Le pape François :du choix des nouveaux évêques
publié dans nouvelles de chrétienté le 26 avril 2016
Du changement dans la nomination des évêques ?
Nous avions souligné sur Perepiscopus que les dernières nominations épiscopales en France étaient plutôt positives. Mais selon un article de Katolisches, traduit par Benoît et moi, le cardinal canadien Marc Ouellet serait sur la touche :
« Le quotidien « Le Journal de Montréal » (tabloïd québécois, le plus important tirage de la presse francophone en Amérique, cf. fr.wikipedia.org) titrait hier : «Le cardinal Ouellet n’a plus l’oreille du pape» . Comme préfet de la Congrégation pour les Evêques, le cardinal Ouellet a dans ses attributions les désignations des évêques. Son dicastère prépare leurs nominations par le pape, rassemble les informations nécessaires et recommande des candidats.
Le pape François « jette à la poubelle les recommandations de Ouellet »
Sous le pontificat de François la manière de faire est complètement changée : « Le pape François a jeté à la poubelle ses recommandations pour la nomination de nouveaux évêques » s’indigne le journal québécois. « C’est inquiétant, parce que c’est la tâche du cardinal Ouellet à Rome de soumettre les noms au pape. Mais celui-ci les ignore et se décide pour des candidats différents », explique Alain Pronkin, spécialiste québécois des questions religieuses. Le journal français « La Croix » rapportait, voici quelques jours qu’« il est déjà arrivé que le pape François refuse les trois noms que lui proposait le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les Evêques, (…) et en cherche d’autres de sa ligne à lui ». Selon l’hebdomadaire « L’Espresso », il en fut ainsi par exemple pour les désignations des nouveaux titulaires de trois sièges épiscopaux importants : Chicago, Madrid et Sydney. Pour François, les nominations ne sont pas seulement une question d’aptitude, mais une question de ligne.
Le pape François recherche « les candidats les plus progressistes »
Selon « Le Journal de Montréal », il est même « très rare » que le pape suive les recommandations du cardinal, dont c’est pourtant la tâche et bien que celui-ci dispose, grâce à ses collaborateurs, de la meilleure vision d’ensemble de la situation dans un diocèse donné. Mais le pape utilise ses propres canaux, pas les canaux officiels, mais plutôt informels et ceux-ci peuvent aussi s’être constitués tout à fait par hasard. D’après Alain Pronkin, le pape recherche « les candidats les plus progressistes ». Il dépend pour cela de recommandations. Or, ce qu’il refuse de la part du cardinal Ouellet, il l’accepte du cercle des « familiers du pape ». En d’autres termes, les conceptions de la foi et de l’Église du cardinal Ouellet, un ratzinguérien, déplaisent au pape.
« Un exemple concret : le pape est partisan de l’accès à la communion des divorcés remariés. Le cardinal Ouellet a exprimé sa désapprobation », commente Alain Pronkin. La même chose vaudrait pour le thème de l’homosexualité. Pour cette raison, d’après le journaliste, François évite tout ce qui lui est soumis par le cardinal Ouellet et se fie plutôt à des recommandations aléatoires et peu fondées.
La recommandation d’un familier progressiste suffit pour devenir évêque
Ces recommandations ne sont, toutefois, pas complètement dues au hasard. Le pape utilise en partie l’ordre des jésuites pour récolter des informations. Pour François, la mentalité progressiste du candidat, qui doit lui être confirmée par un de ses familiers, emporte la décision. Cela suffit: le pape n’a, dans ce cas, pas besoin de dossiers ou de rapports comme ceux que lui soumet la Congrégation pour les Evêques. La recommandation d’une seule personne à qui il fait confiance suffit pour nommer quelqu’un évêque.
Le siège archiépiscopal de Chicago est l’un des plus influents des U.S.A. Le pape François a rejeté les trois candidats que lui avait soumis le cardinal Ouellet, en collaboration avec le nonce apostolique et l’ancien archevêque, feu le cardinal Francis George. A leur place, il a nommé archevêque Blaise Cupich, considéré, à cause de ses conceptions progressistes, comme le plus grand « périphérique » (outsider) dans l’épiscopat des U.S.A. Avec cette nomination, ce n’est pas une écharde, mais un véritable épieu que François enfonçait dans le coeur de l’Église catholique américaine. L’archevêque Cupich s’est déjà prononcé en faveur de l’accès à la communion des divorcés remariés et de la reconnaissance de l’homosexualité. Peu avant sa mort, voici ce que le cardinal George disait du synode des évêques à Rome :
« Le pape a dit qu’il voulait voir poser toutes les questions. Et cela s’est passé ainsi. Il a obtenu ce qu’il voulait et maintenant il doit mettre tout cela en ordre (…) La question qui se pose c’est de savoir pourquoi il ne clarifie pas lui-même toutes ces choses. Pourquoi faut-il que des apologistes se chargent de trouver la meilleure interprétation ? Ne réalise-t-il pas les conséquences de certaines de ses prises de position, ou même de certains de ses gestes ? N’en réalise-t-il pas l’impact ? » (cf. benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/linterview-du-cardinal-george , n.4)
Il est notoire que l’exhortation post-synodale Amoris laetitia n’a pas apporté d’éclaircissement pontifical. Ce sont encore une fois les apologistes qui s’activent avec zèle pour « trouver la meilleure interprétation ».
Nominations : ici s’accomplit la « révolution » de François la plus durable
Le pape François travaille avec beaucoup de soin à la création d’un nouveau réseau personnel sur le plan décisionnel afin d’engager l’Église dans une direction déterminée, qu’elle puisse poursuivre même au-delà de sa mort. Peut-être sa politique du choix des personnes, qui s’accomplit le plus souvent sans bruit, est-elle le champ d’action le plus important où il met en pratique sa vision de l’Église. Ici s’accomplit sa « révolution » la plus durable.
Selon Pronkin, le cardinal Ouellet pourrait être prochainement relevé de ses fonctions par le pape François. Le Canadien, toujours selon Pronkin, ne serait pas le premier haut dignitaire de la curie à être écarté, pour avoir critiqué le cours suivi par le pontificat. En tout cas, François a trouvé une manière d’effectuer les nominations selon son propre choix, alors que la congrégation compétente est aux mains de personnes dont il rejette les convictions. Des nominations informelles, semi-clandestines, qui passent outre des instances officielles ne sont pas seulement une solution d’opportunité, mais correspondent sans doute au naturel du pape et à son aversion pour les règlements et les lois.
Pour la « révolution » dans les nominations épiscopales, le fait qu’un ratzinguérien se trouve encore officiellement à la tête de la Congrégation pour les Evêques présenterait des avantages. Cela donnerait l’impression, dans l’Église, qu’il y a un contre-poids de même force ; alors qu’en réalité celui-ci n’existe pas. »