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Entraide et Tradition
Entretien exclusif avec Mgr Athanasius Schneider

Entretien exclusif avec Mgr Athanasius Schneider

publié dans nouvelles de chrétienté le 28 septembre 2010


 Entretien exclusif avec Mgr Athanasius Schneider
SOURCE – Paix Liturgique – lettre 249 – 24 septembre 2010

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La réforme de la réforme promue par le Saint Père est une œuvre qui progresse lentement faute d’avoir, pour l’instant, reçu un soutien suffisant de la hiérarchie épiscopale. En dépit de l’attentisme de la majorité des prélats, quelques-uns ont cependant décidé de se lancer, avec enthousiasme et obéissance, dans la promotion du nouveau mouvement liturgique voulu par Benoît XVI: Nous sommes heureux de vous présenter cette semaine la première partie d’un entretien avec l’un d’entre eux, SE Monseigneur Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de Karaganda au Kazakhstan et auteur du livre “Dominus Est – Pour comprendre le rite de communion pratiqué par Benoît XVI”, publié en 2008 aux éditions Tempora. C’est précisément de cette question de la communion dont Mgr Schneider nous parle aujourd’hui.

1) Excellence, pouvez-vous, avant toute autre chose, nous présenter l’ordre religieux auquel vous appartenez : les Chanoines réguliers de la Sainte Croix, connus aussi sous le nom de Chanoines de Coimbra ?

Monseigneur Athanasius Schneider : L’ordre fut créé en 1131 à Coimbra, au Portugal, par Dom Tello et saint Teotonio, le premier portugais a être canonisé. Ils le fondèrent avec dix autres religieux, choisissant de suivre la règle de saint Augustin et se mettant sous la double protection de la Sainte Croix et de l’Immaculée Conception. L’ordre connut une croissance rapide.
Portugais de naissance, saint Antoine de Padoue, appartint à l’ordre avant de rejoindre les franciscains. En 1834, le gouvernement portugais interdit les ordres religieux. Cependant, pour l’Église, un ordre ne s’éteint que 100 ans après la mort du dernier de ses membres. En vertu de cette disposition, le Primat du Portugal décida de relancer l’ordre au sortir du concile Vatican II. Sa renaissance fut approuvée en 1979 par un décret du Saint Siège signé par Mgr Augustin Mayer, alors Secrétaire de la Congrégation pour les Religieux.
L’ordre est voué à la vénération de la Sainte Croix et des anges et lié de façon particulière à l’œuvre poursuivie par l’Opus Angelorum. Née en 1949 en Autriche, l’Opus Angelorum a donné vie en 1961 à la Confraternité des Anges Gardiens avec pour vocation de rassembler les “frères de la Croix”. La fondatrice de l’Opus Angelorum, humble mère de famille autrichienne, Gabrielle Bitterlich, voulait apporter une aide spirituelle aux prêtres et participer à l’expiation de leurs péchés par la pratique de l’adoration eucharistique.
L’Opus Angelorum, après avoir fait l’objet de différentes interventions du Saint Siège afin de clarifier son fonctionnement, est finalement devenu, depuis 2007, le tiers-ordre des Chanoines réguliers de la Sainte Croix.
L’ordre compte 140 membres, dont 80 prêtres, et est présent en Europe, en Asie et en Amérique.
Au sein de l’ordre, la messe est célébrée selon le Novus Ordo mais “versus Deum”, la communion étant donnée selon la forme traditionnelle, celle que le Saint Père a remise à l’honneur dans les cérémonies qu’il préside : communion sur la langue et fidèles agenouillés. Par ce choix, l’ordre perpétue aussi la mémoire de la fondatrice de l’Opus Angelorum qui avait beaucoup souffert de la généralisation de la communion dans la main.

2) Est-ce ce respect particulier pour l’Eucharistie qui vous a incité, Excellence, à rejoindre l’ordre ?

Monseigneur Athanasius Schneider : Oui. Vous devez savoir que j’ai vécu pendant 12 ans, les premières années de ma vie, sous la tyrannie du communisme soviétique. J’ai grandi dans l’amour de Jésus Eucharistie grâce à ma mère qui était une “femme hostie”, à savoir l’une de ces pieuses femmes conservant secrètement l’hostie consacrée pour éviter que soient commis des sacrilèges lorsque les prêtres étaient arrêtés ou interrogés par les autorités.
Vous comprendrez combien j’ai pu être choqué à notre arrivée en Allemagne, en 1973, quand j’ai découvert comment était pratiquée la communion à l’église. Je me souviens avoir dit à ma mère, en voyant pour la première fois la communion distribuée dans la main : “Maman, mais c’est comme lorsqu’on nous distribue des bonbons à l’école !”
Plus tard, quand j’ai cru avoir la vocation sacerdotale, j’ai cherché une voie qui me permette à moi aussi d’être, à ma façon, gardien de Jésus Hostie. La Providence a voulu que ce soit précisément au moment de la relance des Chanoines de la Sainte Croix.

3) Depuis son élection, survenue en pleine année eucharistique, Benoît XVI a constamment réaffirmé la présence réelle de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie. Il a même repris, depuis la Fête-Dieu de 2008, l’usage de donner la communion sur la langue à des fidèles agenouillés. Touchés par cet exemple pontifical, de nombreux prêtres, souvent parmi les plus jeunes, commencent à douter des mérites de la communion généralisée sur la main, d’ailleurs considérée par certains comme l’un des plus grands dommages de la réforme liturgique.
Votre livre, “Dominus Est”, aborde justement ce sujet. Selon vous, peut-on dire, comme Mgr Malcolm Ranjith le fait dans la préface de votre livre, que la communion dans la main a favorisé une diminution de la foi en la présence réelle du Christ et, par conséquence, un manque de respect envers le Très Saint Sacrement ? Pour preuve la relégation des tabernacles dans les recoins des églises, les fidèles qui ne font plus la génuflexion devant le Saint Sacrement, les communions sacrilèges, etc.

Monseigneur Athanasius Schneider : Je voudrais avant tout souligner que je crois que l’on peut aussi communier avec grande révérence en recevant l’hostie dans la main. Mais, dans sa forme la plus commune, où le ministre et le fidèle semblent avoir oublié toute la sacralité de l’événement, je dois bien admettre que la communion dans la main contribue à un affaiblissement de la foi et à une moindre vénération du Seigneur eucharistique. En ce sens, je suis pleinement en accord avec les observations de SE Mgr Ranjith.
Certaines considérations aident à les comprendre :
– Rien ne garantit la vénération des fragments les plus infimes de l’hostie. Je souffre de la perte des fragments de la Sainte Eucharistie, désormais très fréquente à cause de la pratique quasi générale de la communion dans la main. Je ne comprends pas comment est possible une telle indifférence qui conduit avec le temps à une diminution de la foi dans la Transsubstantiation, si ce n’est à sa disparition pure et simple…
– La communion dans la main favorise grandement le vol des espèces eucharistiques. Des sacrilèges que nous ne devrions en aucun cas permettre se commettent de ce fait.
– Le déplacement du tabernacle, en outre, nuit à la centralité de l’Eucharistie, y compris dans une perspective pédagogique : le lieu où se repose Notre Seigneur Jésus-Christ doit toujours être visible de tous.

4) Bien qu’elle n’ait été autorisée à l’origine que par un indult, la communion dans la main est devenue la norme, quasiment un dogme, dans la majorité des diocèses. Comment expliquez-vous une telle évolution ?

Monseigneur Athanasius Schneider : Cette situation s’est imposée avec toutes les caractéristiques d’une mode et j’ai le sentiment que sa diffusion a répondu à une véritable stratégie. Cette habitude s’est répandue avec l’effet d’une avalanche. Je me demande comment nous avons pu devenir insensibles au point de ne plus reconnaître la sublime sacralité des espèces eucharistiques, Jésus vivant en nous avec Sa majesté divine.

5) Pour le moment, très peu de prélats ont décidé d’imiter le Saint Père et de donner eux aussi la communion dans le mode traditionnel. Du coup, de nombreux prêtres hésitent à suivre son exemple. Selon vous, s’agit-il seulement de simples résistances conservatrices (on ne touche pas aux “acquis” du concile) ou, et ce serait pire, d’un désintérêt pour la question ?

Monseigneur Athanasius Schneider : Nous ne pouvons juger les intentions mais une observation extérieure laisse penser qu’il y a bien une résistance, si ce n’est en effet un désintérêt, envers le mode le plus sacré et le plus sûr de recevoir la communion. C’est comme si une partie des pasteurs de l’Église faisait mine de ne pas voir ce qu’accomplit le Souverain Pontife : un magistère eucharistique pratique.

LA DEUXIEME ET LA TROISIEME PARTIE DE CET INTERVIEW SERONT PUBLIEES DANS DE PROCHAINES LETTRES DE PAIX LITURGIQUE.

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