La béatification de Jean Paul II à Rome le 1er Mai 2011
publié dans magistère de benoît XVI le 2 mai 2011
La béatification de Jean Paul II à Rome le 1er Mai 2011:
Le 01 mai 2011 – Après la prière pénitentielle de la messe, le Cardinal Agostino Vallini, Vicaire pour le diocèse de Rome, accompagné du postulateur de la cause, Mgr. Slawomir Oder, a prononcé la formule latine demandant au Pape Benoît XVI de proclamer la béatification de Jean-Paul II: « Beatissime Pater, Vicarius Generalis Sanctitatis Vestrae pro Romana Dioecesi, humillime a Sanctitate Vestra petit ut Venerabilem Servum Dei Ioannem Paulum II, Papam, numero Beatorum adscribere benignissime digneris ».
Voici le cursus biographique du bienheureux Jean-Paul II lu par le Cardinal Vallini:
« Karol Józef Wojtyla naquit à Wadowice (Pologne), le 18 mai 1920, de Karol et Emilia Kaczorowska. Il reçut le baptême le 20 juin suivant à l’église paroissiale de Wadowice. Cadet de deux enfants, la joie et la sérénité de son enfance furent rapidement bouleversées par la disparition prématurée de sa mère, décédée alors que Karol avait neuf ans. Trois ans plus tard (1932), son aîné Edmund mourut aussi, et en 1941, à l’âge de 21 ans, Karol perdit aussi son père. Eduqué dans la plus saine tradition patriotique et religieuse, il apprit de son père, un homme profondément chrétien, la piété et l’amour pour le prochain, qu’il nourrissait par une prière assidue et la pratique des sacrements. Sa sincère dévotion à l’Esprit-Saint et son amour pour la Vierge Marie furent les principaux traits de sa spiritualité, auxquels il resta fidèle jusqu’à sa mort. Sa relation à la Mère de Dieu était particulièrement profonde et vive, vécue avec la tendresse d’un fils qui s’abandonne dans les bras de sa mère et avec la virilité d’un chevalier toujours prêt à obéir à sa Mère: Faîtes tout ce que mon Fils vous dira! Sa confiance totale en Marie, qu’en tant qu’évêque il avait exprimé par la devise Totus Tuus, révélait aussi son secret d’avoir un regard sur le monde avec les yeux de la Mère de Dieu. La riche personnalité du jeune Karol mûrit par le croisement de ses dons intellectuels, moraux et spirituels avec les évènements de son époque qui marquèrent l’histoire de sa patrie et de l’Europe. Au cours de ses années de lycée, il se prit de passion pour le théâtre et la poésie qu’il développa dans les activités du groupe de théâtre de la faculté de philologie de l’université Jagellon, à laquelle il s’inscrit au cours de l’année académique 1938. Durant l’occupation nazie de la Pologne, tout en poursuivant avec son groupe clandestinement, il travailla pendant quatre ans (octobre 1940 – août 1944) comme ouvrier dans les établissements Solvay, vivant de l’intérieur les problèmes sociaux du monde du travail et accumulant un précieux patrimoine d’expériences dont il se servira dans son futur magistère social, d’abord comme archevêque de Cracovie puis comme Souverain Pontife. Au cours de ces années croît en lui le désir du sacerdoce vers lequel il s’approche en fréquentant, à partir d’octobre 1942, les cours clandestins de théologie près le Séminaire de Cracovie. Il fut aidé, dans le discernement de sa vocation sacerdotale, par un laïc, M. Jan Tyranowski, véritable apôtre de la jeunesse. Dès lors, Karol perçut clairement la vocation universelle de tous les chrétiens à la sainteté et le rôle irremplaçable des laïcs dans la mission de l’Eglise ».
« Il fut ordonné prêtre le 1er novembre 1946 et, le jour suivant, il célébra sa première messe dans la crypte Saint-Léonard de la cathédrale de Wawel. Envoyé à Rome pour compléter sa formation théologique, il fut élève de la faculté de théologie Angelicum, où il découvrit les sources d’une saine doctrine et vécut sa première rencontre avec la vivacité et la richesse de l’Eglise universelle, dans sa situation privilégiée qui lui offrait une vie de l’autre côté du Rideau de fer. C’est à cette époque que remonte la rencontre de Karol avec le Père Pio de Pietralcina. Diplômé brillamment en juin 1948, il retourna à Cracovie pour commencer son activité pastorale comme vicaire paroissial. Il se dépensa avec enthousiasme et générosité dans son ministère. Il obtint son doctorat et commença à enseigner à l’université, à la faculté de théologie de l’université Jagellon et, à la suppression de celle-ci, à celle du séminaire diocésain de Cracovie et de l’université catholique de Lublin. Ses années passées avec les jeunes étudiants lui permirent de bien connaître l’inquiétude de leurs cœurs et le jeune prêtre fut pour eux non seulement un enseignant, mais un guide spirituel et un ami. A 38 ans, il fut nommé Evêque auxiliaire de Cracovie et reçut l’ordination épiscopale le 28 septembre 1958, des mains de Mgr Eugeniusz Baziak, à qui il succéda comme Archevêque en 1964. Il fut créé Cardinal par Paul VI, le 26 juin 1967. Pasteur du diocèse de Cracovie, il fut aussitôt apprécié comme un homme à la foi robuste et courageuse, proche des gens et des vrais problèmes des personnes. Interlocuteur capable d’écoute et de dialogue, ne cédant jamais aux compromis, il affirma devant tous le primat de Dieu et du Christ comme fondement d’un vrai humanisme et source des droits inaliénables de la personne humaine. Aimé de ses diocésains, estimé par ses confrères évêques, il fut craint par ceux qui voyaient en lui un adversaire. Le 16 octobre 1978, il fut élu Evêque de Rome et Pontife Romain et prit le nom de Jean-Paul II. Son cœur de pasteur, totalement offert à la cause du Royaume de Dieu, s’ouvrit au monde entier. La « charité du Christ » le porta à visiter les paroisses de Rome, à annoncer l’Evangile dans tous les milieux et il fut l’instigateur de ses nombreux voyages apostoliques sur les différents continents, entrepris pour confirmer dans la foi les frères du Christ, conforter les affligés et les personnes découragées, porter le message de réconciliation entre les Eglises chrétiennes et construire des ponts d’amitié entre les croyants au Dieu unique et les hommes de bonne volonté. Son magistère lumineux n’eut pas d’autre objectif que de proclamer toujours et partout le Christ, unique Sauveur de l’homme. Dans son extraordinaire élan missionnaire, il a aimé les jeunes d’un amour tout particulier.
Ses convocations aux Journées mondiales de la jeunesse avaient pour lui l’objectif d’annoncer aux nouvelles générations Jésus-Christ et son évangile afin de les rendre protagonistes de leur avenir et de coopérer à la construction d’un monde meilleur. Sa sollicitude de pasteur universel s’est manifesté dans la convocation de nombreuses assemblées du Synode des évêques, dans l’érection de diocèses et circonscriptions ecclésiastiques, dans la promulgation des Codes de droit canonique latin et des Eglises orientales et du Catéchisme de l’Eglise catholique, dans la publication de lettres encycliques et d’exhortations. Afin de favoriser des moments de vie spirituelle plus intense, il ouvrit le Jubilé extraordinaire de la Rédemption, l’Année mariale, l’Année de l’Eucharistie et le Grand Jubilé de l’an 2000. D’un irrésistible optimisme fondé sur sa confiance en la divine Providence, Jean-Paul II, qui avait vécu l’expérience tragique de deux dictatures, subi un attentat le 13 mai 1981 et, ses dernières années, vécu physiquement la progression de sa maladie, se tourna toujours vers l’espérance, en invitant les hommes à abattre les murs des divisions, à balayer toute résignation, pour prendre leur essor vers des objectifs de renouveau spirituel, moral et matériel. Il a conclu sa longue et féconde vie terrestre au Vatican, samedi 2 avril 2005, à la veille du dimanche In Albis, consacré par lui à la Divine Miséricorde. Ses obsèques ont été célébrées Place St. Pierre, le 8 avril 2005. La participation de nombreuses délégations provenant du monde entier et de millions d’hommes et de femmes, croyants et non croyants qui ont reconnu en lui un signe évident de l’amour de Dieu pour l’humanité, est un témoignage touchant du bien qu’il a accompli ».
Puis le Vicaire du Pape pour son diocèse romain a conclu par la formule de remerciement: « Beatissime Pater, Vicarius Sanctitatis Vestrae pro Romana Dioecesi, gratias ex animo Sanctitati Vestrae agit quod titulum Beati hodie Venerabili Servo Dei Ioanni Paulo II, Papae, conferre dignatus es ».
B- Homélie de Benoît XVI : messe de Béatification de Jean-Paul II
A 10 h Place St. Pierre, Dimanche de la divine Miséricorde du temps pascal, Benoît XVI a présidé la messe de béatification de son prédécesseur Jean-Paul II (1920 – 2005), en présence de 87 délégations nationales, cinq guidées par des souverains, 16 par des chefs d’état, et parmi ces derniers les présidents polonais et italiens, ainsi que 7 chefs de gouvernement. Plusieurs centaines de milliers de fidèles étaient amassés sur la place et les environs de la Cité du Vatican, ainsi qu’au Circo Massimo, tous lieux dotés d’écrans géants. Voici l’homélie prononcée par le Saint-Père:
Chers frères et sœurs !
Il y a six ans désormais, nous nous trouvions sur cette place pour célébrer les funérailles du Pape Jean-Paul II. La douleur causée par sa mort était profonde, mais supérieur était le sentiment qu’une immense grâce enveloppait Rome et le monde entier : la grâce qui était en quelque sorte le fruit de toute la vie de mon aimé Prédécesseur et, en particulier, de son témoignage dans la souffrance. Ce jour-là, nous sentions déjà flotter le parfum de sa sainteté, et le Peuple de Dieu a manifesté de nombreuses manières sa vénération pour lui. C’est pourquoi j’ai voulu, tout en respectant la réglementation en vigueur de l’Église, que sa cause de béatification puisse avancer avec une certaine célérité. Et voici que le jour tant attendu est arrivé ! Il est vite arrivé, car il en a plu ainsi au Seigneur : Jean-Paul II est bienheureux !
Je désire adresser mes cordiales salutations à vous tous qui, pour cette heureuse circonstance, êtes venus si nombreux à Rome de toutes les régions du monde, Messieurs les Cardinaux, Patriarches des Églises Orientales Catholiques, Confrères dans l’Épiscopat et dans le sacerdoce, Délégations officielles, Ambassadeurs et Autorités, personnes consacrées et fidèles laïcs, ainsi qu’à tous ceux qui nous sont unis à travers la radio et la télévision.
Ce dimanche est le deuxième dimanche de Pâques, que le bienheureux Jean-Paul II a dédié à la Divine Miséricorde. C’est pourquoi ce jour a été choisi pour la célébration d’aujourd’hui, car, par un dessein providentiel, mon prédécesseur a rendu l’esprit justement la veille au soir de cette fête. Aujourd’hui, de plus, c’est le premier jour du mois de mai, le mois de Marie, et c’est aussi la mémoire de saint Joseph travailleur. Ces éléments contribuent à enrichir notre prière et ils nous aident, nous qui sommes encore pèlerins dans le temps et dans l’espace, tandis qu’au Ciel, la fête parmi les Anges et les Saints est bien différente ! Toutefois unique est Dieu, et unique est le Christ Seigneur qui, comme un pont, relie la terre et le Ciel, et nous, en ce moment, nous nous sentons plus que jamais proches, presque participants de la Liturgie céleste.
« Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru. » (Jn 20,29). Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus prononce cette béatitude : la béatitude de la foi. Elle nous frappe de façon particulière parce que nous sommes justement réunis pour célébrer une béatification, et plus encore parce qu’aujourd’hui a été proclamé bienheureux un Pape, un Successeur de Pierre, appelé à confirmer ses frères dans la foi. Jean-Paul II est bienheureux pour sa foi, forte et généreuse, apostolique. Et, tout de suite, nous vient à l’esprit cette autre béatitude : « Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette révélation t’est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 16, 17). Qu’a donc révélé le Père céleste à Simon ? Que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant. Grâce à cette foi, Simon devient « Pierre », le rocher sur lequel Jésus peut bâtir son Église. La béatitude éternelle de Jean-Paul II, qu’aujourd’hui l’Église a la joie de proclamer, réside entièrement dans ces paroles du Christ : « Tu es heureux, Simon » et « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru. ». La béatitude de la foi, que Jean-Paul II aussi a reçue en don de Dieu le Père, pour l’édification de l’Église du Christ.
Cependant notre pensée va à une autre béatitude qui, dans l’Évangile, précède toutes les autres. C’est celle de la Vierge Marie, la Mère du Rédempteur. C’est à elle, qui vient à peine de concevoir Jésus dans son sein, que Sainte Élisabeth dit : « Bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur ! » (Lc 1, 45). La béatitude de la foi a son modèle en Marie et nous sommes tous heureux que la béatification de Jean-Paul II advienne le premier jour du mois marial, sous le regard maternel de Celle qui, par sa foi, soutient la foi des Apôtres et soutient sans cesse la foi de leurs successeurs, spécialement de ceux qui sont appelés à siéger sur la chaire de Pierre. Marie n’apparaît pas dans les récits de la résurrection du Christ, mais sa présence est comme cachée partout : elle est la Mère, à qui Jésus a confié chacun des disciples et la communauté tout entière. En particulier, nous notons que la présence effective et maternelle de Marie est signalée par saint Jean et par saint Luc dans des contextes qui précèdent ceux de l’Évangile d’aujourd’hui et de la première Lecture : dans le récit de la mort de Jésus, où Marie apparaît au pied de la croix (Jn 19, 25) ; et au début des Actes des Apôtres, qui la montrent au milieu des disciples réunis en prière au Cénacle (Ac 1, 14).
La deuxième Lecture d’aujourd’hui nous parle aussi de la foi, et c’est justement saint Pierre qui écrit, plein d’enthousiasme spirituel, indiquant aux nouveaux baptisés les raisons de leur espérance et de leur joie. J’aime observer que dans ce passage, au début de sa Première Lettre, Pierre n’emploie pas le mode exhortatif, mais indicatif pour s’exprimer ; il écrit en effet : « Vous en tressaillez de joie », et il ajoute : « Sans l’avoir vu vous l’aimez ; sans le voir encore, mais en croyant, vous tressaillez d’une joie indicible et pleine de gloire, sûrs d’obtenir l’objet de votre foi : le salut des âmes. » (1 P 1, 6. 8-9). Tout est à l’indicatif, parce qu’existe une nouvelle réalité, engendrée par la résurrection du Christ, une réalité accessible à la foi. « C’est là l’œuvre du Seigneur – dit le Psaume (118, 23) – ce fut une merveille à nos yeux », les yeux de la foi.
Chers frères et sœurs, aujourd’hui, resplendit à nos yeux, dans la pleine lumière spirituelle du Christ Ressuscité, la figure aimée et vénérée de Jean-Paul II. Aujourd’hui, son nom s’ajoute à la foule des saints et bienheureux qu’il a proclamés durant les presque 27 ans de son pontificat, rappelant avec force la vocation universelle à la dimension élevée de la vie chrétienne, à la sainteté, comme l’affirme la Constitution conciliaire Lumen gentium sur l’Église. Tous les membres du Peuple de Dieu – évêques, prêtres, diacres, fidèles laïcs, religieux, religieuses –, nous sommes en marche vers la patrie céleste, où nous a précédé la Vierge Marie, associée de manière particulière et parfaite au mystère du Christ et de l’Église. Karol Wojtyła, d’abord comme Évêque Auxiliaire puis comme Archevêque de Cracovie, a participé au Concile Vatican II et il savait bien que consacrer à Marie le dernier chapitre du Document sur l’Église signifiait placer la Mère du Rédempteur comme image et modèle de sainteté pour chaque chrétien et pour l’Église entière. Cette vision théologique est celle que le bienheureux Jean-Paul II a découverte quand il était jeune et qu’il a ensuite conservée et approfondie toute sa vie. C’est une vision qui est synthétisée dans l’icône biblique du Christ sur la croix ayant auprès de lui Marie, sa mère. Icône qui se trouve dans l’Évangile de Jean (19, 25-27) et qui est résumée dans les armoiries épiscopales puis papales de Karol Wojtyła : une croix d’or, un « M » en bas à droite, et la devise « Totus tuus », qui correspond à la célèbre expression de saint Louis Marie Grignion de Montfort, en laquelle Karol Wojtyła a trouvé un principe fondamental pour sa vie : « Totus tuus ego sum et omnia mea tua sunt. Accipio Te in mea omnia. Praebe mihi cor tuum, Maria – Je suis tout à toi et tout ce que j’ai est à toi. Sois mon guide en tout. Donnes-moi ton cœur, O Marie » (Traité de la vraie dévotion à Marie, nn. 233 et 266).
Dans son Testament, le nouveau bienheureux écrivait : « Lorsque, le jour du 16 octobre 1978, le conclave des Cardinaux choisit Jean-Paul II, le Primat de la Pologne, le Card. Stefan Wyszyński, me dit : « Le devoir du nouveau Pape sera d’introduire l’Église dans le Troisième Millénaire« . Et il ajoutait : « Je désire encore une fois exprimer ma gratitude à l’Esprit Saint pour le grand don du Concile Vatican II, envers lequel je me sens débiteur avec l’Église tout entière – et surtout avec l’épiscopat tout entier –. Je suis convaincu qu’il sera encore donné aux nouvelles générations de puiser pendant longtemps aux richesses que ce Concile du XXème siècle nous a offertes. En tant qu’évêque qui a participé à l’événement conciliaire du premier au dernier jour, je désire confier ce grand patrimoine à tous ceux qui sont et qui seront appelés à le réaliser à l’avenir. Pour ma part, je rends grâce au Pasteur éternel qui m’a permis de servir cette très grande cause au cours de toutes les années de mon pontificat ». Et quelle est cette « cause » ? Celle-là même que Jean-Paul II a formulée au cours de sa première Messe solennelle sur la place Saint-Pierre, par ces paroles mémorables : « N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! ». Ce que le Pape nouvellement élu demandait à tous, il l’a fait lui-même le premier : il a ouvert au Christ la société, la culture, les systèmes politiques et économiques, en inversant avec une force de géant – force qui lui venait de Dieu – une tendance qui pouvait sembler irréversible. Par son témoignage de foi, d’amour et de courage apostolique, accompagné d’une grande charge humaine, ce fils exemplaire de la nation polonaise a aidé les chrétiens du monde entier à ne pas avoir peur de se dire chrétiens, d’appartenir à l’Église, de parler de l’Évangile. En un mot : il nous a aidés à ne pas avoir peur de la vérité, car la vérité est garantie de la liberté. De façon plus synthétique encore : il nous a redonné la force de croire au Christ, car le Christ est Redemptor hominis, le Rédempteur de l’homme : thème de sa première Encyclique et fil conducteur de toutes les autres.
Karol Wojtyła est monté sur le siège de Pierre, apportant avec lui sa profonde réflexion sur la confrontation, centrée sur l’homme, entre le marxisme et le christianisme. Son message a été celui-ci : l’homme est le chemin de l’Église, et Christ est le chemin de l’homme. Par ce message, qui est le grand héritage du Concile Vatican II et de son « timonier », le Serviteur de Dieu le Pape Paul VI, Jean-Paul II a conduit le Peuple de Dieu pour qu’il franchisse le seuil du Troisième Millénaire, qu’il a pu appeler, précisément grâce au Christ, le « seuil de l’espérance ». Oui, à travers le long chemin de préparation au Grand Jubilé, il a donné au Christianisme une orientation renouvelée vers l’avenir, l’avenir de Dieu, transcendant quant à l’histoire, mais qui, quoi qu’il en soit, a une influence sur l’histoire. Cette charge d’espérance qui avait été cédée en quelque sorte au marxisme et à l’idéologie du progrès, il l’a légitimement revendiquée pour le Christianisme, en lui restituant la physionomie authentique de l’espérance, à vivre dans l’histoire avec un esprit d’« avent », dans une existence personnelle et communautaire orientée vers le Christ, plénitude de l’homme et accomplissement de ses attentes de justice et de paix.
Je voudrais enfin rendre grâce à Dieu pour l’expérience personnelle qu’il m’a accordée, en collaborant pendant une longue période avec le bienheureux Pape Jean-Paul II. Auparavant, j’avais déjà eu la possibilité de le connaître et de l’estimer, mais à partir de 1982, quand il m’a appelé à Rome comme Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, j’ai pu lui être proche et vénérer toujours plus sa personne pendant 23 ans. Mon service a été soutenu par sa profondeur spirituelle, par la richesse de ses intuitions. L’exemple de sa prière m’a toujours frappé et édifié : il s’immergeait dans la rencontre avec Dieu, même au milieu des multiples obligations de son ministère. Et puis son témoignage dans la souffrance : le Seigneur l’a dépouillé petit à petit de tout, mais il est resté toujours un « rocher », comme le Christ l’a voulu. Sa profonde humilité, enracinée dans son union intime au Christ, lui a permis de continuer à guider l’Église et à donner au monde un message encore plus éloquent précisément au moment où les forces physiques lui venaient à manquer. Il a réalisé ainsi, de manière extraordinaire, la vocation de tout prêtre et évêque : ne plus faire qu’un avec ce Jésus, qu’il reçoit et offre chaque jour dans l’Église.
Bienheureux es-tu, bien aimé Pape Jean-Paul II, parce que tu as cru ! Continue – nous t’en prions – de soutenir du Ciel la foi du Peuple de Dieu. Tant de fois il nous a béni sur cette place du Palais Apostolique. Aujourd‘hui, nous te prions : Saint Père, bénis nous. Amen.