« Adorer le même Dieu unique… »
publié dans la doctrine catholique le 19 septembre 2016
Tribune sur Riposte Catholique de Cyrille Brun
Il semble que l’affirmation de l’unicité de Dieu soit équivoque et laisse prise à de nombreuses interprétations. Mais avant toute autre chose, pouvons-nous affirmer, en dehors de la Révélation divine et de l’apport de la foi, que Dieu est unique ? Aristote l’a fait il y a déjà fort longtemps. Son fameux premier moteur immobile est unique parce qu’il existe un être, non limité et infini. Deux infinis ne pouvant se trouver côte à côte, si Dieu est, il est forcément unique. L’objet ici n’étant pas de démontrer l’existence de Dieu, ni son unicité, je n’entrerai pas dans les arcanes de cette question. L’intérêt de cette unicité démontrée par le Philosophe est de poser un Dieu sans contraire, sans rival si l’on veut, et sans vis-à-vis. Dieu est, et par ce fait même il englobe la plénitude de l’être. S’il est unique, il n’a pas plusieurs visages qui correspondraient aux différentes religions.
De cette vérité fondamentale, se réclament tous les monothéismes, c’est-à-dire toutes les religions qui croient en l’existence d’un seul Dieu. Toutes ces religions, qui ne sont pas si nombreuses que cela, reconnaissent donc non pas un même Dieu, mais le fait qu’il n’y ait qu’un seul Dieu, ce qui est évidemment fort différent. Croire qu’il n’y a qu’un seul Dieu ne nous dit pas tout ce qu’est Dieu. Et à partir de cette vérité première et fondamentale, les religions monothéistes diffèrent quant à ce qu’elles comprennent être Dieu.
Toutefois, si Dieu est unique, il ne peut y avoir plusieurs dieux différents. Ce qui signifie que, parmi ceux qui croient en l’unicité de Dieu, certains se tournent vers Dieu et d’autres vers des images recomposées et erronées de Dieu. Autrement dit, ce n’est pas parce que nous croyons que Dieu est unique que nous croyons en Dieu. Nous ne croyons qu’en un aspect de sa divinité. Pour pouvoir parler de Dieu à bon escient, c’est-à-dire mettre les bonnes « définitions » sous le mot Dieu, encore faut-il véritablement parler de Lui.
De sorte que deux voies se présentent à celui qui reconnaît qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Ou il se tourne vers Dieu, ou il se tourne vers une image recomposée, mais qui n’est pas Dieu. Au mieux c’est une idole, au pire c’est Satan. Une idole est, de façon métonymique, un dieu. Car Dieu est celui vers qui nous allons, celui qui guide et commande notre vie par adhésion, attrait, amour. En ce sens étroit, certains font de mille choses secondaires leur dieu. En ce sens, une vision erronée de Dieu tourne des âmes et des cœurs vers un faux dieu, une idole.
En définitive, il n’y a guère que deux choix, Dieu ou le néant. On ne peut donc dire que partager la foi en un Dieu unique signifie avoir le même Dieu. Partager la foi en l’unicité de Dieu est avoir un point commun avec les autres religions monothéistes, mais en aucune façon il ne s’agit du même Dieu, puisque d’un côté l’adhésion à Dieu suppose d’être effectivement tourné vers Dieu, de l’autre l’adhésion à une image erronée de Dieu conduit à regarder dans une autre direction que celle où Dieu se trouve effectivement.
A partir du moment où Dieu est unique, il n’y a pas ici ou là des bouts de Dieu. Ceux qui professent Dieu dans sa vérité croient en Dieu, ceux qui prêtent à Dieu d’autres attributs que les siens, ne parlent pas de Dieu, mais de leurs idoles. C’est exactement le processus du peuple hébreux et du veau d’or. Et ce petit « écart » n’a guère plu à Yahvé.
Ainsi donc, l’Islam affirme que Dieu est unique, mais ce que les Musulmans vénèrent n’est pas Dieu, mais une idole, un faux dieu, quelque chose qu’ils croient être « comme un dieu ». N’est-ce pas sans nous rappeler la tentation d’Eve : Vous serez comme des dieux ? Car qui se cache derrière l’illusion ? Qui tente de tromper sur l’image divine ? Qui propose à Jésus de déplacer son amour pour Dieu vers des réalités idolâtrées, et plus explicitement vers lui-même ? Satan, prince du mensonge, est derrière cette confusion. Fidèle à son habitude, il part du vrai, pour détourner vers le faux. Il part de l’unicité de Dieu, pour proposer ses idoles à la vénération.
Dieu est unique signifie qu’il n’y a pas plusieurs dieux, mais aussi qu’Il n’a pas plusieurs visages. Croire au Dieu unique n’est pas simplement croire Dieu unique, c’est adhérer à Dieu lui-même. Adhérer, même en toute bonne foi, à une autre image, fût-elle unique, c’est adorer des idoles, inertes, nous rappelle le prophète Elie. En définitive, celui qui donne une illusion de vie à ces idoles est celui qui manie l’illusion à la perfection, Satan. C’est du reste l’ultime avertissement du Christ par la bouche du Père Hamel, alors qu’il allait être égorgé.
De sorte que nous pouvons poser l’alternative suivante entre Dieu et Satan. Non pas un monde bipolaire où Satan serait le pendant mauvais de Dieu. Satan n’est pas Dieu, ni même un dieu. Il est une créature qui veut détourner l’Homme de Dieu et pour se faire se met, via l’idolâtrie, entre eux et Dieu.
La confusion relativiste actuelle, favorisée par l’amalgame, porte atteinte à l’intégrité même de la vérité divine, voile Dieu et fait passer devant Lui nombre d’idoles. Celui que vénèrent les musulmans n’est pas Dieu, mais une idole quoiqu’il en soit de la sincérité des fidèles. De même, le visage du Christ que suivent les Protestants est une défiguration de la vérité même du Fils de Dieu.
On me trouvera extrémiste, mais regardons les choses de plus près. Pourquoi serais-je catholique si je croyais que le Christ est autre que ce que l’Eglise enseigne ? Comment montrer le Christ, chemin vérité et vie, si je laissais croire qu’un visage déformé de Jésus est le chemin, la vérité, la vie ? Dénoncer une erreur n’est pas stigmatiser une personne. Cette conviction affective est un véritable frein au dévoilement du visage réel du Christ. On ne peut montrer le chemin vers Dieu qu’en étant tourné vers Dieu Lui-même. Défendre l’intégrité de la Révélation divine, c’est présenter le chemin véritable en même temps le but ultime qui motive d’emprunter la route ardue : Dieu.
A propos Cyril Brun
Docteur en histoire, spécialiste de la théologie de saint Cyprien de Carthage et enseignant à l’Université de Bretagne Occidentale, Cyril Brun est le rédacteur en chef de Riposte catholique. Chef d’orchestre de formation, critique musical, historien et essayiste chrétien, il a publié plusieurs ouvrages dont « Pour une spiritualité sociale chrétienne » (Tempora, 2007) et « Le Printemps français : le grand réveil de notre civilisation » (Ed. A. de Saint-Prix, 2013).