Les accords Rome Pékin
publié dans regards sur le monde le 9 juillet 2019
L’embarras du pape face à l’offensive de Pékin contre les prêtres
Depuis que le pape François a signé un accord avec Pékin qui implique que les catholiques restés fidèles à Rome – et, pour cela, persécutés par les communistes – rejoignent « l’Eglise patriotique » inféodée au pouvoir et infiltrée par ses agents, les autorités communistes ne cessent d’exercer des pressions sur les prêtres récalcitrants. C’est ainsi que le gouvernement de Pékin fait désormais obligation aux prêtres d’adhérer à l’Association catholique patriotique, émanation du gouvernement. Ils doivent, dans cette démarche, signer un texte où ils reconnaissent le « principe d’indépendance, d’autonomie et d’auto-administration de l’Eglise en Chine. »Or, cela est contraire à la doctrine catholique. Les évêques, les prêtres, les fidèles relèvent de l’autorité de Rome, en l’occurrence du souverain pontife qui a un pouvoir de juridiction immédiat sur chaque catholique, celui de l’évêque lo-cal étant second. Si l’Eglise chinoise a été persécutée, c’est précisément pour cette fidélité à Rome. Or, comme l’a montré Jean Madiran, dans son magistral La Vieillesse du monde, dans un Etat communiste le parti doit être le « noyau dirigeant »de toutes les organisations et associations, églises comprises. Le pape qui n’ignore rien de cela ne pouvait pas ne pas savoir, en signant cet accord, qu’il impliquait une sujétion sans cesse accrue au pouvoir civil. A la suite de l’obligation faite aux prêtres de signer cette déclaration, Rome a publié des« orientations pastorales » pour prétendument aider les prêtres que le pape a lui-même mis dans cette situation conflictuel-le. A lire le document, on sent plus l’embarras du Vatican qu’un soutien aux clercs. Il affirme que la clandestinité n’est pas « la normalité »d’où la volonté pontificale de sortir de la première. Mais les catholiques n’ont pas eu le choix, ils ont été contraints à la clandestinité pour rester fidèles aux successeurs de Pierre, le dernier en date ne leur étant pas reconnais-sant qui les a abandonnés à Néron. Le Vatican ajoute que la constitution chinoise reconnaît la liberté religieuse. Cynisme ou naïveté ? Toutes les cons-titutions des Etats communistes reconnaissent la liberté religieuse, à commencer par l’URSS, et tous persécutent les croyants, c’est un fait historique. Le Saint-Siège demande aux communistes qu’aucune « pression » ou « intimidation » ne soit exercée à l’encontre des prêtres qui refusent de s’inscrire à l’Association catholique patriotique. Vous pensez bien que la dictature communiste se moque comme d’une guigne du vœu…pieu du pape ; elle conti-nuera à incarcérer, à déporter, à assassiner aujourd’hui comme hier et comme demain ceux qui refusent de s’inféoder à un régime communiste et athée. Puis Rome joue sur les mots : « l’indépendance » évoquée par le texte des communistes ne peut être comprise com-me une « séparation » ! Par le pape peut-être mais pas par Pékin. Finalement, François propose une sorte de double langa-ge ou une restriction mentale dont les jésuites ont été longtemps les spécialistes. Ceux qui s’enregistrent doivent consigner par écrit qu’ils respectent « le devoir de rester fidèle » à la foi catholique. En somme, à l’attention de Pékin, ils écriraient qu’ils souscrivent au principe d’indépendance de l’Eglise chinoise et à l’attention de Rome, au contraire, qu’il n’en est rien, restant fidèles à la doctrine catholique et à la soumission au souverain pontife. Quant aux prêtres qui, prudents, ne voudraient pas laisser d’écrits, ils pourront affirmer la même chose de façon « orale » devant un témoin ; le prêtre devra préciser son « intention » à son évêque, en priant pour qu’il ne le dénonce pas à la police politique. P.R. (Source Le Buelletin d’André Noël)