L’Angelus de Benoît XVI du 9 août 2009: l’humanisme athée
publié dans regards sur le monde le 12 août 2009
L’humanisme athée
« Il y a des philosophies et des idéologies, mais de plus en plus aussi des manières de penser et d’agir, qui exaltent la liberté en tant qu’unique principe de l’homme, en alternative à Dieu, et qui, de cette manière, transforment l’homme en un dieu, (1), qui fait de l’arbitraire leur propre système de comportement »
Ce sont les paroles que Benoît XVI a tenues lors de l’Angelus qu’il récitait le dimanche 9 août à Castel Gandolfo avec les fidèles réunis devant le Palais pontifical.
C’est ainsi qu’il définit l’humanisme athée dont il parlait quelques instants avant l’opposant radicalement à l’humanisme chrétien.
(1 : Cette traduction française qui se trouve sur tous les sites francophones n’est pas correcte. Il manque une partie importante et significative de la phrase. En italien, le pape a écrit : « ci sono filosofie e ideologie, ma sempre più anche modi di pensare e di agire, che esaltano la libertà quale unico principio dell’uomo, in alternativa a Dio, e in tal modo trasformano l’uomo in un dio, ma è un dio sbagliato, che fa dell’arbitrarietà il proprio sistema di comportamento ». Le membre de phrase souligné en gras n’a pas été traduit dans le texte français. En français, il faudrait traduire, littéralement : « ….et qui, de cette manière, transforment l’homme en un dieu, mais c’est un dieu raté ou manqué ». On pourrait traduire : « mais c’est un dieu déchu ». C’est une précision théologiquement importante. Cette expression fait allusion au péché originel qui a fait déchoir l’homme de sa dignité originelle. De sorte qu’il faut dire que dans la pensée de Benoît XVI, l’humanisme athée a son principe dans la désobéissance d’Adam. On peut dès lors le définir comme étant le refus de Dieu et de sa loi. C’est ce que le Pape va enseigner).
Je crois que nous avons là une juste définition de l’humanisme athée, mais plus encore, une triste analyse des temps modernes!
En effet, aujourd’hui, la liberté est tout particulièrement « exaltée » à tel point qu’elle est devenue, comme le dit le Pape, « l’unique principe de l’homme ». Ce n’est plus Dieu et sa Loi qui est la norme de l’agir humain. Non. C’est l’homme qui est à lui-même sa propre loi. « Il est libre ». Il est la norme de tout. Il a toute liberté. C’est dans cette liberté absolue qu’il prétend réaliser son bonheur absolu et sa perfection totale ici-bas.
« Liberté » ! Voilà ce qui est affiché dans tous les édifices publics. C’est le fondement de l’enseignement moral des écoles publiques comme des institutions civiles. Cette liberté est revendiquée par tous les gouvernements, inculquée à tous les esprits, par toute l’atmosphère médiatique. La liberté, comme le dit bien le Pape est « exalté partout en tant qu’unique principe de l’homme ». La liberté est pour l’Europe et l’Occident en général, ce qu’est le Coran en pays musulman ou ce que fut l’Evangile pour le Moyen Age. Il ne s’agit pas seulement d’un principe social et politique, mais d’un principe philosophique et religieux puisque cette liberté est érigée en « absolue ». Elle est « sacrée », « inaliénable ».L’humanisme athée, actuel, a pour principe la liberté mais considérée non pas seulement comme l’unique principe de l’homme mais encore et surtout « en alternative à Dieu », en italien « in alternitiva a Dio », « de tel sorte qu’il transforme l’homme en un dieu ». Sa norme n’est plus Dieu mais c’est sa propre liberté, son propre « arbitraire ». Le principe et la source de l’agir et de la pensée, c’est la liberté humaine. Tout dérive de cette liberté. On comprend que l’on puisse dire de cet humanisme athée qu’il est fondamentalement libéral. Je trouve mon bonheur et ma perfection en me libérant de tout ce qui prétend s’imposer à ma pensée, à ma conscience, en devenant le maître absolu de ma pensée – « in alternativa a Dio », dit justement le Pape -, de ma conscience, de ma religion. Le dogmatisme, l’intolérance : voilà l’ennemi ! Il faut s’en libérer. C’est le principe premier, essentiel de la Franc-maconnerie. Et voilà pourquoi on vient d’assister encore à une « victoire » de la liberté, mais tout autant à une victoire de la Franc Maçonnerie, par la « libération » du précepte dominical, ce carcan d’un autre âge. Ce principe divin était un obstacle à ma liberté. Pourquoi ne ferais-je pas du commerce le dimanche comme je le fais le lundi ? Face à Dieu, je suis maître d’affirmer ou de nier, à ma guise, d’adhérer ou non à toute doctrine. Je n’accepte aucune vérité qui ne serait pas l’œuvre de la création de mon esprit. Le doute cartésien est au principe des temps modernes et de l’humanisme athée. Je suis libre. Je ne reconnais pas de vérité antérieure à mon esprit. C’est ma raison qui, maîtresse de mes jugements, est source de vérité. Il s’agit ainsi d’une « vraie divinisation » de la raison humaine.
C’est ce que reconnaissait le Pape Benoît XVI dans son allocution du 4 août 2009, lors de son audience générale à Castel Gandolfo affirmant, sans ambages, que la période révolutionnaire fut la période de la « divinisation de la raison ». On peut comprendre alors que cette civilisation moderne fondée sur la liberté comme seul principe de l’homme puisse avoir son origine en la Révolution française.
Divinisation de la raison humaine : si la raison humaine n’est plus faite pour connaître ce qui est et adhérer à une vérité qui s’impose à elle et dont elle n’a pas le choix, si la raison crée à sa guise le vrai et le faux, elle possède ainsi cette indépendance souveraine du Créateur dont tout dépend et qui ne dépend de rien, elle est pourvue d’attributs véritablement divins et l’homme peut s’adorer lui-même dans le Temple de sa raison ainsi divinisée.
Divinisation de la raison : je ne suis soumis à aucune loi que je n’ai pas acceptée. Il n’y a pas de loi morale qui vienne de plus haut que moi et qui me domine ou me détermine. Ma raison est la seule source de toute loi et de toute morale. Ma raison est seule législatrice, seule juge souveraine et indépendante de toute autorité supérieure à moi-même.
La phrase du pape est vraiment très précise et parfaite : « Il y a des philosophies et des idéologies, mais de plus en plus aussi des manières de penser et d’agir, qui exaltent la liberté en tant qu’unique principe de l’homme, en alternative à Dieu, et qui, de cette manière, transforment l’homme en un dieu, (mais en un dieu déchu) qui fait de l’arbitraire leur propre système de comportement »
Si donc je suis divinisé dans ma raison et dans ma liberté absolue, je n’ai plus d’obligation de religion vis-à-vis de Dieu qui serait Créateur et Maître. Non. Au contraire, je suis mon propre maître, « in alterntiva a Dio » et si j’embrasse une religion, c’est en considérant Dieu comme un idéal personnel que je peux librement accepter ou rejeter selon qu’il me plait. Je suis libre d’être à ma guise croyant ou athée, d’avoir telle religion ou de ne pas en avoir. Dieu n’est plus une réalité supérieure dont tout dépend, mais un simple « idéal » librement choisi ou refusé et finalement une création de mon esprit qui a seul les attributs divins et qui est le seul créateur, le seul dieu. Le pape parle juste lorsqu’il dit que la liberté absolue « transforme l’homme en un dieu, qui fait de l’arbitraire son propre système de comportement ».
La liberté, principe absolu, de cet humanisme athée, implique nécessairement l’adoration de l’homme devenu supérieur même à Dieu puisqu’il peut choisir ou rejeter Dieu, puisqu’il crée Dieu, s’il le veut, librement dans sa conscience comme un « idéal ».
Le principe de la liberté absolue, en affirmant l’indépendance absolue de l’homme vis-à-vis de tout ce qui pourrait lui être supérieur et s’imposer à lui, érige véritablement le culte de l’homme-dieu en faisant de l’homme un absolu. Il fait de l’homme le principe et le centre de tout. Cet humanisme athée est finalement un anthropocentrisme.
Résumons : la conception moderne a pourvu l’homme d’une liberté et d’une indépendance toutes divines. C’est dans cette liberté et cette indépendance absolues, c’est-à-dire sans avoir à se soumettre à aucune vérité qui s’impose à sa pensée ni à aucune loi qui s‘impose à sa conscience, que l’homme trouverait tout seul et par lui-même sa perfection et son bonheur en se passant de Dieu et de sa Loi, en étant son seul Maître, l’homme trouvant son bonheur et sa perfection dans sa pensée libre, dans sa raison libre, dans sa liberté absolue. Voilà l’humanisme athée qui occupe l’esprit de beaucoup, de beaucoup de philosophes, d’idéologues mais aussi qui inspire beaucoup de manière de pensée et d’agir, nous dit le pape.
Et sa conclusion est terrible ! Le résultat de cette exaltation de la liberté humaine fut, chose étonnante, les camps de concentration nazis et bolcheviques : « Les camps de concentration nazis, comme tout camp d’extermination peuvent être considérés comme des symboles extrêmes du mal, de l’enfer qui s’ouvrent sur la terre lorsque l’homme oublie Dieu et se substitue à Lui, en lui usurpant le droit de décider ce qui est bien et ce qui est mal, de donner la vie et la mort. Malheureusement cependant ce triste phénomène n’est pas limité aux camps de concentration. Ils sont plutôt le pic culminant d’une réalité vaste et diffuse aux frontières souvent qui échappent ». L’athéisme actuel fait peur… « Quand je reviendrai trouverai-je encore la foi ? »
On peut conclure que le libéralisme et l’idéalisme qui sont au principe de l’humanisme athée contemporain sont à l’origine des drames contemporains, des maux contemporains, d’abord des camps de concentration et des exterminations de catholiques et de juifs, « les Juifs ne furent pas les seules victimes », et ensuite du drame de l’avortement actuel.
Et face à cet humanisme athée se dresse l’humanisme chrétien qui est le triomphe de l’amour, de la subordination de l’être créé au Dieu tout Puissant : « nous avons justement les saints, qui, en pratiquant l’Évangile de la charité, donnent raison à leur espérance ; ils montrent le vrai visage de Dieu, qui est Amour, et, en même temps, le visage authentique de l’homme, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu ».
Jean-Paul II, déjà dans son livre: « Mémoire et identité », vrai testament politique du pape, a enseigné les mêmes vérités.