SOURCE – Le Seignadou – janvier 2016
Très bon papier de M l’abbé Simoulin (PA)
Parmi tous les anniversaires qui ont été célébrés cette année (Décès du P. Calmel, fondation de Fanjeaux..) j’ose espérer que personne n’a oublié celui de la fondation de la Fraternité et de sa reconnaissance canonique le 1° novembre 1970. Comme le disait un confrère : 45 ans et pas une ride !
Et je ne sais s’il convient d’inclure celui de la première mesure prise contre Mgr Lefebvre et la Fraternité! C’est, en effet, le 6 mai 1975 que Mgr Mamie écrivait à Mgr Lefebvre la lettre dans laquelle il l’informait du retrait de tous les actes de son prédécesseur, et en particulier, le décret d’érection de la Fraternité du 1° novembre 1970. Il y a donc quarante années que la Rome «conciliaire» nous a chassés de son sein pour crime de refus des «valeurs» conciliaires. Aux yeux de la Rome Catholique rien n’a changé. Elle est toujours vivante, sainte comme au premier jour, notre seule source de vie et nous demeurons son enfant fidèle, aimé et béni comme au premier jour !
Après les ordinations du 29 juin 1976, puisqu’il a «désobéi», Mgr Lefebvre est frappé de deux suspenses, la première «a collatione ordinum» le 6 juillet, la seconde «a divinis» le 22 juillet. La première signifie qu’il ne peut plus ordonner licitement, la seconde qu’il n’a plus le droit de dire la messe. Après la messe de Lille, le 29 août, puis celle de Besançon le 6 septembre, c’est le 8 septembre qu’il fera sa première visite aux sœurs dominicaines réfugiées depuis l’été précédent à La Clarté-Dieu, dans le village de Fanjeaux.
Il faut relire ou réécouter, sur cette année 76, l’excellente conférence de Mr Jean de Viguerie aux journées de la Tradition 2005: «l’année 1976 de Monseigneur Lefebvre», publiée par les Nouvelles de Chrétienté n° 96 de novembre-décembre 2005. Tout est exposé avec clarté, simplicité et vérité.
Voici donc quarante années que règne l’injustice au sein de l’Eglise, et que l’Eglise conciliaire tente d’étouffer la voix de l’Eglise catholique. Un jour, pourtant, il faudra bien que l’Eglise Catholique se fasse entendre et rétablisse la justice. Car ce qu’il y a d’injuste dans l’Eglise est l’œuvre du malin «conciliaire», mais ce qu’il y a de bon, même opéré par des «malins» ne peut être que l’œuvre de Dieu, et de l’Eglise Catholique. «Les charnels ne peuvent pas faire les œuvres spirituelles (cf. Rm 8, 5 ; 1 Co 2, 14), ni les spirituels les œuvres charnelles, comme la foi non plus ne peut faire les œuvres de l’infidélité, ni l’infidélité celles de la foi. Et celles-là même que vous faites dans la chair sont spirituelles, car c’est en Jésus-Christ que vous faites tout.» (St Ignace d’Antioche. Lettre aux éphésiens VIII, 2).
Lorsque je relis ce que j’écrivais autrefois, je suis rassuré quant à ma persévérance dans la pensée et la réfutation de tous ceux qui confondent tout: Eglise catholique et église (?) conciliaire, la Rome éternelle et la Rome moderniste, Rome et le Vatican, etc.… et qui, forts de ces confusions accusent aujourd’hui Mgr Fellay et la Fraternité de trahir! Sans doute ces théologiens auto-proclamés ont-ils compris mieux que quiconque la pensée de Mgr Lefebvre, et sont-ils fondés à accuser Mgr Fellay de lui être infidèle, voire de le trahir, mais je persiste à dire ce que je dis depuis toujours, à savoir que, jusque sur son lit de mort, Mgr Lefebvre n’avait qu’un désir: non pas donner des leçons au Pape mais servir l’Eglise, mettre la Fraternité au service de l’Eglise, pour la Messe et pour le sacerdoce !
Certes, nous ne sommes plus en 1976, ni en 1986 ou 1988, mais il est admirable de suivre les diverses réactions de Mgr Lefebvre aux situations nouvelles. Il ne parlait pas de la même façon en 1970 et en 1976, avant et après Assise, avant et après les sacres, mais vouloir faire de ces diverses prises de position autre chose que l’exercice de la vertu de prudence, au point d’en faire des principes, jusqu’à accuser Mgr Lefebvre lui-même d’avoir abandonné ses principes… c’est raisonner avec autre chose que son intelligence éclairée par la foi ! Mgr avait des principes, et ils n’ont pas changé ; mais sa ligne de conduite a été différente selon les situations, qui, elles, n’ont cessé de changer.
Aujourd’hui encore, après les actes de Benoit XVI, et depuis l’élection du Pape François, la situation a changé, et nous ne pouvons pas ignorer le nouvel état des choses. Mais l’essentiel du drame demeure ce que dénonçait Jean Madiran: «La crise religieuse n’est plus comme au XVI° siècle d’avoir pour une seule Eglise deux ou trois papes simultanément; elle est aujourd’hui d’avoir un seul pape pour deux Eglises, la catholique et la post-conciliaire.» Mais ce que ne précise pas Madiran, et qui rend la situation plus dramatique, est que ces «églises» ne sont pas séparées, et que la deuxième vit au sein de la première et en tire même toute sa vie, car elle ne pourrait vivre sans elle.
Les principes de Mgr Lefebvre dans cette situation ? Ils sont gravés en lettres d’or et de feu dans les statuts de la Fraternité :Le but de la Fraternité est le sacerdoce et tout ce qui s’y rapporte et rien que ce qui le concerne, c’est-à-dire tel que Notre Seigneur Jésus-Christ l’a voulu lorsqu’il a dit: «Faites ceci en mémoire de Moi»… Orienter et réaliser la vie du prêtre vers ce qui est essentiellement sa raison d’être: le saint sacrifice de la Messe, avec tout ce qu’il signifie, tout ce qui en découle, tout ce qui en est le complément.
Un deuxième but de la Fraternité est d’aider à la sanctification des prêtres, en leur offrant la possibilité de retraites, récollections. Les maisons de la Fraternité pourraient être le siège d’associations sacerdotales, de tiers-Ordres, de périodiques ou revues destinées à la sanctification des prêtres.
Ce sont ces mêmes principes qui l’ont conduit aux sacres épiscopaux de 1988, ainsi qu’il l’a exprimé dans sa lettre aux quatre futurs évêques :
Ainsi apparaît avec évidence la nécessité absolue de la permanence et de la continuation du sacrifice adorable de Notre Seigneur pour que «son Règne arrive». La corruption de la sainte Messe a amené la corruption du sacerdoce et la décadence universelle de la foi dans la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Dieu a suscité la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X pour le maintien et la perpétuité de son sacrifice glorieux et expiatoire dans l’Église. Il s’est choisi de vrais prêtres instruits et convaincus de ces mystères divins. Dieu m’a fait la grâce de préparer ces lévites et de leur conférer la grâce sacerdotale pour la persévérance du vrai sacrifice, selon la définition du Concile de Trente.
Je me vois contraint par la Providence divine de transmettre la grâce de l’épiscopat catholique que j’ai reçue, afin que l’Église et le sacerdoce catholique continuent à subsister pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.
Tel est le principe doctrinal et spirituel de Mgr Lefebvre: la Messe, incarnation de toute la foi, de l’espérance et de la charité de l’Eglise. Inutile de chercher ailleurs un principe qui n’existe pas.
Tout cela est clair et même évident, bien connu de tous ceux dont l’intelligence est saine et le cœur droit, et je n’en dirai donc pas plus. Je conclurai simplement avec la conclusion de Mr de Viguerie.
«Il y a dans tout moment de l’histoire, il y a ce que l’on voit, ce à quoi l’on attache de l’importance, et ce que l’on voit moins bien et qui est pourtant plus important. Dans cette année 1976 de Mgr Lefebvre, les commentateurs de l’époque ont vu surtout la persécution infligée au prélat, la «condamnation sauvage» dont il a été l’objet. Mais l’année a été aussi pour le prélat résistant l’occasion de manifester publiquement son attachement au sacerdoce et à la messe. L’année 1976 est donc une année en l’honneur de la messe, en l’honneur du prêtre. On a moins vu cela, mais c’est le plus important. Aujourd’hui nous assistons à un retour de la messe traditionnelle, retour lent certes, désespérément lent, mais progressif, mais réel. Et c’est une consolation pour nous qui avons vu cette messe bannie et bafouée. Or, à n’en pas douter, et même les historiens les plus hostiles à Mgr Lefebvre devront le reconnaître, son année 1976 est à l’origine de ce retour, elle est la source première de notre consolation présente.»
A tous et toutes, bel an 2016 vécu dans l’action de grâces et dans le Coeur de Jésus et de Marie, dont vos prêtres sont les apôtres.