Discours du Pape au Parlement Européen. Une analyse.
publié dans regards sur le monde le 29 novembre 2014
Monique T a lu avec attention le discours du Pape devant le Parlement européen; et elle déplore trop de non-dits, d’approximations et de frilosité sur les sujets qui fâchent: avortement, « mariage » gay, persécutions des chrétiens, Asia Bibi, immigration… (26/11/2014
(Monique T, 26 novembre)
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J’ai écouté le discours du Pape devant le Parlement européen puis je l’ai relu.
Certes, ce discours était digne et grandiose dans la forme et il a balayé tous les sujets intéressant cette noble assemblée. Les envolées en faveur de « la dignité transcendante » de l’homme, de « la sacralité de la personne », des « racines religieuses » (à défaut d’être chrétiennes) et de « l’identité culturelle » du continent n’ont pas manqué.
Cependant, ce discours m’a paru lisse, sans aspérités, tout à fait propre à être applaudi par une assemblée qui promeut généralement le contraire de ce que préconise le Pape.
Les non-dits abondent. J’aurais aimé entendre certaines vérités que la diplomatie interdit d’aborder mais qu’un Pape extrêmement populaire pourrait se permettre de dire.
Le Pape a bien condamné l’euthanasie et l’avortement mais sans prononcer ces mots et sans insister outre mesure. Il aurait pu montrer du doigt (sans les nommer) les pays qui ont déjà voté une loi sur l’euthanasie ou qui s’apprêtent à le faire. En ce qui concerne l’avortement, il aurait pu dire qu’en éliminant un embryon , on tue un enfant quel que soit le stade de la gestation et que ce qui est légal n’est pas forcément moral.
Il aurait pu dire que tout pays peut abroger des lois mortifères. Il aurait pu avancer le nombres de millions d' »enfants tués avant de naître » dans l’Union depuis 40 ans. Il aurait jeté un froid glacial mais le Pape Bergoglio peut tout se permettre!
Il aurait pu relier cette hécatombe au vieillissement de la population.
Il aurait pu mettre en garde les Etats contre la légalisation du mariage entre personnes de même sexe mais c’est un sujet qu’il n’a pas voulu aborder.
Le Pape aurait pu interpeller les gouvernements européens au sujet de l’introduction de la théorie du gender dans les écoles et dire que cette manipulation des enfants est inacceptable , immorale et dangereuse pour leur équilibre psychologique. Il aurait pu dire qu’il se met du côté des parents qui résistent.Quelle force pour eux! Quelle colère dans la presse!
Il aurait pu dire qu’il appuie avec conviction tous les mouvements de protestation contre le mariage gay et les mouvements pro-vie. Quelle caution pour eux!
Il aurait pu interroger les Etats sur leur politique familiale. Il ne suffit pas de dire que l’Europe est une grand-mère. Que peut-on faire pour qu’elle devienne une mère?
Le Pape a mentionné les persécutions barbares contre les minorités religieuses (dont les chrétiens). Il n’a pas dit où ni par qui, tout en s’élevant contre un silence honteux. Justement.
Le Pape ne pouvait-il pas demander aux pays représentés d’octroyer des visas (un peu dans chaque pays de l’Union) aux réfugiés irakiens et syriens bloqués dans des camps sans espoir de retour dans leur foyer (arrêtons de dire qu’ils ne doivent pas émigrer, maintenant que leur situation sur place est désespérée!)? J’imagine la déception de ces réfugiés entendant seulement le Pape décrire leur situation, sans lancer le moindre appel concret auprès de ceux qui pourraient les aider.
Je pense aussi à Asia Bibi. S’il y a eu des tractations secrètes du Saint Siège à son sujet, il faut bien admettre qu’elles ont échoué.
C’est peut-être le moment de passer aux actions d’éclat. Mais on a peur… Le Pape aurait pu lancer un appel en sa faveur auprès des euro-députés. Toute une assemblée envoyant une pétition au président pakistanais pour obtenir sa grâce!
On ne veut pas octroyer des visas aux chrétiens d’Orient (dont le nombre est limité et qui s’intègrent sans porter préjudice à la société d’accueil) alors qu’on considère comme un devoir d’accueillir tout immigré illégal qui se présente. Ils « ont besoin d’accueil et d’aide ».
Un Pape ne peut rien dire d’autre mais il faudrait préciser en quoi consiste cette aide. S’il s’agit d’une aide d’urgence au moment où ils arrivent, elle leur est due pour des raisons humanitaires et elle leur est prodiguée. Ce ne sont pas les Européens qui les noient en Méditerranée! Par ailleurs, beaucoup d’Européens sont en quête d’un toit et d’un travail et il est absolument malhonnête de faire miroiter la possibilité d’une vie meilleure à des millions de candidats à l’émigration. Le Pape a signalé la nécessité de « protéger les droits des citoyens européens et garantir l’accueil des migrants ». Les deux sont-ils compatibles dans un continent rongé par le chômage et miné ça et là par la délinquance? On se demande pourquoi le Pape veut nous faire accepter l’idée d’être peuplés par des vagues d’immigrés très majoritairement musulmans, qui finiront par constituer à terme, avec leurs descendants, la majorité de la population des pays d’Europe. Le Pape veut-il que se reproduise ici la configuration qui fait le malheur des chrétiens d’Orient?
Le Pape concède que l’émigration n’est pas en soi un bien et qu’il vaudrait mieux aider les pays d’origine: chose qu’on entend depuis 40 ans! Oui, mais l’Europe qui s’appauvrit de jour en jour n’a vraiment plus les moyens de déverser sur l’Afrique des wagons d’or (généralement détournés par une oligarchie) ou d’envoyer son armée un peu partout pour s’interposer entre des bélligérants qui, eux, ont les moyens financiers de faire la guerre!
La culpabilisation facile de l’Europe par le Pape au sujet de l’immigration n’est décidément pas entièrement recevable.
Celui qui survit en Europe avec de faibles revenus et dont les enfants s’enfoncent dans la pauvreté supporte mal que le Pape fustige « l’opulence insoutenable » du continent. A côté de cela, le Pape est conscient de l’augmentation du chômage des jeunes, sans avancer le moindre remède. Il aurait pu interpeller les gouvernements au sujet de leur système éducatif qui, dans certains pays comme la France, accepte, avec nos impôts, que des cohortes d’étudiants se fourvoient dans des filières bouchées tandis que certains métiers sont délaissés. Il aurait pu aussi dénoncer l’égoïsme générationnel de ceux qui ne veulent embaucher que des jeunes expérimentés (3 ans d’expérience à 23 ans!), si bien que les jeunes ne peuvent pas commencer leur vie! Ceci n’est pas sans rapport avec la dénatalité déplorée par le Pape!
Pour conclure, disons que le Pape a perdu plus d’une occasion d’interpeller vigoureusement et courageusement le Parlement européen. Lui qui est si offensif et si direct au Vatican, il a prononcé à Strasbourg le très beau discours d’un vieux diplomate courtois. Il est souvent resté au niveau du constat. Lui qui d’habitude est si concret (jusqu’à user de l’anecdote), il a parlé de grandes généralités, sans avancer les solutions que la doctrine sociale de l’Eglise aurait pu lui souffler. Il n’a rien osé dire qui ne puisse être applaudi par l’assemblée et par les médias. Il sortira indemne de sa prestation à Strasbourg alors qu’un Pape devrait en revenir meurtri par les critiques et les protestations.