« La réforme de la réforme liturgique », l’idée ne semble plus être appréciée à Rome autour du Pape
publié dans magistère du pape François le 12 septembre 2017
Pape François : « la réforme liturgique est irréversible »
Le cardinal Robert Sarah a été nommé à la tête de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements en 2014, par Benoît XVI. Le prélat avait le même souci que le pape d’alors de restaurer une liturgie respectueuse de son caractère sacré, n’étant pas satisfait par la façon dont certains prêtres célébraient la messe. Dans cette perspective, le cardinal avait évoqué à plusieurs reprises la nécessité d’une « réforme de la réforme », expression déjà utilisée en son temps par Benoît XVI.
Le pape François est peu sensible à la question liturgique, et en désaccord avec le préfet de la Congrégation pour le culte divin sur ce point. C’est pourquoi, l’année dernière, le pape avait mis en garde contre l’utilisation d’une telle expression, « réforme de la réforme » – la qualifiant d’« erreur » – au vu des récupérations dont elle fait régulièrement l’objet par « des personnes rigides » a-t-il dit, comprenez les traditionalistes. Dans son dernier livre d’entretiens avec un sociologue agnostique, « Politique et société » (Albin Michel), il parle ainsi des « personnes rigides »: « Quand je tombe sur une personne rigide, et surtout jeune, je me dis qu’il est malade. »
Sans doute, pour ne pas être accusé du terrible « péché » de rigidité, le cardinal Sarah avait volontiers abandonné l’expression sans renoncer à restaurer la dignité du divin sacrifice. Dans une interview à nos confrères de La Nef, il a rappelé comment devait être célébrée la sainte messe : « Garder les doigts joints après la consécration, faire la génuflexion avant l’élévation, communier à genoux, recevoir la communion sur les lèvres ». Ajoutant, que « l’usage du latin dans certaines parties de la messe, peut aussi aider à retrouver l’essence profonde de la liturgie. » Mais cela ne suffit pas, encore faut-il que les traductions en langue vernaculaire soient fidèles au texte latin dans le rite ordinaire. C’est ce que le cardinal demandait également en s’appuyant sur Liturgiam authenticam, parue le 28 mars 2001, sous le pontificat de Jean-Paul II, Cinquième Instruction pour la correcte application de la Constitution sur la Sainte Liturgie du Concile Vatican II. C’est un texte fondamental de « restauration » où l’on peut lire : « La traduction des textes de la liturgie romaine ne sont pas une œuvre de créativité. […] Il est nécessaire que le texte original ou primitif soit, autant que possible, traduit intégralement et très précisément, c’est-à-dire sans omission ni ajout, par rapport au contenu, ni en introduisant des paraphrases ou des gloses. » Il est en effet inadmissible – entre autres – que le mystique « Heureux les invités au festin des noces de l’Agneau ! » – extrait de l’Apocalypse – avant la communion, soit devenu un très plat « Heureux les invités au repas du Seigneur !» ce qui n’est pas une traduction mais une adaptation qui n’est pas neutre théologiquement puisqu’elle fait de l’eucharistie un banal « repas ».
François hésitant à limoger un cardinal très populaire parmi les fidèles catholiques, ce dont témoigne le succès des ouvrages publiés, tel Dieu ou rien, a choisi d’abord de le contourner. L’entourage du cardinal Sarah, ses collaborateurs dans sa congrégation, à l’unisson de sa pensée, ont été tous, ou presque, remplacés par des hommes-liges du pape, partisans d’une liturgie « ouverte ». Ensuite, François vient de vider de sa substance l’instruction de Jean-Paul II sur laquelle s’appuyait le cardinal Sarah. Au mois de janvier, à la demande du pape, une commission avait été constituée à la Congrégation pour le culte divin pour réviser l’instruction Liturgiam authenticam. Le Saint-Siège vient de publier le motu proprio Magnum Principium (« le principe important », en latin), daté du 3 septembre pour demander aux conférences épiscopales de « préparer fidèlement les versions des livres liturgiques dans les langues courantes, adaptées convenablement dans la mesure des limites définies, les approuver et publier les livres liturgiques pour les régions de leur compétence, après confirmation du Siège apostolique. » Et cela pour « le bien des fidèles de tous âges et cultures et leur droit à une participation consciente et active aux célébrations liturgiques avec l’unité substantielle du rite romain » et à cette fin « communiquer fidèlement à un peuple déterminé, par le biais de sa propre langue. »
Autrement dit, il faudra que la liturgie « adaptée » se fasse dans la langue populaire, foin des formules jugées trop éloignées de cette « culture » qui empêcheraient une « participation active. »
Auparavant, il y a quelques semaines, le souverain pontife avait tenu à préciser solennellement : « Nous pouvons affirmer, avec sûreté et autorité magistérielle, que la réforme liturgique est irréversible. » C’est pour éviter toute remise en cause qu’il a publié le document que nous évoquons et qu’il se murmure à Rome qu’il reviendrait sur l’autorisation universelle de célébrer la messe selon le rite extraordinaire – le missel de saint Pie V – dont l’usage serait alors restreint à la Fraternité saint Pie X, si les continuateurs de Mgr Lefebvre revenaient dans le giron romain. Mais ce n’est pas fait! Tant que Benoît XVI, qui a accordé cette autorisation dans Summorum Pontificum est vivant,le pape actuel n’en fera rien. P.R. (Bulletin d’ André Noël.)
Mais le peuple fidèle veille comme il l’ a toujours fait depuis le début de cette terrible crise liturgique dans l’Eglise. (PA)