L’Agneau de Dieu
publié dans couvent saint-paul le 8 mars 2013
Homélie du 4° dimanche de Carême
L’Agneau de Dieu
Les deux Alliances
« Frères, il est écrit qu’Abraham eut deus fils, l’un de l’esclave, l’autre de la femme libre. Or celui de l’esclave naquit selon la chair, mais celui de la femme libre, en vertu de la promesse. Ces faits ont un sens allégorique : ce sont les deux Alliances. » (Gal 4 22).
Ce dimanche, notre méditation portera sur cette phrase et plus spécialement sur les « deux alliances », sur leur « sens allégorique ». Tout cela nous préparera à la compréhension de la fête de Pâques. Mais pourquoi ?
Il y a deux alliances, l’Ancienne et la Nouvelle.
L’Ancien Testament avec Moïse et le peuple hébreux. Le Nouveau Testament avec le Christ et son Eglise.
L’une est l’image de l’autre. Elle peut en donner l’intelligence. Mais lorsque l’image est réalisée, l’image n’a plus de sens. Telles seront les deux idées de cette méditation.
Certes l’Ancienne Alliance est radicalement différente de la Nouvelle Alliance, dans ses fruits et ses conséquences…Ces deux alliances, toutefois, sont complémentaires, en ce sens que l’une annonce l’autre, que l’une prépare l’autre,
que l’une préfigure l’autre, que l’une donne l’intelligence de l’autre, en ce sens que l’autre réalise ce qui fut annoncé par la première : elle réalise les figures de la première.
Essayons de comprendre pour admirer l’œuvre du Christ dans sa Passion. Voilà. Vous connaissez assez d’Histoire Sainte pour suivre ma démonstration.
La libération du peuple juif de la terre d’Egypte fut réalisée par le sang de l’agneau pascal mis sur les montants des portes des maisons juives, l’ange « exterminateur » les évitant à la seule vue du sang… Et ce sang de l’Agneau qui donne toute liberté au peuple hébreu, symbolise, prépare, annonce la libération acquise par le Sang du Nouvel Agneau, Le Christ.
Le Christ-Jésus libère le peule qui croit en Lui, en sa Passion, en son Sang, de la tyrannie du démon, comme l’Agneau Pascal de Moïse, de l’Ancienne Alliance, protégea les enfants d’Israël de toute extermination. L’Agneau Pascal, historiquement conçu, est le symbole, l’image du Mystère de la Pâque qui vient, de la Pâque de Seigneur qui est, par la mort de l’Agneau, la libération du peuple messianique.
Souvenez vous du récit de l’Exode au chapitre 12 : « Voici, dit-il, tu prendras un agneau sans défaut et sans tache et vers le soir, tu l’immoleras avec les fils d’Israël, et c’est de nuit que vous le mangerez en hâte et vous ne briserez aucun de ses os. Tu feras ainsi, est-il écrit : En une seule nuit vous le mangerez par famille et en tribu, vos reins ceints et les bâtons dans vos mains. Car ceci est la Pâque du Seigneur, un mémorial éternel pour les fils d’Israël. Prenez du sang de l’Agneau, oignez les portes extérieures de vos maisons en mettant sur les montants d’entrée le signe du sang pour intimider l’ange. Car voici, je frapperai l’Egypte, et en une seule nuit, elle sera privée d’enfant, de bétail jusqu’à l’homme. »
Le Pharaon tellement impressionné, cette fois, laissa partir le peuple hébreu.
Alors Moïse, ayant égorgé l’agneau et accompli de nuit le mystère avec les fils d’Israël, il marqua les portes des maisons et le peuple hébreux fut protégé et s’échappa ainsi de l’esclavage du Pharaon
L’agneau pascal de l’Ancienne Alliance est la figure de l’Agneau de la Nouvelle Alliance. Et voilà pourquoi saint Jean Baptiste présenta Jésus qui venait vers lui par ces paroles : « Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte le péché du monde » (Jn 1 29). Autrement dit, voici celui qui donne la liberté, la liberté des enfants de Dieu…Comme hier, l’agneau pascale de Moïse en son sang permit au peuple de partir pour le désert et la Terre promise. Mais cet agneau de l’Ancienne Alliance était la figure annonçant le Nouvel Agneau. L’Agneau de l’Ancienne Alliance est devenu le Fils, le vrai Fils de Dieu, Voilà pourquoi il est appelé le Libérateur. L’agneau de l’Ancienne Alliance est l’allégorie du Nouvel Agneau, le véritable.
Et c’est pourquoi avec cette messe et ces lectures, on commence dans le Bréviaire, le récit de la sortie du peuple hébreu de la dure captivité des Egyptiens, avec le récit de l’Agneau Pascal, la traversée de la Mer Rouge, la manducation de la Manne dans le désert.
L’Eglise ainsi veut-elle nous donner dans cette allégorie des deux alliances l’intelligence de la « promesse de Dieu » – de son Alliance – qui se réalisera, définitivement, au Golgotha, par l’immolation de l’Agneau Pascal, le véritable Agneau, véritable libérateur…Mais qui fut préfiguré dans l’Ancien Testament, dans l’histoire du peuple hébreux et de sa libération de l’Egypte et dans la manducation de la Manne. Cette allégorie donne l’intelligence du Nouvel Agneau et de sa Mission et de son Rôle. C’est un argument scripturaire qui nous donne l’intelligence de l’œuvre salvifique du Christ, réalisant le plan de Dieu.
Ayez l’intelligence des choses de Dieu !
Nous nous y aiderons en citant quelques passages de la belle homélie « sur la Pâque » de Meliton de Sardes, évêque de Sardes, au tout premier siècle de l’Eglise, connu de Polycarpe qui le site, lequel fut disciple de Saint Jean..
Dès le début de son homélie, Meliton pose le fait des deux alliances et en montre, comme l’affirme Saint Paul dans notre Epître de ce jour, le sens « allégorique ». Que l’une est la figure de l’autre.
« Le texte de l’Ecriture, dit-il, sur l’exode hébreu a été lu et les paroles du mystère viennent d’être expliquées : comment l’agneau est immolé et comment le peuple est sauvé. Comprenez donc !
« L’immolation de l’agneau et le rite de la Pâque ont abouti au Christ Jésus en vue de qui tout arriva dans la Loi ancienne…
Tel est le mystère de la Pâque ».
Et Méliton poursuit : « Quand donc l’agneau est égorgé et la Pâque mangée et le mystère accompli et le peuple réjoui et Israël marqué, alors arrive l’ange pour frapper l’Egypte, celle qui était ni initiée au mystère, ni participante à la Pâque,
ni marqué par le sang, ni protégée par l’Esprit, l’ennemie, l’incroyante, en une seule nuit l’ayant frappée, il la priva de ses enfants. Car l’ange, ayant fait le tour d’Israël et l’ayant vu marqué du sang de l’agneau, se dirigea contre l’Egypte et dompta, par le deuil, Pharaon à la nuque dure, après l’avoir entouré non d’un vêtement sombre ou d’un manteau en lambeaux, mais de toute l’Egypte totalement déchirée, pleurant ses premiers-nés »
Une fois le récit historique de l’Ancien Testament bien décrit, Meliton de Sardes en donne le sens allégorique : « Israël était protégé par l’immolation de l’agneau et en même temps, illuminé par le sang versé ; et la mort de l’agneau se trouvait être un rempart pour le peuple. O mystère étrange et inexplicable ! L’immolation de l’Agneau se trouve être le salut d’Israël et la mort de l’Agneau devint la vie du peuple et le sang intimida l’ange. « Dis-moi, Ô ange, ce qui t’a intimidé l’immolation de l’agneau ou la vie du Seigneur ? La mort de l’Agneau ou la préfiguration du Seigneur ? Le sang de l’agneau ou l’Esprit du Seigneur ?
Il est clair que tu as été intimidé parce que tu as vu le mystère du Seigneur s’accomplissant dans l’agneau, la vie du Seigneur dans l’immolation de l’agneau, la préfiguration du Seigneur dans la mort de l’agneau. C’est pourquoi tu ne frappas pas Israël, mais tu privas l’Egypte seule de ses enfants ».
Or cette image se réalisa dans l’Evangile , avec la venue du Seigneur : « la figure fut rendue vaine, ayant transmis sa puissance à la réalité,…. la figure est rendue vaine lorsqu’elle a transmis son image à ce qui existe vraiment…(alors) le peuple d’Israël perdit sa raison d’être lorsque l’Eglise fut érigée, et la figure fut abolie lorsque le Seigneur fut manifesté, et aujourd’hui ce qui jadis était précieux est devenu sans valeur après que fut manifesté ce qui est précieux par nature. Car jadis précieuse était l’immolation de l’agneau et désormais sans valeur à cause de la vie du Seigneur ; précieuse la mort de l’agneau et désormais sans valeur à cause du salut du Seigneur ; précieux le sang de l’agneau et désormais sans valeur à cause de l’Esprit du Seigneur ; précieux l’agneau muet et désormais sans valeur à cause du Fils irréprochable ; …précieux l’héritage étroit, et désormais sans valeur à cause de la grâce répandue au large. Car ce n’est ni en un seul lieu, ni en un court lambeau de terre que la gloire de Dieu a été établie, mais c’est jusqu’aux confins de la terre que la grâce a été répandue et c’est là que le Dieu tout puissant a établi sa tente, par Jésus-Christ à qui est la gloire dans tous les siècles. Amen ».
Voilà, ce qui, dans un véritable esprit œcuménique, devrait être dit au peuple hébreu.
Et Meliton de Sardes insiste, en fin de discours, sur la réalisation des préfigurations
: « C’est lui qui arriva des cieux sur la terre pour celui qui souffrait,
se revêtit de celui-ci même par le sein d’une vierge d’où il sortit homme.
Il prit sur lui les souffrances de celui qui souffrait, par le corps capable de souffrir,
détruisit les souffrances de la chair et tua, par son esprit qui ne peut mourir, la mort homicide. C’est lui qui pour avoir été amené comme un agneau et immolé comme un agneau nous délivra du service du monde comme de la terre d’Egypte,
nous délia des liens de l’esclavage du démon comme de la main de Pharaon
et marqua nos âmes de son propre Esprit comme d’un sceau et les membres de notre corps de son propre sang. C’est lui qui couvrit la mort de honte et qui mit le démon dans le deuil comme Moïse Pharaon. C’est lui qui frappa l’iniquité et qui priva l’injustice de postérité comme Moïse l’Egypte. C’est lui qui nous arracha de l’esclavage pour la liberté, des ténèbres pour la lumière, de la mort pour la vie,
de la tyrannie pour une royauté éternelle. Lui qui fit de nous un sacerdoce nouveau et un peuple élu, éternel. C’est lui qui est la Pâque de notre salut. C’est lui qui supporte beaucoup en un grand nombre ; c’est lui qui fut …en l’agneau immolé…C’est lui qui en une vierge fut incarné, qui sur le bois fut suspendu…C’est lui l’agneau sans voix, c’est lui l’agneau égorgé, C’est lui qui sur le bois ne fut pas broyé, en terre ne fut pas corrompu, ressuscité des morts et ressuscita l’homme du fond du tombeau ».
Et Meliton termine son homélie sur la Pâque, on peut facilement le comprendre, par un hymne à la gloire du Christ, l’Agneau de Dieu, Fils de Dieu, libérateur
« Venez donc, toutes les familles des hommes pétries avec les péchés, et recevez la rémission des péchés. Car c’est moi qui suis votre rémission, moi la Pâque du salut,
moi l’agneau immolé pour vous, moi votre rançon, moi votre vie, moi votre résurrection, moi votre lumière, moi votre salut, moi votre roi. C’est moi qui vous conduis vers les hauteurs des cieux ; c’est moi qui vous ressusciterai ; c’est moi qui vous montrerai le Père qui est dès les siècles, c’est moi qui vous ressusciterai par ma main droite.
Tel est celui qui fit le ciel et la terre…C’est lui « l’alpha et l’oméga », c’est lui le commencement et la fin.. .c’est lui le Christ ; c’est lui le roi c’est lui Jésus ;
lui le stratège. Lui le Seigneur ; Lui qui ressuscita des morts, Lui qui est assis à la droite du Père. Il porte le Père et il est porté par le Père ; « à la lui la gloire et la puissance dans les siècles. Amen ».