Faites ceci en mémoire de moi.
publié dans couvent saint-paul le 5 juin 2012
« J’ai reçu du Seigneur, ce que je vous ai aussi transmis, savoir, que le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et après avoir rendu grâces, le rompit et dit : » [Prenez et mangez]; ceci est mon corps, [qui sera livré] pour vous; faites ceci en mémoire de moi. ». De même, après avoir soupé, il prit le calice et dit : » Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang; faites ceci, toutes les fois que vous en boirez, en mémoire de moi. » Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez ce calice, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne ».
Mes biens chers amis.
Retenez ces paroles. Méditez souvent ces paroles. Connaissez-les par cœur. Elles seront votre vie. Elles sont votre vie. Elles font le prêtre, « Faites ceci en mémoire de moi ». Elles constituent le sacerdoce. Le prêtre est institué précisément pour prononcer sa vie durant ces paroles, et ainsi réaliser l’Eucharistie, réaliser le sacrifice d’une manière non sanglante, le Sacrifice rédempteur de NSJC. Voilà le prêtre. Voilà ce qu’est le prêtre. Le prêtre n’est pas un homme social. Il n’est pas chargé de la chose sociale. Il n’a pas pour objet directe et premier la civilisation chrétienne. Ce n’est qu’une conséquence. Le prêtre est d’abord l’homme de l’Eucharistie, l’homme du Sacrifice, et partant l’homme de Dieu, l’homme de la prière, l’homme de l’action de grâces.
Le prêtre, l’homme de l’action de grâce
parce que c’est en rendant grâces à Dieu que le Christ institua la sainte Eucharistie. Mais aussi parce que le mot même d’Eucharistie le laisse clairement entendre : Eucharitia, mot grec qui veut dire : action de grâces.
L’action de grâces est donc une fonction importante du prêtre : il doit aimer rendre grâces à Dieu.
Rendre grâces à Dieu dans sa création, Rendre grâces à Dieu en raison du soleil, de la lune, de la création des choses inanimées et des choses animées. Votre bréviaire est plein de ces psaumes qui chantent la gloire de Dieu et rendent ainsi grâces à Dieu. Prenez les psaumes du dimanches matin à Laudes et vous le constaterez vous aussi. Mais aussi les saints vous en donnent l’exemple et tout particulièrement saint François d’Assise…Souvenez-vous de son « Cantique des créatures » : « Très haut, tout puissant et bon Seigneur, à toi louange, gloire, honneur, et toute bénédiction….Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures, spécialement messire frère Soleil par qui tu nous donnes le jour, la lumière : il est beau, rayonnant d’une grande splendeur, et de toi, le Très-Haut, il nous offre le symbole. Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Lune et les étoiles: dans le ciel tu les as formées, claires, précieuses et belles. Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Vent, et pour l’air et pour les nuages, pour l’azur calme et tous les temps: grâce à eux tu maintiens en vie toutes les créatures. Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Eau qui est très utile et très humble, précieuse et chaste. Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terre, qui nous porte et nous nourrit, qui produit la diversité des fruits, avec les fleurs diaprées et les herbes…Louez et bénissez mon Seigneur, rendez-lui grâces et servez-le en toute humilité! »
Ainsi Vous aussi, Mes chers amis, vous aimerez rendre grâces à Dieu pour sa création, merveilleuse, lumineuse, rayonnante de puissance et de fertilité, riche abondante à l’image de son Créateur.
Et c’est dans ce chant d’action de grâces que vous trouverez la joie de vivre, que vous trouverez le bonheur dans votre sacerdoce. Croyez-le bien. Un prêtre qui ne sait pas rendre grâce, est un prêtre, – c’est fort à craindre -, remplie de lui-même, replié sur lui-même. Il y a forte chance qu’il soit « égocentrique », qu’il soit triste, qu’il ne sache pas mettre de la joie dans sa communauté, dans sa prédication. N’oubliez pas que vous n’êtes pas prêtre pour vous-même mais pour assurer la gloire de Dieu, pour chanter la gloire de Dieu et conduire le peuple que le Bon Dieu vous donne à ce même chant de grâces et de gloire.
Soyez des prêtres d’action de grâces surtout à l’image de l’eucharistie que vous touchez, que vous consacrez. Un prêtre qui ne sait pas rendre grâce à Dieu est un prêtre qui ne comprend pas les mots, qui n’a pas le juste sens de son sacerdoce, qui n’a pas l’intelligence du mot : « eucharistia », qui ne mesure pas à sa juste valeur la Transcendance de Dieu, la grandeur de Dieu, la générosité de Dieu, qui donc ne mesure pas l’immensité des dons de Dieu et plus particulièrement l’immensité du don de l’Eucharistie. Alors ce prêtre sera petit, mesquin, égoïste, renfermé, vous dis-je sur lui-même, sans louange dans le cœur. Sans louange ? Mais comment est-ce possible de vivre sans chanter la louange de Dieu ? Pour ne pas chanter la louange de Dieu, il ne faut avoir que de considérations pour soi-même. Et c’est oublier que tout le ciel, toute la vie éternelle n’est, ne sera que louange divine. Vos beaux chants grégoriens, vos beaux chants polyphoniques seront éternellement chantés au Ciel. La liturgie céleste étant l’archétype de la liturgie de ce monde…
Et vous n’avez pas seulement à rendre grâces pour la création que vous contemplé et qui vous porte, pour l’eucharistie que vous consacrerez, mais vous avez à rendre grâces surtout et essentiellement en raison de l’œuvre rédemptrice.
Le prêtre est l’home de la rédemption. La rédemption est son univers. L’œuvre rédemptrice, connue, méditée, aimée est au cœur de la vie sacerdotale. « Prenez et mangez : ceci est mon corps qui sera livré pour vous ». Mes biens chers amis, ces phrases constituent la réalité de votre sacerdoce de demain. Le prêtre est cela ou il n’est rien. Il est cela. C’est-à-dire, il est l’homme du sacrifice, l’homme de la rédemption. Il est l’homme de la justice puisque c’est par le sang du Christ versé sur la Croix que toute justice a été accomplie. Il est l’homme qui pose la réparation du Christ dans le temps, qui répare l’injustice originelle. Il offre à Dieu l’acte satisfactoire. Satisfaisant à la justice de Dieu, il établit la paix entre Dieu et les hommes. C’est le Christ, dira saint Paul, qui, dans son sacrifice, établit la paix entre Dieu et les hommes, entre les juifs et les gentils. C’est pourquoi un prêtre « querelleur » est un contre sens, un non sens. Il vit en contradiction avec l’essence de son sacerdoce. Il n’est pas fidèle à ce qu’il est. Le prêtre est essentiellement l’homme de la paix, un homme paisible, C’est à lui que revient de mettre la paix dans sa communauté. Si sa communauté se déchire… ne cherchez pas ailleurs que du côté du prêtre. N’incriminez pas vos fidèles ; c’est vous qui êtes responsable. Ce n’est pas madame untel, monsieur untel. C’est vous qui ne vivez pas votre sacerdoce comme il le faut. Le prêtre doit aimer la paix parce que son sacerdoce est essentiellement une action de paix, une œuvre de paix. Et croyez vous que c’est en vain que Saint Benoît mit en exergue de ses monastères, le beau titre de Paix. « Pax ». Croyez vous que c’est seulement pour faire bien que le Christ apparaissant à ses disciples après sa Résurrection, leur disait « Pax tecum » ? Point du tout. Si vous aimez votre sacerdoce, vous aimerez la paix, vous vivrez dans la paix, d’abord avec Dieu en fuyant le péché, vous vivrez dans la paix avec vos amis, avec vos confrères, avec la nature du Bon Dieu. Mgr Lefebvre était essentiellement un homme de paix. Si dans votre séminaire, vous êtes un peu querelleur, corrigez vous. Ca urge ! Le séminaire est court. Demain il sera trop tard.
Oui ! le prêtre est vraiment l’homme du Mystère de la Rédemption. Il faut donc aimer la Rédemption. Aimer la Croix. Aimer l’autel. N’oubliez pas que le prêtre montant à l’autel baise l’autel. Il montre ainsi par le symbolisme de ce geste ne vouloir faire qu’un avec le Christ dans son mystère de la Croix. « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi ». Mais qu’est-ce donc que l’autel ? C’est le lieu du sang du Christ. Et le sang du Christ c’est l’expression de la Charité. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime ». Le prêtre doit donc aimer cette charité divine. « Caritas urget nos », nous dira saint Paul. Il doit la contempler pour l’aimer et la bien prêcher. Il doit lui-même en vivre personnellement. Vous serez souvent seul, ou avec peu de gens pour la célébration hebdomadaire de la messe, sauf, peut-être, si vous êtes nommé en Croatie… Alors, si vous voulez, bien comme il faut, célébrer la messe, ce sacrement, il vous faudra actualiser, dans la foi, pour vous d’abord, ce mystère de la Croix, son sens, ces finalités. Rien ne sera plus important pour vous de méditer souvent, pour les bien garder, les belles prières de l’offertoire de la messe de « toujours ». Elles vous rappellent joliment les finalités du sacrifice de la messe. C’est pour les fidèles, les vivants et les morts que vous offrirez le sacrifice de la messe. C’est pour le salut éternel que vous offrez cette hostie sans tache. « Offerimus tibi Domine, calicem salutaris, tuam depracantes clementiam ut in conspectu divinae majestatis tuae, pro nostra et totius mundi salute cum odore suavitatis ascendat ». Pour sentir l’importance de ses paroles et les réciter avec émotion et sens, il faut comprendre l’importance du salut, aimer le ciel, lieu de l’éternité, aimer vos « gens », vos fidèles et penser à eux. C’est pour la gloire de Dieu que vous êtes prêtres mais aussi pour vos fidèles. Ils ont besoin de vous. Ils se sanctifieront avec vous. Ils ont besoin des sacrements et tout particulièrement du sacrifice de la messe. C’est aussi leur salut éternel. Il faut donc que le salut soit l’objet fréquent, pour ne pas dire unique, de votre prière. Le salut, la rédemption doivent être votre univers, votre contemplation fréquente. Vous serez attentifs aux belles prières du Canon, aux belles prières de la Consécration. Ne prenez et ne prononcez jamais les prières de la nouvelle consécration de la nouvelle messe. Elles sont telles qu’elles sont capables de vous troublez. Vous venez de consacrer le Corps et le Sang de NSJC, qui est présent substantiellement, réellement devant vous sur l’autel et soudainement vous faites acclamer le peuple par ces paroles: « Viens Seigneur Jésus ». Est-il là ou n’est-il pas là ? C’est ridicule. C’est équivoque. Il faut non seulement restaurer les prières de l’Offertoire dans la liturgie nouvelle, comme le demande Mgr Schneider mais aussi et surtout il faut restaurer les prières du Canon Romain, restaurer les belles prières de la consécration du pain : « Ceci est mon corps », « ceci est mon sang », « ceci est le calice de mon sang, le sang de la nouvelle et éternelle alliance mystère de la foi qui sera répandu pour vous et pour la multitude en rémission des péchés ». « Pro multis : pour beaucoup, pour un grand nombre, à la rigueur pour la multitude mais certainement pas « pour tous » comme l’ont laissé traduire faussement de nombreuses conférences épiscopales. Le pape Benoît XVI vient de leur demander de corriger cette traduction erronée.
Le prêtre est aussi l’homme de la prière, vous ai-je dit plus haut parce que le sacrifice est la plus belle des prières. La prière n’est pas seulement élévation de l’âme à Dieu pour le contempler et l’aimer. La prière est aussi soumission de l’âme à Dieu. Prier c’est reconnaître le souverain domaine de Dieu sur toutes choses. Lui est le Maître souverain. Et plus je reconnais ce souverain domaine de Dieu sur toutes choses, plus je suis enclin à le prier. Ce n’est pas une question de subjectivité. C’est une question de justice. Je dois rendre à Dieu son dû. A Lui, ma soumission. Et cela vaut donc non seulement pour moi mais pour toute créature. Toute créature doit confesser ce souverain domaine de Dieu sur toutes choses. C’est précisément ce souverain domaine de Dieu qu’Adam et Eve refusèrent de reconnaître, sollicités par le démon. Comme lui, ils professèrent leur « non serviam », « nous ne servirons pas », « nous ne nous soumettrons pas à votre toute puissance, à votre souveraine Majesté ». Ils se rebellèrent. Ils se révoltèrent et commirent le péché, dit originelle, le premier après celui du Démon. Or le Christ est venu réparer cette révolte en se soumettant, Lui, d’une manière parfaite à la volonté de son Père. « Père, non ma volonté mais que votre volonté soit faite ». Voilà le cri de NSJC. Voilà la prière de NSJC. La plus belle des prières jamais prononcée, la plus humble, la plus soumise, la plus vraie. Et cette prière fut prononcée sur la Croix. Cette prière, c’est le sacrifice de la Croix. C’est donc le sacrifice de la messe. Dès lors, le prêtre sacrifiant à l’autel, s’unit d’une manière unique à la prière du Christ. C’est aussi pour lui la plus belle prière qu’il puisse dire, puisque c’est la prière sublime du Christ à son Père. Le prêtre est donc l’homme de la prière par le sacrifice de la messe qu’il perpétue en ses mains
Et sous ce rapport, le prêtre est l’homme de Dieu, il est à Dieu et pour Dieu, comme le Christ, dans son sacrifice, fut à Dieu et pour Dieu et uniquement pour Dieu lui rendant ainsi tout honneur et toute gloire. « omnis honor et gloria »
Voilà, MBCA, une rapide évocation du prêtre et de sa raison d’être toute tirée de la sainte Eucharistie qui est aussi sacrifice.
Le prêtre est l’homme de l’Eucharistie. L’homme du sacrifice de la Croix. Là, se trouve sa raison d’être, sa finalité et sa joie. Lorsque l’on parle du prêtre, Il ne faut pas sortir de cette idée. Voilà ce que Mgr Lefebvre nous a rappelé.
NB: Prédication donnée le Jeudi de la Fête-Dieu au séminaire de Courtalain de l’IBP.