M Roberto de Mattei présente ses voeux pour 2014
publié dans regards sur le monde le 13 janvier 2014
Sur « Correspondance européenne » n° 278 du 10 janvier 2014
Confions l’année 2014 à Marie, Reine de l’Histoire
Lorsque se leva l’aube du 1er janvier 1914, l’Europe était plongée dans l’opulence tranquille de la Belle époque et faisait encore confiance au progrès radieux de l’humanité. Le XXe siècle venait de s’ouvrir avec la présomption ingénue d’avoir définitivement laissé derrière lui les maux et les erreurs qui affligeaient les hommes depuis le péché originel. Qui aurait imaginé que cette année 1914 aurait inauguré une époque de mort et de destruction à l’échelle mondiale ?
Et pourtant, après le meurtre de l’Archiduc François Ferdinand d’Autriche, le 28 juin de cette même année, en peu de semaines, l’Europe précipita dans une terrible guerre. De 1914 à 1918, la meilleure jeunesse européenne fut saignée dans une lutte fratricide. Près de neuf millions d’hommes manquèrent à l’appel au terme de cette conflagration globale. Ce fut au cours de cette guerre que le communisme fit irruption dans l’histoire, commençant à répandre ses erreurs dans le monde à partir de la Russie. En apparaissant à Fatima, le 13 mai 1917, l’année même de la Révolution soviétique, Notre-Dame donna la clef de lecture de ce qui se passait et de ce qui aurait eu lieu.
Il s’agissait d’un châtiment pour les péchés de l’humanité. Sans connaître les révélations faites aux trois bergers de la Cova da Iria, un grand auteur catholique, Mgr Henri Delassus, dédia en 1919 un livre profond à Les pourquoi de la guerre mondiale. Toute guerre, expliquait-il, est le châtiment des péchés des nations. Elle est un acte de justice mais également de suprême miséricorde puisqu’au travers des souffrances, elle ouvre les cœurs à la vérité et au bien dont ils s’étaient éloignés.
Depuis 1914 et jusqu’à nos jours, une spirale de désordre a enveloppé l’humanité. Quatre grands Empires s’écroulèrent, l’équilibre européen fut bouleversé et l’hydre du communisme se retrouva flanquée par celle du national-socialisme. Les démocraties libérales révélèrent leur caractère hypocrite et leur fragilité, cette situation générant la seconde conflagration mondiale avec son épouvantable bilan : 55 millions de morts dont 45 millions d’européens.
A cette guerre suivit – et se trouve encore en cours – une Révolution religieuse et culturelle qui a secoué la civilisation occidentale et chrétienne jusqu’en ses fondements. L’immense génocide de l’avortement n’est autre que l’expression physique et sanglante d’un anéantissement plus vaste et plus profond des âmes et des nations, anéantissement qui, avant même que d’être biologique, est d’ordre spirituel et moral.
Parmi ceux, bien rares, qui pressentaient la catastrophe de 1914, se trouvait saint Pie X, Souverain Pontife depuis 1903. Son programme, Instaurare omnia in Christo, indiquait la seule solution possible aux maux du siècle. Il n’existe de paix possible pour les hommes, les familles et la société tout entière en dehors de la paix fondée sur le Royaume du Christ, vrai Dieu et vrai homme, unique Sauveur de l’humanité. Saint Pie X pressentait le fléau imminent mais il n’imaginait peut-être pas que cette année-là aurait été celle de sa mort.
La situation du monde est aujourd’hui bien plus dramatique qu’elle ne l’était voici un siècle. Ceux qui conservent encore un brin de sens moral ressentent que la source de la désagrégation sociale et morale est l’éloignement des nations de la loi divine et naturelle. L’apostasie des peuples européens arrive au point d’insérer dans les lois et de proclamer depuis les tribunes politiques et médiatiques la haine pour la famille naturelle, composée par un homme et une femme. Le chaos règne souverain et les yeux égarés de ceux qui conservent la foi se tournent vers la Chaire de Pierre, maîtresse infaillible de foi et de morale.
Sur le trône de Saint Pierre ne siège plus aujourd’hui saint Pie X mais un Pape auquel on attribue l’intention de mettre en œuvre le programme des modernistes, fulminé en 1907 par Pie X dans son Encyclique Pascendi. Qu’est-ce si ce n’est l’agenda moderniste que ce qu’attribue au Souverain Pontife son confrère jésuite le Père Georg Sporschill, auteur du dernier entretien accordé par le cardinal Martini, lorsqu’il écrit, dans les colonnes du quotidien italien “Corriere della Sera” du 31 décembre dernier : « tant en ce qui concerne l’analyse de la situation ecclésiastique que pour ce qui est des réponses qu’ils donnent, les deux jésuites que sont le Pape François et le Cardinal Martini, sont proches comme s’ils s’étaient mis d’accord ».
A ces mots, le Père Sporschill ajoute un message inquiétant : « Le courage avec lequel le Pape actuel abat certaines vaches sacrées fait que certains craignent pour sa vie ». Il faut se demander qui sont les « vaches sacrées » et qui sont ceux qui craignent pour la vie du Pape et pour quelles raisons ? En 2013, nous avons assisté à la surprenante renonciation d’un Pape au Pontificat, suivie par une situation dans laquelle un « Pape émérite » vient flanquer, presque à contre-jour, le Pape qui gouverne l’Eglise.
A quels autres faits bouleversants devrons-nous assister en 2014 ? Ce qui est certain est que l’agenda du cardinal Martini, qui prévoyait la fin du célibat ecclésiastique, « l’ouverture » aux couples homosexuels et la transformation de la Papauté en une démocratie collégiale, est un programme indubitablement reconductible au modernisme. Est-il possible que le Pape François entende véritablement prendre ce chemin ? Le monde est désorienté mais, à la différence d’il y a un siècle, il semble presque pressentir l’imminence d’une catastrophe. L’illusion du caractère irréversible du progrès a été remplacée par la conviction du caractère inéluctable de la décadence et de l’écroulement. Aujourd’hui, la société mondiale est plus vulnérable qu’elle ne l’était en 1914 et elle pourrait subir un effondrement plus rapide et plus dévastateur qu’un siècle auparavant.
Il existe des moments auxquels le voile de l’histoire est sur le point de se soulever. Mais aujourd’hui les hommes ont perdu ce sens surnaturel, qui rend capables de lire les sorts du monde à la lumière de Dieu, comme un jour ils seront révélés dans le cadre du Jugement dernier. Pour comprendre ce qui se passe, il faut redécouvrir les principes sur lesquels se basent la société humaine et l’univers dans son ensemble. Ces principes ont en Dieu leur unique source. Les répéter inlassablement, lorsque tous les nient, rappelle Ernest Hello, équivaut à les révéler. Il faut s’éloigner du vacarme du monde afin de retrouver ces vérités d’ordre naturel et surnaturel que la Tradition de l’Eglise nous transmet et que la Très Sainte Vierge Marie fut la première à accueillir et à conserver dans toute leur intégrité et leur pureté dans Son Cœur Immaculé.
Au moment de la naissance du Sauveur, Notre-Dame réfléchissait aux mystères qu’elle apprenait par grâce divine. Ainsi que le dit l’Evangile : « Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur » (Lc 2, 19). Elle avait l’usage de la science infuse et l’exemption du péché originel apportait une luminosité et une intuition extraordinaires à son esprit. En Elle, il n’y eu jamais de doute de foi, d’ignorance ou d’erreur. Jamais son intelligence, sa volonté ou ses sens ne se rebellèrent aux desseins divins.
Elle eut toujours la possession de toute la science et de toute la volonté qui convenait à sa sublime mission. Lorsque naquit le Rédempteur, le regard de Marie embrassa les siècles, du temps de l’Incarnation à celui de l’antéchrist, et elle connut toutes les pages de défection et de trahison, de fidélité et d’héroïsme que l’histoire de l’Eglise aurait connu. Notre-Dame, Reine des Prophètes et Reine de l’Histoire aurait, au cours des siècles, accompagné et soutenu, pas à pas, chaque enfant qui se serait confié à elle. Le Vénérable Pape Pie XII nous rappelle en effet : « Si Pierre a les clefs du ciel, Marie a les clefs du cœur de Dieu » (Discours Questa viva corona du 21 avril 1940). Il n’est de meilleur vœu pour 2014, quelques soient les surprises que cette année pourra nous réserver, que de la vivre avec Marie et en Marie, et donc dans l’Eglise, avec l’Eglise et pour l’Eglise. (Roberto de Mattei)