Mgr Jeanbart , archevêque d’Alep
publié dans regards sur le monde le 2 mai 2016
Monseigneur Jeanbart : « La France n’aurait jamais dû soutenir
la rébellion syrienne »
L’archevêque d’Alep était l’invité jeudi 21 avril de l’association SOS chrétiens d’Orient qui lui a remis un chèque de 150 000 euros destiné à la reconstruction de sa ville martyre.
Arthur Herlin
28 avril 2016
Aleteia : Quelle est le situation à Alep ?
Mgr Jean-
Malgré tout, peut-
Je pense que oui dans le mesure où de nombreuses personnes de l’opposition ont réalisé qu’il était absurde de continuer de s’entretuer. D’un autre côté, l’opposition basée à Ryad (Arabie saoudite, ndlr), la plus réticente aux négociations, a finalement rejoint la table des négociations à Genève. Troisièmement, la conjoncture internationale a considérablement changé, autant pour l’Europe qui subit la menace du terrorisme que pour les États-
Vladimir Poutine se place désormais en grand défenseur des chrétiens d’Orient, ressentez-
Il peut bien se présenter comme il veut ! Mais il faut reconnaître que nous avons été soulagés par l’intervention russe parce qu’elle a éloigné les terroristes les plus fondamentalistes, Daesh et al-
Quelle est votre position vis-
Notre position est la suivante, vis-
Vous refusez de personnaliser le conflit en quelque sorte ?
Oui car c’est en réalité un conflit entre différentes façons de concevoir la citoyenneté : une identité monolithique et confessionnaliste face à une identité laïque où le citoyen se sent fils de ce pays parce qu’il y est né, qu’il remplit son devoir pour celui-
Vous avez souvent insisté sur l’indifférence des Occidentaux à la situation syrienne. Le fait que SOS chrétiens d’Orient vous remette aujourd’hui un chèque pour Alep est-
Oui certainement, ce don un signe. C’est pour nous une raison de reprendre confiance, d’aller de l’avant. Nous réalisons qu’il y a des personnes intelligentes au sein d’une société évoluée qui nous comprennent et qui veulent nous aider à rester dans notre pays. Parce que, à titre personnel, ma lutte et mon engagement sont que les chrétiens restent en Syrie.
La politique de la France envers la Syrie vous a-
Oui parce que nous aimons la France et que c’est un pays que nous considérions comme ami. Nous avons passé beaucoup d’années à étudier la langue, la culture, la littérature et l’Histoire de votre pays. Nous sommes d’une certaine manière des enfants de France. Vous comprenez alors que cela nous déconcerte de la voir nous délaisser comme cela parce que nous ne sommes pas assez riches à ses yeux, elle à qui nous avons donné notre cœur et pour laquelle nous avons tout tenté pour la faire aimer de nos concitoyens.
Qu’aurait dû faire le gouvernement français selon vous ?
Ne pas soutenir la rébellion armée. S’il n’y avait pas eu d’opposition armée, nous aurions fait partie de l’opposition ! Il fallait faire un effort pour améliorer ce qui existait et non pas soutenir ceux qui détruisent tout.
Les relations tendent à s’améliorer ?
Oui sans aucun doute, beaucoup de sénateurs, de députés ont visité dernièrement la Syrie et commencent maintenant à revenir sur leur position initiale. On sent qu’il y a davantage de discrétion dans les déclarations et moins d’agressivité.
Comment percevez-
C’est une très bonne chose ! C’est un signe envoyé aux musulmans que les chrétiens les aiment et c’est un fait, nous les aimons et ne leur voulons que du bien. Mais il faut qu’ils nous aiment aussi et qu’ils n’aient pas peur de nous. Il ne faut pas interpréter d’une mauvaise façon le geste du Pape et croire qu’il encourage les Syriens à quitter leur pays, je suis sûr que ce n’est pas ce qu’il souhaite. Cela me plaît que François sème un peu de doute sur son action, qu’il veuille n’être que Miséricorde et non pas un instrument politique. Tout comme lorsque le Saint-
Quel message souhaitez-
Je n’ai qu’un message : il faut que nous aidions les chrétiens à rester en Syrie. L’Église de Syrie est une relique. Elle est née quelques jours seulement après la Pentecôte, la diaspora juive de Syrie s’étant rendue à Jérusalem pour le pèlerinage traditionnel ; les épitres parlent de milliers de pèlerins et 3 000 de ces juifs se sont fait baptiser avant de rentrer dans leur pays. C’est comme ça que Saul a été envoyé à Damas pour chasser les « Nazaréens » tels que l’on les appelait alors. Le Seigneur l’a arrêté puis converti, et c’est l’Église de Syrie qui l’a guéri de sa cécité, l’a ordonné prêtre et envoyé évangéliser. Cela vous donne une idée de l’importance des chrétiens de Syrie. Ce pays est historiquement chrétien, de nombreux musulmans de Syrie ayant été convertis par l’Empire ottoman. Des milliers de saints ont vu le jour ici et des millions de martyrs y ont donné leur vie ! Celui qui sait tout cela ne peut pas admettre leur disparition. La présence des chrétiens est un signe de la pérennité de l’Église.
Propos recueillis par Arthur Herlin