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Entraide et Tradition

Excellent dossier de la Fraternité sur ses relations avec le Vatican. A lire.

publié dans nouvelles de chrétienté le 23 février 2019


La lettre du cardinal Müller et sa non-reconduction à la tête de la CDF

PROVENANCE: FSSPX.NEWS

Deux événements ont marqué le début de l’été à Rome (2017) : une lettre du cardinal Müller à Mgr Fellay et son remplacement à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi par Mgr Ladaria.

26 juin 2017, le cardinal Müller impose de nouveau la Déclaration doctrinale de 2012

Le 26 juin 2017, Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, recevait du cardinal Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, une lettre datée du 6 juin précédent, dans laquelle le prélat allemand énonçait – en précisant que le pape François avait donné son approbation – les conditions nécessaires à une déclaration doctrinale, préalable indispensable à toute reconnaissance canonique de la Fraternité. Ces conditions sont au nombre de trois :

1) « Il est nécessaire d’exiger des membres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X l’adhésion à la nouvelle formule de la Professio fidei datant de 1988. En conséquence, il n’est plus suffisant de leur demander d’émettre la Professio fideide 1962.

2) « Le nouveau texte de la Déclaration doctrinale doit comporter un paragraphe dans lequel les signataires déclarent, de manière explicite, leur acceptation des enseignements du concile Vatican II et ceux de la période post-conciliaire, en accordant aux dites affirmations doctrinales le degré d’adhésion qui leur est dû.

3) « Les membres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X doivent reconnaître, non seulement la validité, mais aussi la légitimité du Rite de la Sainte Messe et des Sacrements, selon les livres liturgiques promulgués après le concile Vatican Il. »

Le 30 juin, Mgr Fellay a transmis cette lettre à tous les prêtres de la Fraternité, avec le commentaire suivant : « On se retrouve dans une situation semblable à celle de 2012. Alors que Mgr Pozzo, secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, tenait un tout autre langage en mars dernier sur les critères de catholicité qui devaient ou non être exigés de nous ». Et de rappeler sa déclaration à l’issue de la réunion des supérieurs majeurs de la Fraternité à Anzère (Suisse), le 28 juin 2016 : « La Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X ne recherche pas avant tout une reconnaissance canonique à laquelle elle a droit parce qu’elle est catholique. La solution n’est pas simplement juridique. Elle relève d’une position doctrinale qu’il est impératif de manifester. (…)

« La Divine Providence n’abandonne pas son Eglise dont le chef est le Pape, vicaire de Jésus-Christ. C’est pourquoi un signe incontestable de cette restauration sera dans la volonté signifiée du Souverain Pontife de donner les moyens de rétablir l’ordre du sacerdoce, de la foi et de la Tradition, – signe qui sera, de surcroît, le garant de la nécessaire unité de la famille de la Tradition. »

Cette lettre du cardinal Müller n’est pas surprenante pour ceux qui suivent de près l’histoire des relations compliquées entre la Fraternité et Rome. Déjà, lors d’une conférence donnée à Port-Marly (France), le 8 octobre 2016, Mgr Fellay soulignait une contradiction entre les propos du cardinal Müller et ceux tenus par Mgr Pozzo, secrétaire de la Commission Ecclesia Dei : « (on nous dit) que ce qui a été produit par le Concile mais qui n’est pas dogmatique, c’est-à-dire tout ce qui est déclarations – déclaration au monde, etc. –, ce ne sont pas des critères de catholicité, selon Mgr Pozzo. Qu’est-ce que cela veut dire ? ‘Vous n’êtes pas obligés d’être d’accord pour être catholiques’. (…) Mgr Pozzo a effectivement donné plusieurs interviews (sur le même sujet). Je vous ai cité celle du mois d’avril (La Croix, 7 avril 2016), il y a eu celles du mois de juillet (Zenit, 4 juillet 2016, et Christ und Welt, 28 juillet 2016)… Entre les deux, au mois de juin, il y a son supérieur, le cardinal Müller, qui a dit le contraire (Herder Korrespondenz, juin 2016). (…) Le cardinal Müller a insisté en disant : ‘Mais non, la Fraternité doit accepter tout le Concile !’ Et même il a parlé d’un engagement sans restriction sur l’œcuménisme. Mais pas seulement… Il parle de la liturgie, de la liberté religieuse. Et après, son subordonné redit le contraire, en juillet. C’est le désordre ! Qui est-ce qu’il faut croire ? »

Le pape, pour sa part, déclarait dans un entretien à La Croix, le 16 mai 2016, qu’avant toute solution canonique pour la Fraternité, il fallait « un accord fondamental avec eux. Le concile Vatican II a sa valeur. » Ce qui signifie qu’un texte doctrinal est prérequis. Plus récemment, de retour de Fatima, le 13 mai 2017, le Souverain Pontife répondait aux journalistes présents dans l’avion : « la feria quarta de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi – on l’appelle la feria quarta, car elle se réunit le mercredi – a étudié un document. Et le document ne m’est pas encore parvenu. Je l’étudierai. » Autrement dit, une fois encore, une déclaration doctrinale est nécessaire, préalablement à toute reconnaissance canonique. Mais quel doit être le contenu exact de cette déclaration ? Celui imposé par le cardinal Müller, ou celui proposé par Mgr Pozzo ?

2 juillet, le cardinal Müller n’est plus préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi

Ce qui a été une véritable surprise, ce fut la non-reconduction du cardinal Müller dans sa charge. Au terme de cinq années à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF), le pape François a décidé de ne pas renouveler son mandat qui a pris fin le 2 juillet 2017. Le souverain pontife a nommé pour lui succéder Mgr Luis Francisco Ladaria Ferrer, jésuite espagnol, qui était secrétaire de la CDF depuis 2008.

Selon InfoCatho du 1er juillet, cette décision « s’inscrirait dans un contexte délicat et critique. Le cardinal Müller avait marqué son refus d’interpréter Amoris lætitia dans une optique de discontinuité avec le magistère romain. Pour certains, ce serait le motif de cette non-reconduction. »

Comme le signale Zenit du 1er juillet : « Son départ avant l’âge de la retraite canonique fait couler beaucoup d’encre, alors que les anciens préfets étaient tous restés à ce poste au moins jusqu’à leurs 75 ans. » Et de risquer une nouvelle explication : « L’initiative intervient aussi quelques mois après la démission de l’Irlandaise Marie Collins de la Commission Pontificale pour la Protection des Mineurs (PCPM) ». Dans sa lettre de démission au pape, Marie Collins dénonçait « le manque de coopération, en particulier de la part du dicastère le plus impliqué sur la question des abus sexuels », comme « honteux ». Elle regrettait « des reculs constants » dus à la « résistance » de « certains membres de la Curie ». « Certains y ont vu, écrit Zenit, en filigrane une critique de la bureaucratie lourde de la CDF. »

Quelles que soient les hypothèses émises sur les raisons du départ du cardinal Müller, on peut constater que le pape n’a pas cru devoir le maintenir à son poste pour mener à bien la décision de faire revenir la Fraternité Saint-Pie X à la déclaration doctrinale de 2012. Après ce constat qui relève du truisme, on ne peut que se poser quelques questions :

Mgr Pozzo, en manifestant ouvertement un point de vue divergent de celui de son supérieur hiérarchique, au sujet des « critères de catholicité », agissait-il motu proprio ou se savait-il soutenu par plus haut que le cardinal Müller ? Quel est son avenir à la Commission Ecclesia Dei ?

Quel sera le rôle de Mgr Ladaria, jésuite espagnol à la personnalité beaucoup moins remuante que celle du cardinal allemand ? Plus enclin à l’obéissance de règle dans la Compagnie de Jésus, il se qualifie lui-même de « conservateur modéré », aura-t-il à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi une influence modérément conservatrice ?

Face à ces interrogations, les pythonisses feront des prédictions. Pour notre part, nous nous contenterons d’attendre les faits et de voir leurs effets.

(Sources : FSSPX-MG/cath.ch/IMedia/Croix/Zenit/InfoCatho – FSSPX.Actualités – 07/07/17)

 

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Le pape évoque les rapports entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X

 

26 MAI, 2017
PROVENANCE: FSSPX.NEWS

Dans l’avion qui le ramenait du Portugal au Vatican, le 13 mai 2017, le pape François a répondu à une question de Nicolas Senèze, correspondant de La Croix à Rome.

Question : La Fraternité Saint-Pie X a une grande dévotion pour Fatima. Un accord est-il pour bientôt ? Ce serait le retour triomphal de fidèles qui montrent ce que signifie être vraiment catholiques ?Réponse : J’écarterais toute forme de triomphalisme. Complètement. Il y a quelques jours, la feria quarta de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi — on l’appelle la feria quarta, car elle se réunit le mercredi — a étudié un document. Et le document ne m’est pas encore parvenu. Je l’étudierai.Deuxièmement, les rapports actuels sont fraternels. L’année dernière, je leur ai donné à tous la permission pour la confession, et aussi une forme de juridiction pour les mariages. Mais déjà avant, les problèmes qui devaient être résolus par la doctrine de la foi, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi les traitait. Par exemple les abus : les abus [sur des mineurs, ndlr] chez eux, ils nous en référaient. Ainsi pour la Pénitencerie. Ainsi pour la réduction à l’état laïc d’un prêtre. Il y a donc des rapports fraternels. Avec Mgr Fellay, j’ai de bons rapports. Nous avons parlé quelques fois. Je ne veux pas brusquer les choses. Cheminer, cheminer, cheminer, et après on verra. Pour moi, ce n’est pas un problème de gagnants ou de perdants, mais de frères, qui doivent cheminer ensemble en cherchant la formule pour faire des pas en avant.

Commentaire : La réponse du pape est brève et quelque peu elliptique. On peut toutefois noter que François récuse le mot « retour triomphal » employé par Nicolas Senèze, auteur en 2008 de La crise intégriste (Bayard). « J’écarterais toute forme de triomphalisme », dit-il avant de conclure : « Pour moi, ce n’est pas un problème de gagnants ou de perdants ».

S’agissant du « document » étudié par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, et que le pape dit n’avoir pas encore lu, on est réduit à de simples hypothèses puisqu’il n’indique pas la nature de ce document. Certains conjectureront que ce doit être un projet de statut canonique pour la Fraternité, mais comme il s’agit d’un document examiné par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi on peut plus vraisemblablement penser à un texte doctrinal et non pas canonique. Ce pourrait être la déclaration doctrinale, condition préalable à toute reconnaissance canonique. A ce propos, Mgr Bernard Fellay écrivait à tous les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X, le 1er mars 2017, que l’établissement d’un tel texte doctrinal n’était pas aussi avancé que certaines rumeurs voudraient le faire croire. Et d’ajouter qu’il n’y avait « pas d’accord imminent ».

C’est ce que François fait savoir dans la deuxième partie de sa réponse : « Je ne veux pas brusquer les choses ». Ce qui est conforme aux propos qu’il avait tenus lors de la rencontre accordée à Mgr Fellay, le 1er avril 2016, et que ce dernier avait rapportés au cours du pèlerinage du Puy, le 10 avril suivant : « Si j’ai des problèmes », avait affirmé le pape, « vous aussi vous avez des problèmes, donc il ne faut pas pousser, il ne faut pas créer davantage de divisions, donc on prend son temps ». (Voir DICI n°334 du 22/05/16)

Au sujet des rapports avec la Fraternité que le pape juge « fraternels », il en fait savoir la teneur précise : « Je leur ai donné à tous la permission pour la confession, et aussi une forme de juridiction pour les mariages1. Mais déjà avant, les problèmes qui devaient être résolus par la Doctrine de la Foi, la Congrégation les traitait. Par exemple les abus : les abus [sur des mineurs, ndlr] chez eux, ils nous en référaient. Ainsi pour la Pénitencerie. Ainsi pour la réduction à l’état laïc d’un prêtre. Il y a donc des rapports fraternels. »

Ces paroles de François ne sont pas sans rappeler les réponses déjà données à Nicolas Senèze par la Commission Ecclesia Dei, le 7 mai précédent : « ‘Mgr Fellay n’a jamais pris aucune décision concernant les délits graves sans en référer à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF) ou à celle pour le clergé pour les renvois de l’état clérical’. ‘Mgr Fellay n’a jamais voulu créer une Eglise parallèle’, explique-t-on, confirmant que la CDF a déjà confié à Mgr Fellay la possibilité de juger en première instance des auteurs d’abus sexuels. » (Voir La Croix, 07/05/17).

Jusqu’à plus ample informé, ce sont là les seuls éléments dont on dispose sur l’état des relations entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X : pas de reconnaissance canonique imminente, et – si elle a lieu – elle nécessite une déclaration doctrinale préalable qui n’est pas encore formulée avec la rigueur requise. Tout le reste relève de la rumeur qui est une source d’information incontrôlable, donc peu fiable.

(Sources : KTO/DICI/La Croix – FSSPX.Actualités – 26/05/17)

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Conférence de Mgr Fellay, le 8 octobre 2016, Port-Marly (France)

 

FSSPX.NEWS

Lors des Journées de la Tradition, Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X a donné une conférence dont on trouvera ici la transcription de la deuxième partie, consacrée à l’état présent des relations avec Rome. Le texte intégral de cette conférence sera publié dans le prochain Nouvelles de Chrétienté (n°161, octobre 2016).

Un concile pastoral peut-il être discutable ?

Tout d’un coup, il y a un peu plus d’une année, Rome nous a fait une nouvelle proposition. Ils étaient vraiment bloqués parce que nous disions : non. Nous ne pouvons pas dire que le Concile est traditionnel. Nous ne pouvons pas. Et puis cette nouvelle messe, nous ne pouvons pas dire qu’elle est bonne. Eh bien ! tout d’un coup, on nous a fait une nouvelle proposition, et on peut comprendre ce qui s’est passé à travers certains entretiens donnés par Mgr Pozzo. Il nous explique que, au début, ils ont voulu nous faire tout accepter et que cela ne marchait pas. Ils se sont donc demandé comment s’en sortir puisque tout était bloqué, et il semble qu’ils aient trouvé le moyen. C’était de distinguer dans le Concile certaines parties plus importantes et d’autres moins importantes.

La première fois que Mgr Pozzo en parle, c’est au mois de février de cette année 2016, mais voyez c’est déjà presque neuf mois après qu’ils nous aient fait leur proposition. Ils ont effectivement laissé tomber des choses assez importantes. Ils ne nous demandent plus de prononcer la « profession du cardinal Ratzinger ». Là où Mgr Lefebvre avait achoppé précisément sur une parole du cardinal Ratzinger qui avait fait un ajout à la profession de foi habituelle. Et cet ajout concerne ce qu’on appelle le magistère authentique. Le cardinal Ratzinger, à l’époque, avait expliqué qu’avec cet ajout on demandait une soumission religieuse aux textes du magistère authentique, obligeant les catholiques à accepter le Concile. On peut en discuter : en soi, c’est vrai qu’on doit aux textes, comme une encyclique par exemple, une soumission respectueuse. Il est normal de recevoir ce texte respectueusement, puisque c’est l’autorité suprême qui s’exprime.

En soi, la phrase n’est pas choquante, elle est même catholique. Mais bien sûr, quand on fait le lien avec ce Concile, cela commence à devenir plus gênant. Et donc, nous avons vraiment bloqué sur cette profession de foi. Eh bien, à la fin, on ne nous la demande plus ! On nous demande de prononcer l’ancienne, celle qu’on appelle la profession de foi tridentine ou de Pie IV. Dans le texte, ils l’appellent la « profession des pères du Concile ». Oui, les pères du Concile – c’est-à-dire tous les évêques réunis au concile Vatican II – ont fait, au début de la première session, une profession de foi qui est la profession de foi traditionnelle. De même que la messe qui était célébrée pendant le Concile, était l’ancienne messe…

Divers degrés d’autorité et d’obligation dans les textes conciliaires

En deuxième point, ils avaient rayé tout ce qui concerne la liberté religieuse, l’œcuménisme. On ne nous demandait plus rien. C’est intéressant ! Pourquoi font-ils cela ? Dans cette première interview donnée à Zenit au mois de février (28 février 2016. NDLR), on voit qu’il faut quand même accepter tout le Concile. Mais effectivement, il y a des degrés. Et, cette pensée va être précisée au mois d’avril (La Croix, 7 avril 2016). Et là cela devient particulièrement intéressant, parce que tout d’un coup on va nous dire que ce qui a été produit par le Concile mais qui n’est pas dogmatique, c’est-à-dire tout ce qui est déclarations –déclaration au monde, etc. –, ce ne sont pas des critères de catholicité, selon Mgr Pozzo. Qu’est-ce que cela veut dire ? « Vous n’êtes pas obligés d’être d’accord pour être catholiques ».

C’est ce qu’il a commencé à dire en parlant de la Fraternité. Et à nous, d’une manière explicite, il nous a dit : « Sur la liberté religieuse, sur l’œcuménisme, sur Nostra Ætate, sur la réforme liturgique, vous pouvez maintenir votre position ». Quand je l’ai entendu, j’ai trouvé cela tellement fort, que je lui ai dit : « Il n’est pas impossible que je doive vous demander de venir nous le dire, parce que nos confrères ne vont pas me croire. »

Et encore aujourd’hui, je pense qu’il est légitime de poser la question : est-ce que c’est sérieux ? Est-ce vrai, ou pas ? Mgr Pozzo a effectivement donné plusieurs interviews. Je vous ai cité celle du mois d’avril, il y a eu celles du mois de juillet (Zenit, 4 juillet 2016, et Christ und Welt, 28 juillet 2016)… Entre les deux, au mois de juin, il y a son supérieur, le cardinal Müller, qui a dit le contraire (Herder Korrespondenz, juin 2016). Donc vous avez d’un côté Mgr Pozzo qui est le secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, qui a dit en public (dans La Croix du 7 avril 2016) : « ‘Les affirmations des vérités de foi et de doctrine catholique sûre contenues dans les documents du concile Vatican II doivent être accueillies selon le degré d’adhésion requis’, poursuit l’évêque italien qui redit la distinction entre le dogme et certains décrets ou déclarations contenant des ‘directives pour l’action pastorale, des orientations et suggestions ou des exhortations de caractère pratico-pastoral’, comme c’est le cas notamment de Nostra Ætate ouvrant au dialogue avec les religions non chrétiennes. Celles-ci ‘constitueront y compris après la reconnaissance canonique un sujet de discussion et d’approfondissement en vue d’une plus grande précision, afin d’éviter les malentendus ou équivoques qui, nous le savons, sont répandus dans le monde ecclésial actuel.’ » C’est très intéressant.

Mais ce sont des paroles qui ne sont pas toujours très claires. Selon que l’on se situe d’un côté ou de l’autre, Mgr Pozzo se trouve un peu coincé. A nous, il dit : « Vous avez le droit de ne pas être d’accord, et d’être catholiques ». Cependant, si c’est dit trop fort dans le monde des modernes, c’est la révolution. Pourquoi ? Parce que, et cela nous l’avons toujours dit : ces fameux germes mortifères pour l’Eglise, introduits au Concile, l’ont été dans ces documents sur l’œcuménisme, la liberté religieuse, Nostra Ætate, la relation avec les religions non chrétiennes. C’est bien là, avec aussi Gaudium et spes, que l’on trouve le plus fortement exprimée cette approche positive du monde.

C’est pour cela que nous avons toujours dit que nous sommes contre. Dans le Concile, c’est sûr, on trouve la répétition de quantité de dogmes, on y dit qu’il y a la Sainte Trinité, que Notre Seigneur Jésus est Dieu, on y dit tout cela ! On dit même, dans le Concile, que pour être sauvé, il faut passer par Notre Seigneur. C’est dit dans le Concile. Il y a même quelqu’un qui s’est amusé à montrer que nous étions plus fidèles au Concile que les jésuites…

Mais, le problème, ce ne sont pas les bonnes choses qu’on peut y trouver et qui existent bel et bien. Le problème, c’est le mal ! Si vous mettez dans une soupe une goutte de cyanure, vous avez beau y mettre de bons légumes, du bon bouillon, la meilleure eau que vous voulez, le potage est imbuvable à cause du poison. C’est ce qui se passe au Concile. C’est pour cela que nous disons que le Concile est imbuvable. Pas à cause des bonnes choses qu’on peut y trouver, mais à cause du poison. Et justement, ce poison se trouve concentré non pas partout, mais dans un certain nombre de ces documents dont Mgr Pozzo nous dit aujourd’hui :

« Vous n’êtes pas obligés de les accepter pour être reconnus comme catholiques ». Encore une fois, la grande majorité des gens qui sont dans l’Eglise aujourd’hui, pensent exactement le contraire. C’est-à-dire qu’ils voient dans ces documents le fondement de leur Eglise, ce qu’on appelle l’Eglise conciliaire. Les modernes vivent précisément de cela. Une partie de notre action consiste à dire ce que je vous dis de façon suffisamment ouverte pour voir comment les modernes vont réagir, parce que – en soi – ils doivent réagir. Ils ne peuvent laisser passer cela. Ils doivent réagir à Rome et ils doivent dire aux autorités : « Ce n’est pas possible ». Quelque part il va y avoir un : « c’est eux ou nous ». C’est inconciliable. On va voir ce qui va se passer.

Un concile théoriquement pastoral, mais pratiquement dogmatique

Le cardinal Müller a insisté en disant : « Mais non, la Fraternité doit accepter tout le Concile ! » Et même il a parlé d’un engagement sans restriction sur l’œcuménisme. Mais pas seulement… Il parle de la liturgie, de la liberté religieuse. Et après, son subordonné redit le contraire, en juillet. C’est le désordre ! Qui est-ce qu’il faut croire ? Il est impossible de penser que Mgr Pozzo dise ces choses-là s’il n’est pas soutenu.

Et en fait celui qui le soutient, c’est le pape. Evidemment, ce sont des situations invraisemblables. Et moi, j’attends de voir, car il y a déjà eu des actions contraires. Il y en a eu, par exemple, des laïcs allemands unis à une association juive (domradio.de, 19 mai 2016) qui ont fait une déclaration publique en disant : « Accepter la Fraternité sans Nostra Ætate, c’est inadmissible ». Purement et simplement. Un professeur de théologie allemand (Jan-Heiner Tück, Neue Zürcher Zeitung, 23 mai 2016, et Salzburger Nachrichten, 5 juillet 2016) a fait une déclaration à Vienne en disant : « Si on laisse la Fraternité rentrer dans l’Eglise sans le Concile, c’est le cheval de Troie dans l’Eglise ». Et cela a même été repris par Radio Vatican. Il y a eu d’autres textes, notamment celui de la représentante de l’American Jewish Committee à Rome (Lisa Palmieri-Billig, Vatican Insider, 28 juillet 2016. NDLR).

Elle a commenté l’article de Mgr Pozzo du mois de juillet, où il maintenait justement de manière très claire, que non, Nostra Ætate, l’œcuménisme, ne sont pas des critères de catholicité, qu’on a le droit de ne pas être d’accord et d’être catholique quand même. Et l’article, qui est très intelligemment rédigé, cite un rabbin, un professeur de théologie, et un musulman qui dit : « Nous suivons de très près cette histoire de la Fraternité avec Rome, de ses relations parce que nous aussi, nous sommes impliqués ». Un article très intelligemment rédigé qui est un avertissement très clair à Rome.

Il y a eu d’autres publications encore… Celle notamment d’un jésuite suisse (Christian Rutishauser SJ, Tages-Anzeiger, 30 septembre 2016) qui est un des membres appartenant à ce comité qui conseille le pape dans ses relations avec les juifs. Il vient de déclarer dans un journal de son pays qu’il va parler au pape car il est absolument inacceptable de recevoir la Fraternité sans l’obliger à adhérer à Nostra Ætate. Ainsi donc, il est raisonnable de penser qu’il va y avoir une pression énorme pour faire réviser ces jugements qui sont maintenant publics, comme quoi un certain nombre de documents du Concile n’obligent pas pour être catholique. Alors on va voir, cela sera très intéressant. On va voir ce que l’autorité va faire. Si l’autorité maintient le principe, même sans dire qui a raison ou qui a tort…

Car le simple fait de dire qu’on a le droit de ne pas être d’accord, c’est un boulon qu’on fait sauter au Concile ou une vis qu’on enlève. Donc, cela devient extrêmement intéressant. Cela peut être le début de la fin du Concile, dès lors que l’Eglise dit que ce n’est pas obligatoire. Ce qui en soi est vrai, ce n’est pas obligatoire. Que l’autorité le dise, cela pourrait bien être un début très intéressant. Ce n’est pas la fin du combat, mais on restaure un principe extrêmement important en disant : « non, ces textes-là ne sont pas obligatoires ».

Un magistère flou

Cette idée de non obligation est une nouvelle manière de penser dont je ne dis pas qu’elle est bonne, mais qu’on voit apparaître depuis quelques années et qui est extrêmement importante pour la suite. Lorsqu’en 2014 nous avons discuté avec la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, nous avons essayé de montrer qu’il y avait un grand problème au niveau de l’enseignement dans l’Eglise, au niveau du magistère.

Et j’avais pris quelques exemples. Ainsi cette déclaration du Saint-Siège sur la messe des chaldéens appelée Anaphore d’Addaï et Mari, c’est-à-dire une messe durant laquelle les chaldéens non catholiques n’utilisent pas les paroles de la consécration. Or vous avez une déclaration romaine qui affirme que cette messe est valide. Alors j’ai dit à Rome que cela détruit complètement toute la théologie des sacrements.

Vous savez ce qu’ils m’ont répondu ? « Ce texte ne relève pas du magistère ». Et pourtant on enseigne à tout le monde qu’une « messe » – qui en fait n’est pas une messe, serait une messe valide, sans les mots de la consécration. Et après, quand on fait une réclamation, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi nous répond que ce n’est pas du magistère. Alors, qu’est-ce donc, si ce n’est pas du magistère ? Ils ont dit que cela n’avait pas été produit par une des instances magistérielles, mais par un « Conseil ». Un autre exemple. La déclaration de Balamand (23 juin 1993). C’est une déclaration rédigée par des délégués du Saint-Siège, des cardinaux et des orthodoxes.

L’Eglise promet de ne pas convertir les orthodoxes. Et même condamne le fait d’essayer de les convertir, ce qu’on appelle l’uniatisme. De nouveau, la réponse du Saint-Siège fut de dire : « Ce n’est pas du magistère ». Et, tout récemment, vous avez un texte publié par le cardinal Koch, sur les relations avec les juifs (Document de la Commission pontificale pour les rapports religieux avec le judaïsme, 10 décembre 2015). C’est un texte monstrueux, carrément hérétique, qui prétend que les juifs peuvent être sauvés sans passer par Notre Seigneur (au n°36). Directement le contraire de ce que nous enseigne l’Ecriture sainte et le premier pape lui-même, saint Pierre qui dit ceci aux juifs : « Il n’y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés. » (Actes 4, 12)

C’est-à-dire qu’il n’y a pas d’autre moyen d’être sauvé que de passer par Notre Seigneur. Et voilà que le cardinal Koch estime qu’on peut faire une déclaration dans laquelle on dit le contraire. Mais, il nous dit, et c’est noir sur blanc (dans la Préface) : « Cela n’est pas du magistère ». Mais alors à quoi jouent-ils ? Ils enseignent sans enseigner. Cela établit une confusion partout. C’est une nouvelle attitude… Jusqu’ici, c’était clair pour tout catholique que lorsque Rome parle : Roma locuta est, causa finita est. Rome parle, Rome enseigne, et c’est fini. Et là on est en train de nous dire que non, « on lance simplement des pistes de réflexion ».

Dans beaucoup de ses encycliques, Jean-Paul II a même parlé de « méditations ». Ce n’est plus un enseignement, c’est une « méditation ». Je vous donne ces éléments pour vous montrer où on en est. Les entretiens doctrinaux continuent, ils deviennent de plus en plus intéressants parce que les autorités commencent à ouvrir la discussion. Jusqu’ici c’était uniquement : « Obéissez ». On enseigne et puis taisez-vous, soumettez-vous.

Tout d’un coup, ils changent d’attitude. Je pense qu’ils sont forcés, c’est un peu une conclusion de ce que me disait Mgr Pozzo, ils sont forcés par la situation catastrophique, la confusion absolument généralisée, jusqu’à Rome. Ils sont forcés de lâcher du lest. Ils ne peuvent plus tenir leurs positions, cela ne sert plus à rien. Cela me fait penser à ces paroles du cardinal Müller en 2014. Il nous disait : « Vous êtes en train d’obliger la Congrégation pour la Doctrine de la Foi à vous consacrer un temps précieux, alors qu’il y a d’énormes problèmes dans l’Eglise ! ». C’est intéressant, mais c’est justement ce qu’on leur montre ! Tout à coup, on est en train de constater qu’il y a d’énormes problèmes. Et ils se disent : cette Fraternité n’est pas un problème si énorme. Mais ils sont embêtés puisque nous leur disons : « C’est vous le problème ».

Ils ne savent plus comment nous prendre, et ils lâchent du lest. Jusqu’où cela ira-t-il ? Nous verrons bien. Mais je crois qu’actuellement, la situation est tellement catastrophique que cela cause une réaction extrêmement intéressante. A plusieurs niveaux. Au niveau des discussions, tous les évêques envoyés par Rome avec lesquels nous avons eu des entretiens doctrinaux, depuis deux ans, nous ont dit que les points en discussion – toujours les mêmes – sont des « questions ouvertes ».

Ils ont tous dit cela, cardinal inclus. Des « questions ouvertes », c’est-à-dire dont on peut discuter. Donc ce n’est plus obligatoire. Et ces discussions, elles portent des fruits. On ne les voit pas encore, car c’est au niveau de la réflexion théologique. Et cela prend beaucoup de temps bien sûr. Il y a des balbutiements qui vont dans la direction que j’ai indiquée. Certains passages de Mgr Pozzo peuvent être interprétés comme s’il voulait utiliser ces discussions pour essayer de corriger le tir dans l’Eglise. Mais il n’ose pas le dire trop fort, car précisément il y a une majorité qui va dans l’autre sens.

Des soutiens inattendus

De plus, avec ce que fait le pape, il y a eu des protestations de cardinaux sur les questions morales, sur la question du mariage, sur la question de la communion donnée aux divorcés-remariés. Il y a un certain nombre de cardinaux qui ont pris des positions publiques, et aussi des évêques. Il y en a certains qui ont clairement dit de manière ouverte leur refus, en déclarant : « Non, on ne fera pas cela. » Il y a les évêques africains qui ont dit clairement qu’il n’est pas question de donner la communion aux divorcés-remariés. C’est une réaction qui est en train de dire non à l’autorité suprême.

Ce que nous, nous faisons depuis cinquante ans. Cela devient extrêmement intéressant. Nous ne sommes plus les seuls. Alors certains disent : « Attention ! Attention ! Si vous allez faire un accord, après ils vont vous fermer la bouche ». Mais c’est passé cela ! C’est fini ! Il y en a d’autres qui parlent. Nous ne sommes plus les seuls. Nous n’avons plus le monopole de la protestation. Ils ne sont pas très nombreux, mais ce nombre augmente.

Et puis de temps en temps, je reçois des lettres. Comme celle-ci, je vous la lis en anglais parce que c’est une image : Stick to your gunsAlways stick to your guns. Cela veut dire : Ayez les mains sur vos revolvers. Tenez-les bien en main. Autrement dit : « Défendez-vous. Toujours. Et refusez des compromis dans ces choses qui n’appartiennent pas réellement à la substance de la foi : la liberté religieuse, l’œcuménisme, le dialogue avec les religions non chrétiennes. Nous sommes nombreux dans la hiérarchie à penser et croire ce que vous faites concernant ces questions. » C’est un évêque qui m’a écrit. Il n’écrit pas « je », il écrit « nous » sommes nombreux.

Il a écrit d’autres choses encore que je n’ose pas vous lire tellement elles sont louangeuses, mais c’est du genre : « Nous avons besoin de voix qui nous disent les limites de notre liberté dans ces domaines-là ». Il dit que l’Eglise, qui enseigne la vérité, s’est aujourd’hui perdue dans le gris, le flou. Il ajoute « Moi je crois à l’Eglise, cela ne peut pas durer, mais c’est l’état actuel ». Il dit même : « Venez à notre secours ». Et aussi : « Ne lâchez rien, continuez comme cela, on en a besoin ! » C’est nouveau ! Cela n’existait pas avant ! Les évêques nous disaient : évidemment il y a des problèmes, mais enfin… Et là ils nous disent : « Résistez, on en a besoin ! »

Effectivement, ils ne parlent pas trop fort parce qu’ils savent très bien que s’ils le font, ils se feront couper la tête. Mais ils travaillent dans le silence, ils travaillent à rétablir l’ancienne messe, comme un archevêque, qui m’a dit : « J’ai une génération de prêtres qui est perdue. On ne peut rien faire avec. Alors qu’est-ce que je fais ? Je m’occupe des jeunes ».

Et les deux critères qu’il m’a donnés : la formation des prêtres, en théologie, c’est la Somme de saint Thomas, et en spiritualité, en liturgie, c’est l’ancienne messe. Je ne vous dis pas leur nom, parce qu’on ne veut pas les griller ces prélats, mais ils sont plusieurs. J’en découvre, comme cela, par surprise, et il y en a un certain nombre ! Et ce sont de jeunes évêques ! Et certains d’entre eux sont nommés par le pape François ! Il ne nomme pas que des méchants ! Il est tout mélangé, comme toute son attitude, ce qui augmente aussi la confusion généralisée.

Mais c’est extrêmement intéressant de voir qu’il y a ce mouvement, et je suis certain qu’il ne s’arrêtera plus. Pourquoi ? Parce que ces évêques voient où est le vrai, ils ne lâcheront pas. Ils seront embêtés, ils seront coincés, parce qu’ils sont dans le système, mais ils ne lâcheront plus. De même que ces prêtres qui ont découvert l’ancienne messe, ils feront tout ce qu’ils pourront, ils seront embêtés, coincés, mais ils la garderont. Ce sont des morceaux de bataille gagnés.

Continuer le combat avec les moyens surnaturels

Devant nous, il y a encore de grands combats. Mais, au milieu d’un désastre qui est vraiment à désespérer, à faire perdre même la foi, il ne faut pas désespérer ! Cette Eglise, c’est celle du Bon Dieu, elle a été transformée en un champ de bataille invraisemblable, inouï, mais on voit, et c’est justement notre histoire, celle des quarante ans de notre Fraternité, on voit combien le Bon Dieu est avec nous. Combien il nous soutient, combien il nous bénit, à travers toutes les misères, les malheurs qu’on peut avoir, qu’on peut nous faire subir. Malgré tout le Bon Dieu est là ; au-dessus de ces misères humaines, il y a cette foi et cette œuvre de foi qui grandit. Malgré tout on s’impose discrètement, gentiment, dans notre travail de tous les jours. Et je vous invite à continuer.

Evidemment ce sont des situations extrêmement graves. Et vous avez vous aussi l’obligation de vous accrocher aux textes qui sont sains et saints. Les deux. Toutes ces encycliques des papes jusqu’au Concile. C’est une nourriture qui vous protège contre ces insanités qui sont déversées aujourd’hui partout. C’est invraisemblable les bêtises qu’on peut dire. Et de tous les côtés. Humainement, on peut se demander comment on peut s’en sortir.

Mais il ne s’agit pas d’un combat humain ! Et nos moyens, ce sont les moyens surnaturels ! Et vraiment, si la Fraternité continue, c’est parce qu’elle est fondée sur ces moyens surnaturels et avant tout, vous le savez bien, sur la messe et aussi sur la Sainte Vierge. Ces deux éléments sont comme les trésors que nous a donnés Mgr Lefebvre. La messe, le sacerdoce, avec cela tout le rayonnement de Notre Seigneur, ce qu’on appelle sa Royauté sociale, et puis la Sainte Vierge. Et tout simplement, si on continue comme cela, on est dans le vrai. Il ne faut pas se faire de souci, le Bon Dieu est là. Et il le montre tous les jours. Il faut donc continuer.

Ne vous laissez pas préoccuper tout le temps avec ces questions : « Est-ce qu’il va y avoir un accord ou pas ? » Je n’en sais rien moi-même ! On verra bien ! On ne lâchera pas, cela je le sais, avec la grâce de Dieu. Qu’Il nous vienne en aide ! Mais petit à petit on voit le travail qui s’accomplit avec le temps, cette crise réveille le petit nombre. Prions à cette intention. Et pour finir, un grand merci à Mgr Lefebvre ! Il faut lui avoir une grande gratitude, ne pas l’oublier.

Et merci aussi à tous ceux qui maintiennent cette œuvre, à vous aussi, très chers fidèles.

Pour conserver à cette conférence son caractère propre, le style parlé a été maintenu.

(Source : FSSPX/MG – Transcription, titre, intertitres et références DICI n°342 du 14/10/16)

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Sur la nécessité d’un dialogue doctrinal entre Rome et Ecône

 

04 AOÛT, 2009
 

Mgr Bernard Fellay dans un entretien accordé au Nouvelliste du Valais, le 26 septembre – propos recueillis par Vincent Pellegrini.

 

Mgr Fellay : (…) Pour le Concile Vatican II, Rome voudrait reprendre le protocole signé en 1988 par Mgr Lefebvre et par le cardinal Ratzinger. Ce protocole dit qu’une seule interprétation du Concile Vatican II est valable. Celle qui est faite à la lumière de la Tradition. Mais même si cela n’a pas été dit très explicitement, nous avons bien compris au cours de notre rencontre avec le pape qu’il nous considérait comme vieux jeu et que le concile c’est aussi un esprit que nous devons acquérir. Je suis d’accord avec la formule du concile interprété à la lumière de la Tradition mais je ne puis pas la signer dans le contexte actuel.

 

Le Nouvelliste : C’est parce que vous n’avez toujours pas la même appréciation du Concile Vatican II que Rome, que vous ne voulez pas signer une formule d’accord qui semble pourtant acceptable par vous ?

Mgr Fellay : C’est un problème de vision, d’état de la question. Le problème que nous sommes censés causer à l’Eglise n’est pas perçu de la même manière par Rome et par nous et c’est pourquoi nos solutions divergent profondément. Or, pour arriver à une solution il faut être d’accord sur l’état de la question. Nous sommes allés à Rome pour poser le problème correctement. En clair, nous ne sommes pas le problème. Car même si nous n’existions pas, la crise de l’Eglise serait tout aussi grave. Nous ne faisons en effet que réagir à la crise du monde catholique. Notre manière de voir le Concile Vatican II ne correspond pas à celle de Rome actuellement, c’est vrai. Et c’est pourquoi l’on ne peut pas rester dans des formules d’accord superficielles. Il faut aller au fond des choses. Nous n’aurions aucun problème à signer un accord superficiel, mais nous ne voulons pas d’une réconciliation simplement tactique qui ne conduirait à rien. Il faut que cet accord soit vrai, profond. Il ne servirait à rien de donner l’impression que tout est rentré dans l’ordre alors que rien n’est réglé. Dans la situation actuelle, un tel accord tromperait tout le monde. J’ai peur que le pape et la curie ne soient bloqués par la ligne progressiste. Cela expliquerait cette focalisation sur le seul Concile Vatican II. Je vous le répète, si Rome fait le moindre effort sérieux pour sortir de la crise, sans même parler de nous, le problème n’existera plus car l’ambiance et l’esprit auront changé.

(…)

 

Le Nouvelliste : Joseph Ratzinger travaille sur le dossier traditionaliste depuis plus de vingt ans. C’est un pourfendeur du relativisme contemporain et il est plutôt bien vu de vos milieux qui ont salué son élection. Il y a trois ans, il a même correspondu avec vous pour une reprise du dialogue sur des questions théologiques. Avez-vous l’impression que Benoît XVI est plus sensible à la tradition que son prédécesseur Jean-Paul II en ce qui concerne les questions liturgiques et doctrinales que vous posez?

Mgr Fellay : Sans aucun doute. La doctrine a plus d’importance pour Benoît XVI que pour Jean-Paul II. Ce dernier accordait plus d’importance à la pastorale, au vécu, à la communion prise au sens de l’être avec. J’ai l’impression que pour Benoît XVI, la foi a un rôle plus important et je pense qu’on le verra dans la nouvelle structure de la curie ainsi que dans sa façon de gouverner l’Eglise. Il va mettre à nouveau la foi à la première place, au-dessus de la politique et de la secrétairerie d’Etat. Paradoxalement, cela rend nos rapports à la fois plus faciles et plus difficiles. D’un point de vue liturgique, Benoît XVI a une inclination marquée contre la nouvelle liturgie. Je pense qu’il va conduire une réforme liturgique, une nouvelle «nouvelle messe» à base de l’ancienne selon une formule dont il a usé il y a deux ans. L’on peut s’attendre en tout cas à une réforme de la réforme…

 

Le Nouvelliste : Evaluez-vous la rencontre du 29 août comme une porte entrouverte par Benoît XVI aux traditionalistes de la Fraternité saint Pie X et comme un signe d’espérance pour l’unité?

Mgr Fellay : Ce n’est ni le premier ni le dernier pas, mais il va dans la bonne direction. D’un côté comme de l’autre, il va falloir cependant du temps même si Rome m’apparaît relativement pressée.

 

Le P. Luc-Thomas Somme, op., doyen de la Faculté de théologie de l’Institut catholique de Toulouse, dans La Nef d’octobre, – propos recueillis par Christophe Geffroy.

La Nef : Une réconciliation ne passe-t-elle pas nécessairement par un véritable débat doctrinal sur Vatican II ?

P. Somme : Certainement. Lorsque des chrétiens émettent une contestation d’ordre doctrinal, il ne faut pas éluder le débat, il faut se situer à cette hauteur-là : l’amour et la recherche de la vérité. La réponse ne peut pas être simplement disciplinaire, que ce soit pour résoudre le litige ou pour prétendre le classer sans suite. A cet égard, il est clair qu’un accord pragmatique à la hâte serait voué à l’échec. L’interprétation à donner au décret conciliaire sur la liberté religieuse, par exemple, doit être discutée. Les Dubia émis par la FSSPX, la Déclaration Dominus Jesus, peuvent aider à ce débat et les théologiens ont un rôle à jouer à cet égard. Mais le dialogue sera de sourds tant que le Concile Vatican II sera perçu comme une entité, une sorte d’hypostase, qui dispense de comprendre son histoire, son propos, la diversité des documents et de leur autorité. (…)

 

– Le texte intégral de cet entretien se trouve dans La Nef n° 164, octobre 2005 (B.P. 48  –  78810 Feucherolles)

 

 

Dans Le Figaro des 8-9 octobre, l’article de Sophie de Ravinel

Depuis l’élection de Benoît XVI, Mgr Bernard Fellay, chef de file des traditionalistes séparés de Rome, sent « comme un frisson qui traverse l’Eglise », une envie de résoudre la crise « dont beaucoup sont désormais conscients ». Un mois après son audience avec le nouveau pape, il affirme néanmoins que  » le risque d’arriver à une solution rapide trop superficielle est assez grand ». (…)

« Tel que je connais Benoît XVI, explique Mgr Fellay lors d’un  passage à Paris, je ne l’imagine vraiment pas nous considérer comme schismatiques ». Le prélat suisse en veut pour preuve l’audience de la fin du mois d’août dans la résidence d’été du pape, « qui s’est déroulée dans un climat de bienveillance ».

Sur le conflit qui l’oppose à Rome, il considère le concile Vatican II à la fois comme une point d’achoppement « et de solution ». « Nous ne pouvons pas imaginer que Rome se dédise, concède-t-il, mais le pape doit énoncer des principes, poser des actes qui manifestent clairement un retour à la tradition ». « Le concile doit être pris à bras-le-corps, affirme-t-il , les textes sont datés ». En clair, il considère qu’ils ont correspondu à une époque aujourd’hui révolue à ses yeux. (…)

 

 

 

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