CIVITAS, au secours de la célébration libre de la messe.
publié dans regards sur le monde le 10 décembre 2020
lettre 774 du 7 Décembre 2020
CIVITAS AU SECOURS DE LA LIBERTE DE CULTE
UN ENTRETIEN AVEC ALAIN ESCADA |
Il nous a paru important de saluer le fait que, depuis le déclenchement de ce qu’on appelle la « crise sanitaire », Civitas a été en première ligne pour la défense de la liberté de culte. À la fin du premier confinement, en avril 2020, alors que le culte public restait interdit sans que cela ait engendré beaucoup d’objection de la part des autorités catholiques de France, l’association Civitas, rejointe ensuite par diverses associations traditionnelles, se plaçant tactiquement sur le terrain de la liberté de culte reconnue par les lois de Séparation – ce qui est légitime, dans la mesure où le but visé est celui de la liberté de l’Église –, a fait une requête en référé-liberté devant le Conseil d’État, lequel a donné raison à ces associations.
Lors du second confinement, qui a provoqué une nouvelle fois la cessation du culte, les évêques manifestant cette fois leur désapprobation, Civitas, avec beaucoup de réactivité, a déposé successivement deux requêtes en référé-liberté devant le Conseil d’État, la seconde couronnée de succès, de même que d’autres associations traditionnelles et aussi, cette fois, de la Conférence des Évêques. Nous avons demandé à Alain Escada président de cette association de répondre à nos questions pour nous expliquer comment une simple association de laïcs, proche de la Fraternité Saint-Pie-X, a dû montrer la voie aux évêques de France. Il est vrai qu’un certain nombre d’entre eux se sont « rachetés » lors de ce deuxième épisode de confinement (on pense, par exemple, à Mgr Ginoux, invitant les catholiques à entrer en foule dans leur églises pour y demander la messe). Par ailleurs, si les batailles devant les tribunaux de la République au nom de la liberté que reconnaissent les lois de laïcité, ont leur intérêt tactique, on peut cependant regretter qu’aucun évêque, à ce jour, n’ait rappelé que, dans cette affaire, c’étaient les droits natifs de l’Église qui étaient bafoués, et n’ait revendiqué comme Successeur des Apôtres la libre organisation du culte divin. L’union des forces traditionnelles, à laquelle invite Alain Escada à la fin de cet entretien, pourrait précisément s’appliquer à ce point fondamental : aider les évêques de l’Église à revendiquer clairement les droits de l’Épouse du Christ. Paix Liturgique – Comment-avez-vous eu l’idée de vous lancer dans cette série d’appels au Conseil d’État ? Alain Escada – Comme vous le savez, sous prétexte de lutter contre l’épidémie de Covid-19, les catholiques avaient été privés de l’assistance à la Messe y compris durant la Semaine Sainte, l’un des deux moments les plus importants du calendrier liturgique. C’est dans ce contexte que nous avons été contacté par un ami qui nous a suggéré que Civitas dépose un recours devant le Conseil d’État… Comme beaucoup de catholiques, cet homme d’affaires était indigné de constater que le gouvernement prévoyait le déconfinement sans pour autant envisager de rétablir la liberté de culte. Quelques jours plus tard, le 1er mai, notre premier référé-liberté était déposé. Paix Liturgique – En aviez-vous l’expérience, les moyens et les compétences ? Alain Escada – Civitas n’avait jusque-là aucune expérience en procédure devant le Conseil d’État. Cet ami qui nous priait d’endosser le rôle de requérant avait lui une petite expérience en ce domaine dans le cadre de ses activités professionnelles. Et la Providence a fait le reste. À la suite du communiqué annonçant cette première saisie du Conseil d’État, un talentueux juriste m’a proposé ses services et une cellule juridique s’est rapidement mise en place qui a travaillé sans compter ses heures. Je remercie tout particulièrement le principal animateur de cette cellule juridique, fin connaisseur en procédures devant le Conseil d’État, qui a souvent travaillé jour et nuit pour fournir les différents référés, les mémoires complémentaires et les réponses aux mémoires en défense du gouvernement. Il faut se rendre compte que, dans le cadre du dernier référé-liberté qui a cassé la jauge des trente personnes pouvant assister à la Messe, la procédure a été extrêmement rapide, contrairement aux référés-liberté du mois de mai. C’est tard dans la soirée du vendredi 27 novembre que le Conseil d’État nous a averti que l’audience était fixée le lendemain à 15h. Le ministère de l’Intérieur a fourni son mémoire en défense le samedi vers 11h30. Et l’un de nos juristes nous a remis une réplique une demi-heure après ! Je remercie vraiment le Ciel d’avoir mis sur notre chemin des juristes aussi talentueux et dévoués. Je n’oublie pas de remercier parmi eux le Professeur Franck Bouscau qui a systématiquement représenté Civitas à chaque audience. Paix Liturgique –Comment expliquez-vous que vous ayez été les premiers à vous lancer dans cette série de procédures ? Alain Escada – Cela s’explique notamment par le fait que la Conférence des Évêques de France préfère hélas s’attirer les grâces de la République plutôt que celles du Christ. C’est également la conséquence du Concile Vatican II. La Messe moderne est d’essence protestante. Les évêques modernistes ne perçoivent plus le sens réel de l’Eucharistie. Lors du premier confinement, ces évêques modernistes n’avaient donc pas considéré utile de contester. Bien au contraire, la plupart réclamait d’obéir sagement aux recommandations gouvernementales. C’était sans compter sur la stratégie adoptée par Civitas : prendre systématiquement l’initiative, de telle façon que les évêques se retrouvent face à ce cruel dilemme, soit laisser aux traditionalistes le monopole de la défense de la Messe, soit emboiter le pas aux traditionalistes. Le 18 mai, lorsque le premier jugement du Conseil d’État a donné raison à Civitas et aux autres requérants, tous issus du monde de la Tradition au sens le plus large, les évêques ont bien compris que leur absence dans ce dossier allait être sévèrement jugée par nombre de leurs fidèles. Dès lors, en ce mois de novembre, ils ont voulu ne pas nous laisser toute la place, sans pour autant se précipiter avec conviction dans cette bataille juridique, mais plutôt contraints et forcés. Dans un cas comme dans l’autre, c’est la Tradition catholique qui sort gagnante aux yeux de tous. Paix Liturgique – Et surtout d’avoir été jusqu’au bout… Alain Escada – Il est vrai que les pressions et les déceptions ont parfois été au rendez-vous. Ainsi, en dehors des procédures devant le Conseil d’État, Civitas s’est retrouvé à de multiples reprises devant le Tribunal administratif durant le mois de novembre pour obtenir que des manifestations religieuses, donc priantes, et des messes en plein air puissent se tenir. Beaucoup de nos responsables locaux ont reçu la visite inattendue des gendarmes à domicile. Pour leur Foi, des laïcs ont assumé des tentatives d’intimidation commandées par les préfets sur ordre du ministère de l’Intérieur. Pendant ce temps, de trop nombreux clercs, y compris de la Tradition au sens large, sont restés étrangement éloignés de ce combat pour la Messe. Soit, pour les uns, qu’ils craignaient de déplaire à leur évêque et de perdre quelque petit avantage, soit, pour les autres, qu’ils redoutaient d’exciter la colère républicaine, quand ce n’était plus piteusement encore parce que cela venait perturber leur petit confort et leurs habitudes. Mais, une fois encore, je remercie la Providence d’avoir forgé le caractère de nos militants et de nous avoir accordé aussi le soutien sans faille de prêtres et religieux parmi lesquels je tiens à remercier tout spécialement les Capucins de Tradition des couvents de Morgon, d’Aurenque et de Pontchardon. Paix Liturgique – Quelles leçons tirez-vous de cette « aventure » ? Et comment voyez-vous l’avenir … dans cette affaire de l’interdiction du culte mais aussi d’une manière plus générale ? Alain Escada – La première leçon à tirer, c’est que les catholiques peuvent emporter des victoires, même par des moyens légaux. C’est un bon remède contre les pessimistes qui tentent de justifier leur inaction en propageant le défaitisme. La deuxième leçon, c’est que les catholiques doivent se prendre en main, s’organiser et démontrer leur fidélité au Christ, sans se soucier des critiques d’évêques modernistes dont l’influence est de plus en plus réduite. La troisième leçon est que, face à une offensive laïciste de plus en plus agressive, les catholiques de Tradition, au sens le plus large, doivent apprendre à collaborer, tout au moins à converger. La guerre scolaire déclarée par Emmanuel Macron l’impose si nous voulons avoir la moindre chance de sauver l’instruction en famille et les écoles hors contrat. Et la bataille pour la Messe nécessitera certainement de nouvelles mobilisations dans les semaines et les mois à venir. Pour en savoir plus : Civitas
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