Paroles du cardinal Congolais à l’occasion du soixaintieme anniversaire de l’indépendance di Congo belge
publié dans regards sur le monde le 8 juillet 2020
Colonisation : le cardinal congolais ne mâche pas ses mots !
Le 30 juin, pour célébrer le soixantième anniversaire de l’indépendance du Congo belge, le cardinal Ambongo, ar-chevêque métropolitain de Kinshasa, a prononcé un sermon dans lequel il n’a pas mâché ses mots ! Non pas pour s’en prendre aux colonisateurs mais aux… Congolais. Loin de la langue de bois politique ou de la langue de buis ecclésiastique, il a porté le fer dans la plaie.
Qu’on en juge ! « Rêver de l’indépendance signifiait pour les Congolais de l’époque : accéder à l’indépendance pour occuper les postes des Blancs, s’asseoir sur les sièges des Blancs, jouir des avantages qui étaient réservés aux Blancs et pas aux Indigènes à l’é-poque. Accéder à l’indépendance signifiait, pour beaucoup, la fin des travaux forcés, justement ; mais au-delà des travaux for-cés, l’indépendance était comprise comme la fin de tous les travaux salissants. A l’indépendance, nous ne ferons plus des travaux de terre, nous serons tous des chefs. Nous allons occuper les postes des Blancs. Le lendemain de l’indépendance, et cela s’est vérifié avec la décision de la zaïrianisation : les Congolais ont oc-cupé les postes des Blancs. Et étant donné qu’ils ne comprenaient rien de ce que faisaient les Blancs quand ils occupaient tel ou tel poste, l’exercice d’autorité, l’exercice des charges, que ce soit des charges politiques ou dans le socio-économique ou dans l’administration a été compris comme l’occasion de jouir comme les Blancs. » Et encore : «Ainsi, l’exercice d’autorité au Congo a été compris comme une occasion de jouissance. On accède au pouvoir pour jouir, non pas rendre service à ceux qui sont sous ma responsabilité mais pour jouir comme le Blanc. Alors que ce dernier, quand il était assis sur ce fauteuil, il ne faisait pas que jouir. Il travaillait. Il comprenait le sens de son travail. Nous, par contre, nous avons mis de côté le service à rendre aux autres et nous avons mis l’accent sur la notion de la jouissance. » Enfin : « Comment comprendre que, 60 ans après son accession à la souveraineté internationale, le peuple congolais continue à s’appauvrir au point d’être classé aujourd’hui parmi les peuples les plus misérables de la terre ?(…) Après 60 ans d’indé-pendance, le constat est sans appel : nous avons honteusement échoué. Nous n’avons pas été capables de faire du Congo un pays plus beau qu’avant. En tout, nous avons collectivement failli. »
Nous ne pouvons pas tout citer dans le cadre de votre Bulletin mais tout le reste est de la même veine. Le texte est édifiant mais ajoutons-y néanmoins une information et quelques commentaires. L’information est que l’homélie du cardinal congolais est parue in extenso dans Vatican News, organe officiel du Vati-can. On ne sait pas si l’on a demandé l’avis du pape François ; ce que l’archevêque métropolitain de Kinshasa dit n’est guère en résonance avec les propos du Souverain pontife sur les colonisés vertueux et les colonisateurs cyniques, les premiers étant toujours les victimes innocentes des seconds…
Heureusement que son Eminence est noire !
Imaginez que de tels propos aient été tenus par un Blanc ! On entend d’ici le tollé, les accusations de racisme, la dénonciation du mépris à l’égard des Congolais.
Souvenons-nous des réactions quand, enjuillet 2007, à Dakar, le président Sarkozy avait déclaré que « le drame de l’Afrique » vient du fait que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire. » De l’ONU à Ségolène Royal, en passant par les ligues antiracistes, tout le monde dénonça ces propos. Seul le président sé-négalais, Abdoulaye Wade, a pris, avec humour, la défense de Nicolas Sarkozy, sachant que c’est son conseiller, Henri Guaino, qui avait rédigé son discours. Le président français avait été « victime de son nègre » a assuré Wade.
Le Roi des Belges, lui aussi, a célébré le soixantième anniversaire de l’indépendance du Congo mais, lui, en se frappant la poitrine et celle des Blancs.
Dans une lettre adressée à Félix Tshisekedi, président de la République Démocratique du Congo, le roi Philippe exprime « ses plus profonds regrets » pour cette colonisation. Or, le cardinal reconnaît que les maux dont souffre aujourd’hui son pays ne sont pas imputables aux colonisateurs mais aux Congolais eux-mêmes. S’il y a un regret à avoir de la part des pays colonisateurs, c’est d’avoir décolonisé trop vite alorsque les colonisés n’y étaient pas prêts, ne songeant, dit le cardinal, qu’à « occuper les postes des Blancs, s’asseoir sur les siè-ges des Blancs, jouir des avantages qui étaient réservés aux Blancs et pas aux Indigènes. » P.R