célibataires à l’ordre des prêtres. Il pourra également demander au pontife romain, par dérogation au canon 277 § 1, que soient admis à l’ordre des prêtres des hommes mariés, au cas par cas et en fonction de critères objectifs approuvés par le Saint-Siège.
§ 3 L’incardination des clercs se fera selon les normes du droit canonique.
§ 4 Les prêtres incardinés dans un ordinariat, qui constituent le presbyterium de l’ordinariat, devront aussi cultiver des liens d’unité avec le presbyterium du diocèse* dans lequel ils exercent leur ministère. Ils devront développer des initiatives et des activités pastorales et caritatives communes, qui pourront faire l’objet d’accords entre l’ordinaire et l’évêque diocésain du lieu.
§ 5 Les candidats aux ordres dans un ordinariat devront être préparés avec les autres séminaristes, particulièrement dans les domaines de la formation doctrinale et pastorale. Afin de répondre aux besoins particuliers des séminaristes de l’ordinariat et les former au patrimoine anglican, l’ordinaire pourra également établir des programmes d’études ou des maisons de formation qui seront en lien avec les facultés de théologie catholique existantes.
*****Service confié à un membre de l’Eglise.
****Clerc qui a reçu le diaconat.
***Chrétien qui a reçu le sacrement de l’Ordre.
**Lettre solennelle du Pape adressée à l’Eglise catholique.
*Corps constitué par les ministres ordonnés et institués.
VII. L’ordinaire, avec l’approbation du Saint-Siège, peut ériger de nouveaux instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique, qui auront le droit d’appeler leurs membres aux ordres, selon les normes du droit canonique. Les instituts de vie consacrée* issus de la Communion anglicane qui veulent entrer dans la pleine communion de l’Église catholique pourront également être placés sous la juridiction de l’ordinaire par consentement mutuel.
VIII. § 1 L’ordinaire, selon les normes du droit, après avoir entendu l’avis de l’évêque diocésain du lieu, pourra ériger, avec l’accord du Saint-Siège, des paroisses*** personnelles pour les fidèles qui appartiennent à l’ordinariat.
(En italien nous avons : VIII. § 1. L’Ordinario, a norma del diritto, dopo aver sentito il parere del Vescovo diocesano del luogo, può, con il consenso della Santa Sede, erigere parrocchie personali, per la cura pastorale dei fedeli appartenenti all’Ordinariato.)
§ 2 Les pasteurs** de l’ordinariat jouiront de tous les droits et seront tenus par toutes les obligations établis par le Code de droit canonique et, dans les situations prévues par les Normes complémentaires, ces droits et obligations devront être exercés avec l’aide pastorale mutuelle des pasteurs du diocèse du lieu où la paroisse personnelle de l’ordinariat aura été établie.
**Communauté locale de chrétiens, placée sous la responsabilité d’un curé mandaté par l’évêque.
*Appellation donnée aux évêques, aux prêtres en raison de la mission pastorale qui leur est confiée.
IX. Les fidèles laïcs aussi bien que les membres des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique, issus de la Communion anglicane, qui veulent entrer dans un ordinariat personnel, devront exprimer ce désir par écrit.
X. § 1 Dans l’exercice de son gouvernement, l’ordinaire sera assisté par un Conseil de direction qui aura ses propres statuts approuvés par l’ordinaire et confirmés par le Saint-Siège 17 .
§ 2 Le Conseil de direction, présidé par l’ordinaire, est composé d’au moins six prêtres. Il exerce les fonctions attribuées par le Code de droit canonique au Conseil presbytéral et au Collège des consulteurs, ainsi que celles précisées par les Normes complémentaires.
§ 3 L’ordinaire doit établir un Conseil pour les affaires économiques, selon les normes établies par le Code de droit canonique ; celui-ci exercera les responsabilités qui y sont définies 18.
§ 4 Afin de permettre la consultation des fidèles, un Conseil pastoral sera créé dans l’ordinariat 19.
XI. Tous les cinq ans, l’ordinaire devra se rendre à Rome pour une visite ad limina Apostolorum et présenter au pontife romain, en lien avec la Congrégation pour la doctrine de la foi et en consultation avec la Congrégation pour les évêques et la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, un rapport sur l’état de l’ordinariat.
XII. Pour les questions judiciaires, le tribunal compétent est celui du diocèse dans lequel une des parties est domiciliée, à moins que l’ordinaire n’ait établi son propre tribunal, auquel cas le tribunal de deuxième instance sera celui désigné par l’Ordinairiat et approuvé par le Saint-Siège.
XIII. Le décret établissant un ordinariat précisera l’emplacement de son siège et, si approprié, de l’église principale.
Nous désirons que nos dispositions et normes soient valides et effectives dès maintenant nonobstant, si nécessaire, les Constitutions apostoliques et les ordonnances de nos prédécesseurs, ou toutes autres prescriptions, même celles qui nécessitent une mention spéciale ou une dérogation.
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 4 novembre 2009, en la mémoire de Saint Charles Borromée.
Benoît XVI
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Notes :
1.Cf. CONCILE VATICAN II, Constitution dogmatique Lumen Gentium, n° 23 ; CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, lettre Communionis notio, n° 12 ; 13.
2 Cf. Constitution dogmatique Lumen Gentium, n° 4 ; décret Unitatis redintegratio, n° 2.
3 Constitution dogmatique Lumen Gentium, n° 1.
4 Décret Unitatis redintegratio, n° 1.
5 Cf. Jn 17, 17-21 ; décret Unitatis redintegratio, n° 2.
6 Cf. Constitution dogmatique Lumen Gentium, n° 13.
7 Cf. ibid ; Ac 2, 42.
8 Cf. Constitution dogmatique Lumen Gentium, n° 8 ; lettre Communionis notio, n° 4.
9 Constitution dogmatique Lumen Gentium, n° 8.
10 Cf. CIC, can. 205 ; constitution dogmatique Lumen Gentium, n° 13 ; 14 ; 21 ; 22 ; décret Unitatis redintegratio, n° 2 ; 3 ; 4 ; 15 ; 20 ; décret Christus Dominus, n° 4 ; décret Ad gentes, n° 22.
11 Constitution dogmatique Lumen Gentium, n° 8.
12 Cf. JEAN PAUL II, Constitution apostolique Spirituali militium curae, 21 avril 1986, I § 1.
13 Cf. CIC, can. 1026-1032.
14 Cf. CIC, can. 1040-1049.
15 Cf. AAS 59 (1967), 674.
16 Cf. CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration du 1er avril 1981, in Enchiridion Vaticanum 7, 1213.
17 Cf. CIC, can. 495-502.
18 Cf. CIC, can. 492-494.
19 Cf. CIC, can. 511.