Des réflexions utiles pour l’évêque des Yvelines (2)
publié dans regards sur le monde le 13 octobre 2016
Yvelines : des chrétiens opposés aux camps de migrants (2)
Voici, comme annoncé, la suite de l’étude « Pourquoi, chrétiens, nous nous opposons à l’installation de camps de migrants », dont nous avons publié la première partie hier.
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La Charité peut-elle conduire à négliger les vertus de Justice et de Prudence ?
La vertu de Charité ne doit pas nous conduire à être naïfs ; la Charité est en effet inséparable d’une autre vertu aussi essentielle, la vertu de Justice. Dans l’encyclique Caritas in veritate, Benoît XVI écrit : « La Justice est “inséparable de la Charité”, elle lui est intrinsèque. »
C’est pourquoi tout ordre social, économique, politique doit être compris, interprété, à partir de la Charité et de la Justice. Or la Justice, c’est rendre à chacun ce qui lui est dû. C’est-à-dire rendre un culte à Dieu, éduquer et protéger ses enfants, recevoir un juste salaire, jouir de la paix sociale, etc.
Comme l’a écrit Mgr Aillet dans un communiqué du 10 septembre 2015 sur la crise migratoire : « Il n’est pas interdit de se poser la question politique non plus seulement de la Charité, mais de la Justice, en évitant de se laisser submerger par une vague d’émotion. »
Ouvrir grandes les portes de notre pays déjà profondément déstabilisé par la forte immigration de ces quarante dernières années à de nouveaux arrivants, de surcroît en grande majorité de religion musulmane, est un acte troublant la paix sociale (ce que l’actualité nous montre chaque jour), soit un acte contre la Justice.
Décider de disperser ces migrants dans nos villes et nos villages, où aucun avenir ne les attend, ne constitue pas un acte de Charité mais également un acte qui va contre une autre vertu tout aussi importante, celle de la Prudence. Saint Thomas d’Aquin cite dans les fautes contre la Prudence « la précipitation, l’inconsidération dans le jugement ».
Or, être catholique, c’est vivre dans la Justice, le réel et le raisonnable. Être catholique, c’est aussi ne pas confondre la dimension de la Charité dans l’ordre personnel et dans l’ordre politique, qui elle consiste à protéger la vie et la paix des peuples de qui elle est au service.
Oui, la Charité oblige à se baisser pour ramasser celui qui est à terre. Oui, nous sommes prêts à donner à boire et à manger à celui qui a faim et soif sans distinction de nationalité. Mais nous refusons de nous laisser embarquer dans une politique aveugle, à la fois injuste et imprudente, qui affaiblit toujours plus les fondements de notre société.
C’est pourquoi la défense de notre terre, de notre foi, de nos familles est la première des charités. Et dans la période de forte instabilité dans laquelle nous vivons, nous ne pouvons que refuser, par justice et prudence, l’accueil que l’on veut nous imposer sans discernement.
- Jusqu’où va l’hospitalité chrétienne ?
Le Père Boulad, jésuite égyptien, raconte une parabole qui, dit-il, évoque ce qui se passe en Europe aujourd’hui : « Un étranger se présente chez vous au cours de votre dîner, vous l’accueillez fraternellement, il demande à rester pour la nuit, n’ayant pas d’endroit où dormir, puis à passer la journée du lendemain chez vous, puis une deuxième nuit, et vous demande finalement de bien vouloir accueillir toute sa famille, femme et enfants, qui sont en difficulté. »
Et le Père en tire quelques enseignements, avec une vigueur que de nombreuses années de résistance ont renforcée, et qui en viendrait presque à nous faire regretter de n’avoir subi jusqu’à présent que des persécutions molles :
– « Si le Seigneur nous a donné un cœur pour aimer, il nous a aussi donné une tête pour penser et, lorsque les deux ne vont pas ensemble, tout est fini ! »
– « Il ne faut accepter ces migrants du Moyen-Orient que dans la mesure où ils sont désireux de s’intégrer, d’accepter les valeurs européennes, le style de vie européen. Sinon : OUSTE ! BARAH ! »
- L’Église face aux enjeux de la Défense nationale
Une position trop hâtive du catholique se fixerait sur la question de la compassion et du cœur. C’est naturel et c’est le fondement de notre religion : « Aimez-vous les uns les autres. » Mais attention, il appartient également aux chrétiens de discerner entre charité et enjeux de défense de la communauté nationale. C’est ce que souligne le pape Pie XII : « La domination de chaque nation, bien qu’elle doive être respectée, ne peut être exagérée au point que, si un endroit quelconque de la terre permet de faire vivre un grand nombre d’hommes, on n’en interdira pas, pour des motifs insuffisants et pour des causes non justifiées, l’accès à des étrangers nécessiteux et honnêtes, sauf s’il existe des motifs d’utilité publique, à peser avec le plus grand scrupule » (Constitution apostolique Exsul familia [1er août 1952], reprenant une phrase de sa lettre à l’épiscopat des États-Unis de 1948).
Dans la mesure où il apparaît clairement que l’afflux d’un nombre considérable de migrants est de nature à ébranler les fondements de notre société déjà bien affaiblie, il existe bien un motif urgent d’utilité publique pour contrer la dynamique en cours.
Suite et fin demain vendredi 14 octobre…