Heureux qui comme les Suisses
publié dans regards sur le monde le 20 février 2014
Lu sur « correspondance européenne »:
Europe : Heureux qui comme les Suisses…
En Suisse, comme dans chaque démocratie européenne, la classe politique impose ses vues généralement contre l’assentiment de la population. La coupure qui existe entre l’électeur et l’élu – coupure voulue et générée par le système de la démocratie parlementaire lui-même – y est aussi sensible qu’ailleurs. Mais ce qui distingue la Suisse des autres pays européens, c’est qu’elle dispose d’un mécanisme de démocratie directe qui permet à la population de faire valoir son point de vue contre celui des politiciens.
Une fois les 100 000 signatures acquises, le référendum doit avoir lieu et le résultat s’impose légalement même s’il faut pour cela modifier la constitution. Contrairement à ce que l’on croit hors de Suisse, les votations ne sont pas des phénomènes isolés ou rares. On vote continuellement en Suisse que ce soit au niveau cantonal ou fédéral. Ce qui est frappant, c’est que cette démocratie directe fait apparaître toujours davantage combien la classe politique et les grands médias sont opposés à la population sur certains thèmes.
Lorsque l’UDC a lancé son référendum sur les minarets, on a vu une levée de boucliers du côté politique et médiatique, dénonçant la campagne en faveur de l’interdiction comme une basse manœuvre visant à exploiter les peurs et les instincts racistes de la population. Le verdict des urnes ne les a pas faire taire : ils prétendent que cette forme de démocratie est sujette à des récupérations sectaires et ne représente finalement rien. C’est là qu’on voit les vrais démocrates, c’est-à-dire ceux qui s’inclinent devant la voix de la majorité : c’est une espèce en voie de disparition.
Aujourd’hui, l’UDC remporte une nouvelle grande victoire en obtenant par référendum que l’immigration soit limitée par des quotas et des contingents. La Suisse reprend sa souveraineté dans ce domaine, à la grande fureur de l’Union européenne et de ses valets. Lorsqu’elle a signé ses accords de libre circulation des personnes avec l’Union européenne (accords bilatéraux du 21 juin 1999), la Suisse s’attendait à un arrivage annuel de quelque 8 000 personnes. C’était ainsi qu’on avait tranquillisé la population. Le flux migratoire est très vite passé à 80 000 personnes par an, l’Union européenne étant elle-même incapable de contrôler ses propres migrants puisqu’elle agit en pompe aspirante notamment en Méditerranée.
La majorité des Suisses (50,3 % avec un taux de participation de 55,8 %) souhaitent à présent reprendre en main le contrôle des flux migratoires dans leur pays. La réaction des milieux économiques ne s’est pas fait attendre car ils sont les principaux bénéficiaires d’une main d’œuvre bon marché, d’un niveau de consommation élevé et du maintien des prix de l’immobilier artificiellement hauts, trois conséquences immédiates de l’immigration de masse. Par leur réaction, on peut voir qui tire réellement les ficelles du système – la classe politique ne faisant que relayer les revendications de leurs commanditaires.
Ainsi on cherche à effrayer les Suisses en leur promettant la fin de leur prospérité et des mesures de rétorsion de la part de l’Union européenne. On fait valoir que la limitation de l’immigration privera la Suisse d’un personnel qualifié provenant de l’étranger et dont elle aurait un besoin vital. Ces arguments malhonnêtes ne font que dévoiler combien leurs auteurs répondent à des intérêts particuliers qui sont totalement étrangers à ceux des Suisses.
Pour s’en convaincre, il suffit de lire les articles 121 et 121a qui modifieront la Constitution fédérale quant à la libre circulation des personnes, l’asile et la gestion de l’immigration. Il ne s’agit pas en effet d’interdire l’immigration mais de la gérer de façon autonome. Ainsi, « les autorisations délivrées pour le séjour des étrangers en Suisse est limité par des plafonds et des contingents annuels ». Cela signifie qu’il ne suffit pas de fixer des maxima globaux mais de gérer différemment les personnes selon leur origine, par exemple les frontaliers, et la durée de leur séjour.
Cette mesure introduit une grande souplesse dans la gestion de l’immigration et permet en particulier de répondre au mieux aux besoins économiques des entreprises. Cela permet aussi de renvoyer les étrangers qui n’ont plus de travail en Suisse. Cette mesure touche également le droit d’asile dont on ne pourra plus abuser comme c’est le cas dans toute l’Union européenne. L’alinéa 3 confirme que « les plafonds et les contingents annuels pour les étrangers exerçant une activité lucrative doivent être fixés en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse et dans le respect du principe de la préférence nationale ».
Plus précisément : « Les critères déterminants pour l’octroi d’autorisations de séjour sont en particulier la demande d’un employeur, la capacité d’intégration et une source de revenus suffisante et autonome ». L’alinéa 3 détruit donc complètement l’argumentaire économique qu’on peut lire dans les grands médias suisses ou étrangers. En réalité, les modifications apportées à la Constitution fédérale sont d’une telle sagesse qu’on se demande comment des dispositions contraires ont jamais pu être approuvées par des politiciens.
Ces modifications ne touchent nullement les enjeux économiques vitaux de la Suisse, mais visent à mettre un terme aux abus de l’immigration de masse qui appauvrit les pays d’accueil. Le résultat du référendum a été salué par les leaders populistes européens et regardé avec envie par des millions d’Européens. Il est clair que si le droit au référendum était accordé aux autres peuples d’Europe, des résultats semblables, ou peut-être plus marqués encore, seraient obtenus. L’Union européenne et sa classe politique ne pardonnent pas à la Suisse de montrer l’exemple de la liberté politique. (Christophe Buffin de Chosal)