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Entraide et Tradition

« La messe française » par Jean Madiran dans Présent

publié dans nouvelles de chrétienté le 19 novembre 2012


 

Jean Madiran, dans deux articles de Présent du mardi 13 novembre 2012 et du vendredi 16 novembre, revient sur le problème de la Messe et se pose la question: « La question posée est de savoir dans quelle mesure on peut « reconnaître » la messe française comme une digne et sainte version de la forme ordinaire du rite romain ». Il répond:  « Il nous paraît évident que la réponse est non ».

Suivez son argumentation

La messe française

Au début de ce mois de novembre, un message adressé à tous les fidèles de la messe traditionnelle comportait l’invitation à « reconnaître pleinement la valeur et la sainteté de la forme ordinaire du rite romain », c’est-à-dire de la messe de Paul VI.

• Parmi les fidèles de la messe traditionnelle il existe plusieurs attitudes à l’égard de ce qui est appelé depuis 2007 « la forme ordinaire du rite romain ». On peut constater que la « reconnaissance » de cette messe est très diversement assurée, ou bien hésitante et sous condition. Et cette diversité de points de vue s’accroît fortement si l’on considère le cas très particulier de la messe française selon le « Missel des dimanches » publié chaque année depuis quarante-trois ans sous la caution explicite de l’épiscopat.

• Il a existé une première contestation que l’on ne peut raisonnablement oublier tout à fait : la messe de Paul VI fut utilisée comme une « arme par destination » pour imposer la disparition de la messe traditionnelle. Tel fut le grief le plus radical, énoncé dès le mois de décembre 1969. Il a commencé à être écarté sous Jean-Paul II ; il a été pleinement entendu, en théorie, par Benoît XVI avec son motu proprio du 07.07.07 ; au fur et à mesure de l’application effective du motu proprio dans les paroisses, ce grief devient sans objet.

• Comme le précisait le Bref examen critique adressé en octobre 1969 à Paul VI par le cardinal Ottaviani, la validité de cette messe nouvelle n’était pas mise en cause (sous la réserve, qui va de soi, que le célébrant ait l’intention de faire ce que veut faire l’Eglise), mais il était signalé qu’un risque d’invalidité pourrait apparaître à la suite d’une évolution ultérieure.

On remarquera à ce sujet que l’intention du célébrant avait été rendue fâcheusement douteuse : dans la première version (promulguée) du nouveau missel, l’article 7 de la « présentation » (Institutio generalis) était très clairement inacceptable. Une intense protestation entraîna la correction de cet article dès le début de l’année 1970. La référence chronologique officielle de la messe nouvelle fut désormais « 1970 », alors que sa première promulgation par la Constitution apostolique Missale romanum de Paul VI est du 3 avril 1969.

• Du Bref examen critique, l’opinion publique retint surtout une phrase du cardinal Ottaviani :

« Le nouvel Ordo Missae s’éloigne d’une manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte messe telle qu’elle a été formulée à la XXIIe session du concile de Trente. »

Il s’ensuivit des controverses liturgiques et théologiques qui, en général, ne s’arrêtent pas aux particularités de la messe nouvelle en langue française. C’est très précisément, et uniquement, sur ce cas particulier trop négligé que nous voulons revenir en ce début de l’Année de la Foi.

• La messe française est antérieure au texte promulgué en 1970 du rite de Paul VI. Elle fut rendue obligatoire par l’ordonnance épiscopale du 12 novembre 1969. Quelques jours auparavant, le 1er novembre, avait été donné l’imprimatur épiscopal au Missel des dimanches désormais annuel. En sa page 332 on pouvait lire, à titre de « rappel de foi indispensable », l’affirmation qu’à la messe « il s’agit simplement de faire mémoire de l’unique sacrifice déjà accompli ». Ses quarante-deux éditions successives n’ont pas cessé de multiplier des malfaçons peut-être involontaires mais certainement insupportables.

La question posée est de savoir dans quelle mesure on peut « reconnaître » la messe française comme une digne et sainte version de la forme ordinaire du rite romain. A suivre.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 7727
du Mardi 13 novembre 2012

La messe française (II)

L’invitation à « reconnaître pleinement la valeur et la sainteté de la forme ordinaire du rite romain », adressée aux fidèles de la messe traditionnelle, tombe en France dans la situation particulière créée par l’existence, depuis novembre 1969, d’une messe française avec son annuel missel des dimanches.

Chaque année depuis 1970 a vu arriver dans un nouveau Missel des dimanches des adjonctions et suppressions nouvelles pour accompagner ou même précéder l’évolution liturgique post-conciliaire. Dix-sept ans après la clôture de Vatican II, un sommet insurpassable était atteint : la programmation pour le 14 mars 1983 d’une mémoire de Karl Marx le jour anniversaire de sa mort, comme pour les saints canonisés, avec une belle hagiographie de cet « économiste et philosophe allemand ». Il n’y a eu pour cet exploit ni réprobation explicite, ni tollé, ni repentance.

Il faudrait un livre entier pour une recension complète des graves inconvenances du missel de la messe française. Plusieurs ont été relevées sur le moment par la revue Itinéraires et plus récemment par le quotidien Présent. On a vu que le missel français pour l’année 2013 n’est guère moins inconvenant que les précédents. S’il ne porte pas forcément atteinte à la validité de la messe française, sa triste infériorité liturgique par rapport à la messe traditionnelle n’en reste pas moins évidente. L’idée selon laquelle elle pourrait se compléter, s’enrichir et au besoin se corriger au contact et à l’imitation de la « forme extraordinaire du rite romain » est restée jusqu’ici inopérante.

On mesure cette pénible attitude de la messe française par les trois critères les plus visibles pour tous : l’agenouillement, la communion, le prêtre.

L’agenouillement : la plupart des fidèles assistant tous les dimanches à la messe française n’ont, s’ils ont moins de quarante ans, jamais vu un agenouillement dans une église. D’ailleurs les églises paroissiales ont souvent supprimé les prie-Dieu et rapproché les travées de manière telle que s’agenouiller serait acrobatique. Au demeurant personne ne s’agenouille durant la messe française, pas même pendant la consécration ni pour communier.

La communion debout et dans la main est générale. Le missel de la messe française précise que ce sont des fidèles qui, non pas exceptionnellement mais normalement, apportent la communion aux autres fidèles. On tolère gentiment que de très rares personnes, visiblement mal averties de ce qui se fait, gardent les mains jointes et ouvrent la bouche pour recevoir l’hostie. La plupart des moins de quarante ans n’ont, à la messe française, jamais vu autre chose dans une église.

Le prêtre : il ne tourne plus le dos au peuple, comme autrefois. C’est un progrès que nous devons au Concile, croient et assurent les plus de quarante ans qui s’y déclarent absolument attachés. Le pape Benoît XVI en personne a pu rappeler avec insistance que le célébrant tourné vers Dieu, la communion reçue sur la langue et l’agenouillement sont la bonne attitude liturgique et qu’il convient de les rétablir ; la messe française persiste résolument dans sa résistance implacable.

Telle est la situation de ce qui se présente le plus souvent en France comme représentant la « forme ordinaire du rite romain ». Et il est vrai que quarante-trois années de pratique continue offrent l’apparente justification d’une coutume légitimement établie. L’interdire formellement risquerait de provoquer une nouvelle rupture, et l’on peut comprendre l’importance prudentielle d’éviter le renouvellement d’une telle brutalité : d’où la tolérance actuelle.

On peut aussi ne manifester aucun enthousiasme soit pour la généralisation soit pour la prolongation d’une telle tolérance. Mais la question que nous tenons à poser n’est pas exactement celle-là. En situation, nous formulons plutôt une sorte de question préalable, mais de plus en plus urgente : la messe française, telle qu’elle est en fait dans la réalité, et en droit dans son missel des dimanches, peut-elle porter sans abus la qualification de « forme ordinaire du rite romain » ? Il nous paraît évident que la réponse est non.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 7730
du Vendredi 16 novembre 2012

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