Le sacerdoce catholique. Troisième cnférence
publié dans la doctrine catholique le 3 décembre 2010
Troisième Conférence
De la dignité sacerdotale.
Il faut avoir une haute estime du prêtre.
Vous qui entrez au séminaire pour devenir un jour prêtre, il est de la plus haute importance que vous sachiez bien, comme le demande l’Eglise et particulièrement le catéchisme du Concile de Trente « à quel genre de dignité » vous aspirez, à « quel genre de dignité » vous êtes appelés.
Quelle est donc la dignité sacerdotale ?
Et ceci en mode d’introduction à notre retraite.
Sur ce sujet nous ne pourrons trouver meilleur guide que le Catéchisme du Concile de Trente dans son exposé sur le sacrement de l’Ordre. On trouve cet exposé dans le chapitre 26 du catéchisme consacré au Sacrement de l’Ordre.
En premier lieu, nous dit le Catéchisme, « il faut enseigner aux Fidèles quelle est l’excellence et la dignité de ce Sacrement, considéré dans son degré le plus élevé, c’est-à-dire dans le Sacerdoce ».
Le Catéchisme considère le sacerdoce, dans sa fonction ou ses fonctions. Les prêtres sont « comme les interprètes et les ambassadeurs de Dieu, chargés d’enseigner en son nom la Loi divine et les règles de la bonne conduite ». Voilà une première considération. Il la résume en disant « en un mot, les prêtres tiennent « sur la terre la place de Dieu Lui-même ». (Cf la notion d’ambassadeur, l’ambassade représente le président de la République, il agit en son nom et parle en son nom…)
On ne saurait imaginer « des fonctions plus nobles » que celles-là : tenir « sur la terre la place de Dieu même »
Aussi, il n’est pas étonnant, poursuit le Catéchisme, que l’Ecriture leur donne « quelquefois, et à juste titre, les noms d’anges et même de dieux, parce qu’ils exercent en quelque sorte au milieu de nous la Puissance même du Dieu immortel », comme l’amabssade la puissance de l’autorité suprême de son pays.
Mais le Catéchisme ne reste pas dans cette simple généralité. Tout de suite il rentre dans le concret et rappelle que la plus noble des fonctions, le plus grand des pouvoirs du prêtre est « de consacrer et d’offrir le Corps et le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ », mais aussi « de remettre les péchés ». Tout cela, dit-il, « dépasse toutes nos conceptions humaines. On ne peut rien trouver de comparable sur la terre ».
Ainsi vous le voyez, le catéchisme rappelle en premier lieu le pouvoir d’ordre sur le corps du Christ et le pouvoir de juridiction sur le Corps mystique du Christ, deux pouvoirs inhérents au sacerdoce catholique.
Ce pouvoir d’ordre, ce pouvoir de consécration, on sait, que le prêtre l’exerce « in persona Christi », non en son nom propre, mais dans la personne du Christ. Il s’identifie au Christ. Il est « un autre Christ ». « Alter Christus ». Un autre Christ ! Le prêtre, dans ses fonctions, dans son pouvoir sacerdotal – qui l’ordonne au sacrifice sacramentel, à la Sainte Eucharistie -, est identifié au Christ. « Ceci est mon Corps, Ceci est mon sang ». Quelle dignité ! Digne, non point en sa propre personne qui reste en elle-même misérable, mais dignité de cette personne en raison de son pouvoir tout divin : sur le Corps du Christ.
Il ne faut jamais cesser de méditer cela…Chaque matin, chaque fois que l’on monte à l’autel. Comment ne pas trembler ! Comment ne pas être admiratif.
C’est quand même plus que de descendre du mont Sinaï avec seulement les tables de la Loi. Et déjà le peuple juif était dans la crainte, dans la stupéfaction…nous dit l’Ecriture Sainte.
Mais avec le sacerdoce du Christ, avec le sacerdoce du Nouveau Testament, ce n’est pas la Loi que le prêtre porte, c’est la Sainte Eucharistie, l’auteur de la Loi, l’auteur de toutes lois, Dieu lui-même, le Sauveur. Le prêtre « actualise » pour cette génération le plan divin.
Vous garderez toujours cela dans votre cœur. Ainsi vous garderez toujours le sens de la dignité sacerdotale : le prêtre, un autre Christ, vérité qui se réalise essentiellement lors de la « réalisation» de la Sainte Eucharistie…Fonction particulièrement digne et première !
L’enseignement de Saint Pie X dans « Haerent animo »
Mais plus encore et surtout, nous dit saint Pie X, cette sainteté nous est une obligation du fait que nous sommes ministres de l’autel : « Mais par-dessus tout, en tant que ses ministres dans l’offrande du Sacrifice par excellence, perpétuellement renouvelé pour le salut du monde, nous devons nous mettre dans le même état d’esprit que celui dans lequel, Hostie immaculée, il s’est offert à Dieu sur l’autel de la Croix. ». Là, il cite et saint Jean Chrysostome et saint Charles Borromée. Saint Charles Borromée : « Avec une grande justesse, saint Charles Borromée insistait sur ce point dans ses discours à son clergé : “ Si nous nous rappelions, nos très chers frères, quelles grandes et saintes choses le Seigneur Dieu a déposées en nos mains, quelle force aurait cette considération pour nous porter à mener une vie digne d’hommes d’Église ! Qu’y a-t-il que le Seigneur n’ait mis dans ma main quand il y a déposé son Fils unique, coéternel et égal à lui ? Il a mis en ma main tous ses trésors, ses sacrements et ses grâces ; il y a placé les âmes, qui sont ce qu’il a de plus cher, qu’il a préférées à lui-même dans son amour, qu’il a rachetées de son sang ; il a mis en ma main le ciel pour que je puisse l’ouvrir et le fermer aux autres… Comment donc pourrais-je être assez ingrat, après tant de faveurs et d’amour, pour pécher contre lui ? Pour lui manquer de respect ? Pour souiller un corps qui est le sien ? Pour déshonorer cette dignité, cette vie consacrée à son service ? (Hom. Milan 1748, tom. V, p. 77. Orat. II in syn. Dioec. XI, a. 1584) ».
C’est cette troisième raison – ministres de l’autel – qui sera particulièrement développée par Mgr Lefebvre dans son enseignement auprès des prêtres de la FSSPX. Il voit une relation ontologique entre le sacerdoce et le sacrifice du Christ, le sacrifice de la Messe qui le prolonge, l’actualise. Et c’est de ce sacrifice du Christ qu’il tirera toutes les vertus du prêtre, sa sainteté, sa dignité. Autre la raison de sainteté du prêtre. Autre la raison de sainteté du religieux. Le prêtre a pour raison de sa sainteté le saint Sacrifice de la messe. Le religieux, les vœux de religions : pauvreté, chasteté, obéissance. Non point que le prêtre ne soit pas tenu aux mêmes vertus. Bien sûr que si, mais le prêtre y est tenu en raison de la relation ontologique de son sacerdoce avec le sacrifice du Christ. Et c’est pourquoi le prêtre développera en son âme les vertus qu’il voit briller en le sacrifice du Christ qui sont, au dire du catéchisme du Concile de Trente : « La passion met sous nos yeux les exemples les plus frappants de toutes les vertus : la patience, l’humilité, la charité admirable, la douceur, l’obéissance, un courage surhumain à souffrir pour la justice, non seulement des douleurs, mais la mort elle-même. Et nous pouvons dire en vérité, que notre Sauveur, dans le seul jour de sa Passion, voulut représenter en Lui toutes les vertus dont Il avait recommandé la pratique pendant le cours entier de sa prédication » (p 61)
Pie XII, aussi, dans son Encyclique « Mediator Dei » développera abondamment cette très belle idée.
A cette sainteté, l’Eglise ne cesse d’appeler ses « lévites » aux différentes étapes du sacerdoce, nous dit encore saint Pie X
Ainsi dans la cérémonie de la tonsure, l’Eglise leur rappelle le psaume XV : « Le Seigneur est la part de mon héritage et de mon calice : c’est Vous Seigneur qui me rendrez mon héritage ».
Au sous-diaconat, l’Eglise tient ce noble langage : « Si jusqu’à présent vous avez été négligents en ce qui concerne l’Église, désormais vous devez être assidus ; si jusqu’à présent vous avez été somnolents, vous devez désormais être vigilants ; si jusqu’à présent vous avez été déshonnêtes, désormais vous devez être chastes… Songez au ministère qui vous est confié ! (Ibid., Monition aux ordinands) ”
« Pour ceux qui vont recevoir le diaconat, l’Église adresse à Dieu cette prière par la bouche de l’évêque : “ Qu’il y ait en eux abondance de toute sorte de vertus, une autorité modeste, une pudeur constante, la pureté de l’innocence et la fidélité à la discipline spirituelle. Que vos préceptes, Seigneur, resplendissent dans leurs moeurs, et que leur chasteté exemplaire porte le peuple à les imiter saintement ” (Pontifical Romain, Ordination des diacres. Préface avec imposition de la main).
Mais les avertissements qu’elle adresse à ceux qui vont recevoir le sacerdoce émeuvent encore plus profondément : « C’est avec une grande crainte qu’il faut s’élever à une si haute dignité, et l’on doit veiller à ce que ceux qui sont élus se recommandent par une sagesse céleste, des moeurs sans reproche et une continuelle observation de la justice… Que le parfum de votre vie soit un des attraits de l’Église de Dieu, en sorte que, par la prédication et l’exemple, vous construisiez la maison, c’est-à-dire la famille de Dieu. ” Plus pressant que tous est le conseil très grave qu’elle ajoute : « Conformez votre vie aux mystères que vous célébrez » (Pontifical Romain, Ordination des prêtres. Monition aux ordinands ».
Oui ! La sainteté est requise à un tel ministère.
Il conclut, du reste, sa pensée par cette belle phrase du psaume 92 : « La sainteté convient à ta maison ».
Dignité du sacerdoce : le prêtre est « l’envoyé de NSJC »
Le catéchisme ajoute encore une autre raison. Le prêtre est « l’envoyé de NSJC » avec les mêmes pouvoirs…de sorte que le Christ a pu dire à ses disciples « Qui vous reçoit me reçoit ».
Voici comment le catéchisme de Trente s’exprime sur cette idée : « Enfin, comme notre Sauveur a été envoyé par son Père, comme les Apôtres et les disciples à leur tour ont été envoyés par Jésus-Christ dans le monde entier ; ainsi tous les jours les Prêtres sont envoyés avec les mêmes pouvoirs, pour travailler à la perfection des saints, à l’œuvre du Ministère, à l’édification du Corps de notre Seigneur » (Eph 4 12.) (Voilà une formulation parfaite du plan divin du salut voulu par Dieu).
C‘est ici encore une claire allusion au pouvoir de juridiction du prêtre sur le « Corps mystique du Christ qu’est l’Eglise.
Saint Alphonse de Liguori
Tout cet enseignement du Catéchisme du Concile de Trente a du certainement inspirer, un siècle plus tard, saint Alphonse de Liguori dans son beau traité sur le sacerdoce. Il commence précisément par rappeler aux prêtres leur dignité, en des termes très enflammés, s’inspirant des Pères de l’Eglise et rappelant les nobles fonctions sacerdotales. Voici un résumé des premiers chapitres :
La Dignité du sacerdoce catholique par saint Alphonse Marie de Liguori
Saint Ignace Martyr dit que le Sacerdoce est la plus grande de toutes les dignités créées. Saint Ephrem l’appelle une dignité infinie : « La dignité du Sacerdoce est un miracle merveilleux, grand, immense, infini ». Saint Chrysostome dit que, quoique le Sacerdoce soit exercé sur la terre, il doit néanmoins être rangé parmi les choses célestes. Cassien disait que le prêtre est placé plus haut que toutes les puissances de la terre et que toutes les hauteurs des cieux, et qu’il n’est inférieur qu’à Dieu seul. Et Innocent III ajoute que le prêtre est « un médiateur entre Dieu et l’homme, inférieur à Dieu, mais plus grand que l’homme ». Saint Denis appelle le prêtre un homme divin ; « qui dit prêtre, dit homme divin ». D’où le saint concluait que le Sacerdoce est une dignité divine. Aussi saint Ephrem croit que « le Sacerdoce excède toute pensée ». Et c’est assez de savoir que Jésus-Christ a dit que les prêtres doivent être traités comme sa personne elle-même : « Qui vos audit, me audit ; et qui vos spernit, me spernit » (Luc X, 16). Ce qui fait dire à saint Jean Chrysostome : « Qui honore le prêtre, honore le Christ ; et qui offense le prêtre, offense le Christ ».
En second lieu, l’on doit apprécier la dignité des prêtres, par la grandeur des fonctions qu’ils exercent. Les prêtres sont les élus du Seigneur pour traiter sur la terre tout ce qui concerne ses affaires et ses intérêts divins : « Genus divinis ministeriis mancipatum ». Le ministère sacerdotal est appelé par saint Ambroise une profession divine. Le prêtre est le ministre que Dieu destine à le servir en qualité d’ambassadeur public de toute son Eglise, pour l’honorer et pour obtenir ses grâces pour tous les fidèles.
La dignité sacerdotale et la sainte messe.
L’Eglise entière ne peut pas honorer Dieu et en obtenir des grâces aussi bien que peut le faire un seul prêtre qui célèbre la messe ; car l’Eglise, sans les prêtres, ne pourrait honorer Dieu d’une manière plus grande qu’en lui sacrifiant la vie de tous les hommes ; mais la vie de tous les hommes quel prix a-t-elle en comparaison du sacrifice de la vie de Jésus-Christ, qui est un sacrifice d’une valeur infinie ? Et que sont devant Dieu les hommes, sinon un peu de poussière ? (Is. XL, 15). Ils ne sont même rien : « toutes les nations sont comme rien devant lui » (Is. XL, 17). De sorte que le prêtre, en célébrant une messe, honore bien plus Dieu, en lui sacrifiant Jésus-Christ, que si tous les hommes en mourant lui sacrifiaient leur vie. De plus, le prêtre, par l’oblation d’une seule messe, honore infiniment plus Dieu que ne l’ont honoré, et que ne l’honoreront tous les anges et les saints du ciel réunis à la Vierge, car ils ne peuvent pas lui rendre un culte infini, comme celui que lui rend un prêtre en offrant le sacrifice de l’autel.
Le prêtre, en célébrant la messe, offre à Dieu de dignes actions de grâces pour toutes les faveurs qu’il a faites même aux bienheureux du paradis, actions de grâces que tous les bienheureux du paradis ne peuvent pas lui rendre dignement ; et c’est pour ce motif aussi que la dignité du prêtre est supérieure à toutes les dignités, même célestes. De plus, le prêtre est l’ambassadeur du monde entier auprès de Dieu, pour en obtenir les grâces pour toutes les créatures. Le prêtre « traite familièrement avec Dieu », dit saint Ephrem. Il n’y a pas de porte fermée pour les prêtres.
Jésus-Christ est mort pour créer un prêtre. Il n’était pas nécessaire en effet que notre Rédempteur mourût pour sauver le monde, c’était assez d’une goutte de sang, d’une larme, d’une prière pour obtenir le salut du monde entier, car il y aurait eu dans cette seule prière tant de mérite qu’elle aurait suffi pour sauver non seulement un monde, mais mille mondes ; mais la mort de Jésus-Christ a été nécessaire pour créer un prêtre, car où aurait-on trouvé la victime qu’offrent à Dieu les prêtres de la loi nouvelle ? Où aurait-on trouvé une victime assez sainte et immaculée pour rendre à Dieu un honneur digne de lui ? Oh ! toutes les vies des hommes et des anges ne sont pas suffisantes pour rendre à Dieu la gloire que lui rend un prêtre en disant la messe ».
Prudence pour conférer le sacerdoce.
Alors la dignité du prêtre est telle que l’ « on ne doit pas imposer témérairement, dit le Catéchisme du Concile de Trente, à personne le fardeau de fonctions si augustes. Ceux-là seuls doivent en être revêtus qui peuvent le soutenir par la sainteté de leur vie, par leur science, leur Foi et leur prudence. « Que nul ne vienne (donc) s’attribuer lui-même cet honneur s’il n’y est appelé de Dieu comme Aaron » (Hb 5 4) c’est-à-dire s’il n’y a été appelé par les Ministres légitimes de l’Eglise. Quant aux téméraires qui osent s’ingérer et s’introduire d’eux-mêmes dans ce ministère, il ne faut pas manquer de faire observer que Dieu les avait en vue, quand Il disait: [3] « Je n’envoyais point ces Prophètes, et ils couraient. » Il n’y a rien tout à la fois de plus pitoyable et de plus misérable que ces intrus, ni de plus funeste à l’Eglise ». (Cdu C de Trente p. 304)
Vous voilà prévenus.
Vous voilà avertis.
C’est noblement que vous devez chercher à devenir prêtre, que vous devez « entreprendre » cette course vers le sacerdoce.
Vous devez vous « proposer une bonne fin, dit le Catéchisme, puisque c’est de la bonté de la fin que dépend en grande partie la bonté des actes ».
Dès lors « la première recommandation » que je vous fais c’est que vous ayez « en vue rien qui soit indigne de si hautes fonctions ».
« Ce point demande à être traité avec soin ».
Vous seriez indignes si vous cherchiez le Sacerdoce « par la soif des honneurs et par l’ambition ».
Vous seriez indignes si vous n’embrassiez l’état ecclésiastique que pour vous procurer uniquement les nourritures terrestres et le seul gain que le sacerdoce procure.
« Il est bien vrai comme l’enseigne l’Apôtre, d’après la loi naturelle et la Loi divine, que « celui qui sert à l’Autel, doit vivre de l’Autel » (1 Cor 9 13), cependant c’est un grand sacrilège d’approcher de l’Autel en vue du profit qui en résulte ».
Vous seriez indignes si vous recherchiez les Ordres que pour vous enrichir. « Ce sont ceux-là que notre Sauveur appelle des mercenaires, et dont le Prophète Ezéchiel disait: « Ils se paissent eux-mêmes, et non leurs brebis. »(Ezech 34 1) Leur bassesse et leur avidité ont déshonoré l’état ecclésiastique aux yeux des Fidèles ».
Si telle était votre intention, sachez que vous ne tireriez « point d’autre fruit de votre Sacerdoce, que celui que recueillit Judas de son apostolat, c’est-à-dire votre perte éternelle.
Il n’y a donc, conclut le Catéchisme, « que ceux qui, étant légitimement appelés de Dieu, embrassent la carrière ecclésiastique dans le seul but de travailler à sa Gloire, il n’y a que ceux-là dont on peut affirmer qu’ils entrent vraiment par la porte dans l’Eglise. (Jn 10 12)
Dignité sacerdotale et la puissance ecclésiastique.
C’est donc en étudiant la nature même du sacerdoce que le Catéchisme du Concile de Trente veut faire ressortir la dignité de ce sacrement. Il faut, dit-il développer aussi les explications qui « se rattachent à proprement parler à la nature même du Sacrement, afin que les fidèles qui désirent entrer dans l’état ecclésiastique, sachent bien à quel genre de dignité ils sont appelés et quelle est l’étendue de la puissance que Dieu a donnée à son Eglise et à ses Ministres. » (p. 306)
Il développe cette idée dans le § 2 intitulé : « De la puissance ecclésiastique » :
C’est ce que fera également Saint Alphonse de Liguori dans son traité sur le Sacerdoce. Nous le verrons.
Tout d’abord l’enseignement du Catéchisme du Concile de Trente
« La puissance ecclésiastique est double, dit-il ; elle se partage
1° en pouvoir d’Ordre,
2° en pouvoir de Juridiction.
« Le pouvoir d’Ordre a pour objet le Corps adorable de Notre Seigneur Jésus-Christ dans la Sainte eucharistie ».
Vous noterez immédiatement la relation que le Catéchisme établit entre le sacerdoce et l’Eucharistie. Le sacerdoce est pour l’Eucharistie. Il a été institué pour l’Eucharistie. « Faites ceci en mémoire de moi ». Nous aurons l’occasion d’y revenir
« Le pouvoir de Juridiction s’exerce tout entier sur son Corps mystique. C’est à lui qu’il appartient de gouverner le peuple chrétien, de le conduire et de le diriger dans la voie de la céleste et éternelle félicité.
Le pouvoir d’Ordre n’a pas seulement la vertu et la propriété de consacrer l’Eucharistie ; il prépare encore les cœurs à recevoir ce Sacrement, il les en rend dignes, et, en général, il s’étend à tout ce qui peut avoir quelque rapport avec l’Eucharistie.
Cf les statuts de l’IBP, de la FSSPX
Le pouvoir de juridiction : « Nos Saints Livres parlent de ce pouvoir en beaucoup d’endroits. Mais nulle part il n’est exprimé plus clairement, ni d’une manière plus expresse, que dans Saint Matthieu et dans Saint Jean [8]. « Comme mon Père m’a envoyé. dit Notre-Seigneur, ainsi je vous envoie: recevez le Saint-Esprit: les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. » Ailleurs, il disait: [9] « En vérité Je vous le dis ; tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel ; et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans Ie ciel. » Ces deux textes pourront jeter une lumière très grande sur la Vérité que nous exposons, si les Pasteurs ont soin de les expliquer d’après la doctrine et l’autorité des saints Pères.
– Combien une telle puissance ne l’emporte-t-elle pas sur celle qui fut accordée sous la loi de nature aux hommes chargés du soin des choses sacrées ! Car l’âge qui précéda la Loi écrite, eut, lui aussi, son sacerdoce et son pouvoir spirituel, puisqu’il est certain qu’il avait sa loi: loi et sacerdoce tellement inséparable, au témoignage de l’Apôtre, que le changement de l’une entraîne nécessairement le changement de l’autre. Guidés par un instinct, ou plutôt par une inspiration naturelle, les hommes de ce temps-là sentaient qu’ils devaient honorer Dieu, et, par une conséquence nécessaire, ils durent, dans chaque pays, confier à quelques personnes choisies le soin des choses saintes et du service divin: ce qui constitue par le fait une sorte de pouvoir spirituel.
– Chez les Juifs, on vit aussi un pouvoir sacerdotal, bien supérieur, il est vrai, à celui dont les Prêtres étaient revêtus sous la loi de nature, et cependant infiniment moins excellent que la puissance spirituelle de la Loi Evangélique ; puissance toute céleste, qui surpasse celle des Anges mêmes, qui d’ailleurs vient, non de Moise, mais de Jésus-Christ, Prêtre selon l’ordre de Melchisédech, et non selon l’Ordre d’Aaron. Oui, c’est Notre Seigneur Jésus-Christ qui, possédant le pouvoir de conférer la Grâce et de remettre les péchés, a laissé à son Eglise ce même pouvoir, en le limitant il est vrai dans son exercice, et en l’attachant aux Sacrements ».
Voilà la raison de la dignité des ministres de Dieu : « C’est pour exercer ce pouvoir que des Ministres particuliers ont été institués et consacrés avec des Cérémonies solennelles. Cette Consécration a reçu le nom de sacrement de l’Ordre ou de sainte Ordination » Et c’est par cette consécration et les cérémonies qui l’entourent que l’Eglise veut ainsi « faire mieux apprécier la dignité et l’excellence des Ministres de Dieu », de l’ordre sacerdotal.
Voilà le développement qu’en fait Saint Alphonse de Liguori :
Il développe la même idée :
« La dignité du prêtre se mesure encore au pouvoir qu’il a sur le corps réel, et sur le corps mystique de Jésus-Christ.
Quant au corps réel, c’est un article de foi que, quand le prêtre prononce les paroles de la consécration, le Verbe incarné est obligé d’obéir, et de venir entre ses mains sous les espèces sacramentelles. On est étonné quand on lit que Dieu obéit à Josué : obediente Deo voci hominis, et qu’il fit arrêter le soleil à la voix de cet homme : « Soleil, ne te meus point contre Gabaon… Le soleil s’arrêta au milieu du ciel » (Josué X, 12-13). Mais l’on doit s’étonner bien davantage que Dieu, obéissant à quelques paroles du prêtre « Ceci est mon corps », descende sur l’autel, ou partout ailleurs où le prêtre l’appelle, et toutes les fois qu’il l’appelle, vienne se mettre dans les mains du prêtre, quand bien même il serait son ennemi. Et depuis qu’il y est descendu, il y reste à la disposition du prêtre, qui peut le transporter d’un lieu à l’autre, soit qu’il le renferme dans le tabernacle, soit qu’il l’expose sur l’autel, ou le transporte hors de l’église. Il est en son pouvoir, s’il le veut, de s’en nourrir lui-même ou de le donner aux autres.
Quant au corps mystique de Jésus-Christ qui consiste dans tous les fidèles, le prêtre a le pouvoir des clefs ; c’est-à-dire, qu’il peut délivrer le pécheur de l’enfer, et le rendre digne du paradis, en le rendant, d’esclave du démon qu’il était, un véritable fils de Dieu ; et Dieu lui-même s’est obligé de sanctionner le jugement du prêtre, et de pardonner, ou de ne pas pardonner, selon que le prêtre absout le pénitent, ou le condamne, pourvu cependant qu’il soit bien disposé. « Le pouvoir de juger donné au prêtre est si grand que le jugement céleste se règle sur son propre jugement ».
Dieu confirme la sentence que le prêtre prononce « La sentence de Pierre précède la sentence du Rédempteur ; le Seigneur suit le serviteur, et tout ce que ce dernier juge ici-bas, le Seigneur l’approuve au ciel » dit saint Pierre Damien.
Si notre Rédempteur descendait dans une église, et qu’il se mît dans un confessionnal pour administrer le sacrement de pénitence, et qu’un prêtre se trouvât placé dans un autre confessionnal, Jésus dirait : « Ego te absolvo », le prêtre dirait en même temps, « Ego te absolvo », et les pénitents seraient également absous par l’un et par l’autre. Quel honneur ne serait-ce pas pour un sujet, si un roi lui accordait le privilège de délivrer de prison qui bon lui semblerait ? Mais n’est-il pas bien plus grand le pouvoir étonnant que Dieu le Père a accordé à Jésus-Christ, et Jésus-Christ aux prêtres de délivrer de l’enfer non seulement les corps, mais encore les âmes, dit saint Jean Chrysostome.
Ainsi donc la dignité sacerdotale est la plus noble des dignités de ce monde. Elle est supérieure à toutes les dignités des rois, des empereurs et des anges, affirme saint Bernard. Saint Ambroise dit que la dignité des prêtres diffère de celle des rois, comme l’or diffère du plomb. (…) Saint François d’Assise disait : « Si je voyais un ange du ciel et un prêtre ensemble, je plierais d’abord le genou devant le prêtre, ensuite devant l’ange ».
Le pouvoir du prêtre est supérieur à celui de la Sainte Vierge, car si la Mère de Dieu peut prier pour une âme, et obtenir en priant ce qu’elle veut, elle ne peut cependant l’absoudre de la moindre des fautes. Innocent III dit : « Bien que la Sainte Vierge fût plus excellente que les Apôtres, ce n’est pas à elle mais à eux que le Seigneur a confié les clefs du royaume des cieux ». Saint Bernardin de Sienne s’écrie : « Vierge bénie, je vous prie de m’excuser : je ne parle pas contre vous en disant que le Sacerdoce est au-dessus de vous ». Et il en donne pour raison que Marie conçut Jésus-Christ une seule fois, mais que le prêtre en consacrant le conçoit autant de fois qu’il le veut, de manière que si la personne du Rédempteur n’eût pas encore été dans le monde, le prêtre en proférant les paroles de la consécration, ferait naître cette grande personne de l’Homme-Dieu. « O vénérable dignité des prêtres, dans les mains desquels le Fils de Dieu s’incarne comme dans le sein de la Vierge ! » dit saint Augustin.
(Fin du résumé).
La dignité sacerdotale et les ordres qui précédent le sacerdoce.
Et le catéchisme de Trente enseigne ensuite que c’est en raison de la dignité du sacerdoce que l’Eglise a établi en son sein une succession d’ordres, les 7 ordres, les ordres mineurs et les ordres majeurs. Il écrit : « l’exercice d’un Sacerdoce si sublime étant une chose toute divine, il était de toute convenance, pour y attacher plus de dignité et lui attirer plus de vénération, qu’il y eût dans l’Eglise plusieurs sortes de Ministres de rangs différents, et destinés à assister les Prêtres, chacun selon ses fonctions propres. Voilà pourquoi ces fonctions sont distribuées de telle sorte que ceux qui ont reçu la tonsure cléricale, sont élevés ensuite aux Ordres supérieurs, en passant par les Ordres inférieurs.
II faudra donc enseigner, et l’Eglise catholique l’a toujours fait, que ces Ordres sont au nombre de sept, désignés sous les noms de Portier, de Lecteur, d’Exorciste, d’Acolyte, de Sous-Diacre, de Diacre et de Prêtre. Et c’est avec une grande sagesse que ces Ordres ont été établis en pareil nombre ». I
Tous « sont nécessaires pour célébrer le Saint Sacrifice de la Messe, et pour administrer la Sainte eucharistie. Car c’est pour ces deux fins qu’ils ont été spécialement institués. Ces Ordres se divisent en majeurs, et en mineurs. Les Ordres majeurs, qu’on appelle aussi Ordres sacrés, sont la Prêtrise, le Diaconat et le Sous-diaconat. Les Ordres mineurs sont ceux d’Acolyte, d’Exorciste, de Lecteur et de Portier. Nous allons dire un mot de chacun d’eux, afin que les Pasteurs puissent les expliquer, surtout à ceux qui, selon eux, seraient appelés à les recevoir ».
Il suit alors, dans le catéchisme, tout un exposé sur les différents ordres, mineurs et majeurs. (cf p 309- 315)
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