Lu dans Présent du Mardi 18 août 2009, sous la plume de Jean Madiran :
publié dans flash infos le 17 août 2009
Mademoiselle Philomena de Tornos, qui le 2 mai dernier a épousé, en la cathédrale de Senlis, le prince Jean d’Orléans, duc de Vendôme, a été onze ans élève de l’Ecole de la Providence de Malvières, école de filles fondée par Luce Quenette quelques années après avoir fondé pour les garçons l’école de La Péraudière.
Ces noms de Luce Quenette, de La Péraudière, de Malvières, si justement honorés par une fidèle piété filiale, faut-il une fois encore dire ce qu’ils viennent nous rappeler : une grande figure, un haut lieu, l’aventure exemplaire d’une opposition militante de laïcs à cette « apostasie immanente » qui avait été endiguée par Pie XII mais qui a fait tache d’huile dans le clergé et dans une grande partie de sa hiérarchie à partir de 1958.
Luce Quenette avait ardemment soutenu Itinéraires dès le premier numéro ; puis, de 1967 jusqu’à sa mort en 1977, elle avait donné à la revue une soixantaine d’articles restés inoubliables pour tous ceux qui les ont lus. Isolés ? minoritaires ? marginalisés ? disqualifiés comme les nôtres par leur pessimisme maladif ? Mais bientôt, en 1978, un Emile Poulat allait énoncer dans Le Monde son terrible diagnostic
:
« Un processus est désormais engagé dont on voit mal qui pourrait l’enrayer, et comment… « Mais comment n’y pas reconnaître la diffusion dans le domaine public de ce que Pie X dénonçait en 1907 sous le nom de modernisme et dont il fit tout pour préserver l’Eglise catholique ? Ce qu’il condamnait comme aberration prend de plus en plus caractère d’évidence collective. »
Si, comme l’abbé Berto, Luce Quenette avait été à l’avant-garde de l’opposition spirituelle menée par des prêtres et des laïcs réfractaires à l’apostasie, c’est qu’au lieu d’une révolution théologique ne touchant directement que les sciences ecclésiastiques et l’enseignement dans les séminaires, il s’agissait cette fois d’une révolution culturelle : les écoles, le catéchisme des enfants baptisés, la messe du dimanche étaient donc au premier rang de la bataille. Nous disions que La Péraudière était une école de guerre et Luce Quenette un chef de guerre chrétienne pour le temps d’une guerre dans l’Eglise qui visait d’abord les enfants, leur piété, leur pureté, leur sens de l’honneur, leur éducation intellectuelle. Beaucoup de choses ont changé depuis la
mort de Luce Quenette, – trentedeux ans, le temps d’une génération à une autre, – mais pour l’essentiel, l’apostasie immanente est toujours installée comme une « évidence collective ».
Dans son testament, Luce Quenette avait écrit en 1971, à l’adresse de La Péraudière et de Malvières : « Nous ne sommes pas chargés de rétablir l’exercice régulier de l’autorité enseignante dans l’Eglise. Ce sera l’œuvre d’un pape et d’évêques que nous devons demander à Dieu. Mais nous sommes chargés chacun par notre vocation d’un petit groupe d’âmes dont il nous est demandé un compte rigoureux dès notre dernier soupir. »
Depuis la mort de Luce Quenette, ses écoles de La Péraudière et de Malvières ont fidèlement poursuivi leur tâche. Elles étaient bien sûr invitées au mariage de leur ancienne élève Philomena. La Lettre de La Péraudière de cet été nous en rapporte « un témoignage de première main ». Emmanuel Courtial y écrit : « Nous regrettons évidemment que ce mariage ait été célébré selon les rites actuels de l’Eglise, en dépit des arrangements effectués à la demande des époux, dans l’esprit des initiatives de l’actuel successeur de saint Pierre. Mais laissons la grâce divine opérer à son heure, et confions encore une fois ce nouveau foyer, si exposé par son rang et ses obligations, à la garde de la sainte famille de Nazareth. » Plus loin, Bruno Croizier cite une phrase du communiqué princier : « Les époux ont souhaité une cérémonie dans l’esprit de la réforme qui se manifeste par une célébration liturgique comportant l’offertoire et la prière eucharistique n° 1 en latin », et il ajoute simplement : « ce qui a donné beaucoup de dignité à la messe ».
Je pense que Luce Quenette, avec le même tact et la même fermeté, aurait manifesté le même regret.
Merci à Emmanuel Courtial et à Bruno Croizier, merci à La Péraudière de l’avoir fait. »
JEAN MADIRAN
NB : Je suis heureux de lire ce commentaire sous la plume de Jean Madiran. Mais alors quid du Motu Proprio de Benoît XVI « Summorum Pontificum » ?